18/10/2022 - #Renault , #Alpine , #Peugeot , #Porsche , #Stellantis
Face à l'électrique, des artisans de l'automobile se rebellent
Par AFP
(AFP) - A l'heure où, de Detroit à Pékin, le monde automobile investit des sommes colossales pour la révolution électrique, dans un petit atelier du Vercors, quelques mécaniciens assemblent une petite voiture sportive avec un bon vieux moteur à explosion, au bruit rassurant pour les nostalgiques des "roadsters".
A Tullins, chez Devalliet, niché au pied du Vercors, on est loin des SUV électriques du Mondial de l'auto, qui a commencé lundi à Paris. La petite société mise sur l'artisanal et le rétro, et rejoint une poignée d'artisans qui produisent encore des voitures sportives en France, comme PGO à Alès (Gard), à quelques exemplaires par an, et à des prix proches des 100.000 euros.
"On développe une voiture thermique à l'ère de l'électrique : on est le village gaulois, on est rebelles. Mais on reste politiquement corrects du point de vue écologique", lance son créateur, l'industriel Hervé Valliet, 60 ans, qui s'est lancé dans ce pari à plusieurs millions d'euros, près de son usine de tôlerie où il fabrique notamment des rangements pour l'industrie.
Selon lui, l'électrique ne correspond pas aux attentes pour ce qu'il appelle les loisirs, et il lui manque le bruit. "Mais je ne dis pas que ça n'aura pas évolué dans trois ans".
Collectionneur d'automobiles, pilote de voitures radiocommandées, Hervé Valliet a voulu "prouver qu'on pouvait sortir une voiture en 2022 et l'homologuer", en dehors des géants du secteur. Il prévoit d'être rentable avec quinze à trente voitures produites par an.
Un roadster est une carrosserie sportive, avec une caisse ouverte; casquette ou casque sont conseillés, car le client a le choix entre un demi pare-brise et un saute-vent ; les portes sont en option. Le modèle a été baptisé Mugello, du nom d'un circuit toscan.
La société veut montrer qu'il n'est pas nécessaire d'avoir d'immenses usines pour fabriquer des voitures. Le châssis en aluminium est réalisé à quelques kilomètres de l'atelier, la carrosserie découpée sur place et peinte dans le garage Renault voisin.
Le moteur, lui, est de série. C'est un quatre cylindres d'1,6 litre fabriqué à Vesoul par le groupe Stellantis, ce qui a permis de faciliter l'homologation. Après avoir été monté dans les versions sportives des Peugeot 308 et 3008, il équipe actuellement le SUV DS7.
Hervé Valliet avait d'abord prévu un moteur bien moins puissant, mais ce n'était "pas assez" pour sa clientèle. La marque annonce une consommation de 6 litres aux 100 kilomètres en conduite "tranquille", et des émissions de 127 grammes de CO2 par kilomètre, passant sous les malus écologiques.
Pas d'artifices
Aymeric, 46 ans, est tombé sous le charme du côté "sans filtre" de cette "belle pièce", avec ses bruits et vibrations. Cet ex-ingénieur en mécanique ne "croit" pas à l'électricité dans les moteurs et mise plutôt sur l'hydrogène dans un futur proche. Il a choisi sa Mugello en "orange feu" pour aller avec ses autres sportives, des Alpine.
Son prix va pour l'instant de 80.000 à 90.000 euros, selon les options.
Au-dessus de l'usine, sur la petite route du col de Parménie, la Mugello hurle et colle son passager au sol, sans forcément dépasser les 90 km/h règlementaires. Le frein et l'embrayage sont durs comme en compétition.
"Je voulais faire une machine à sensations, sans être un délinquant sur la route", explique Hervé Valliet en écrasant l'accélérateur.
La Mugello affiche une puissance de 225 chevaux, soit le double d'une familiale, mais pour un poids de seulement 680 kilos, soit la moitié d'une Porsche - d'où le relatif avantage écologique, puisque la consommation et les émissions diminuent avec le poids.
Pas d'ABS au freinage, pas d'ESP en virage, "pas d'artifices": "vous avez l'impression d'être Fangio et de maîtriser la bête", assure M. Valliet.
Le roadster est quand même chauffé et propose un coffre assez grand pour quelques sacs, permettant les départs en week-end... Avec l'argument formulé ainsi par M. Valliet : "Il fallait aussi qu'elle plaise aux femmes, qui participent aux décisions d'achat".
Avant d'être livrés fin 2022, les premiers exemplaires sont présentés au Mondial de Paris. Un salon où d'autres jeunes constructeurs, comme Beltoise ou Pantore, ont, eux, misé sur des moteurs électriques.