28/03/2025
Les ZFE, pensées pour la santé publique mais dénoncées comme une "bombe sociale"
Par AFP
(AFP) - Créées en 2019 pour limiter progressivement l'accès des véhicules les plus âgés et polluants aux grandes villes, les "Zones à faibles émissions" (ZFE), supprimées mercredi en commission à l'Assemblée nationale, se sont heurtées à une mise en place chaotique et au spectre d'une "bombe sociale" à désamorcer.
Elles étaient censées apporter une réponse à la pollution de l'air, responsable chaque année de 40.000 décès prématurés selon les chiffres de Santé publique France, en poussant les automobilistes à acheter des véhicules moins polluants, hybrides ou électriques, ou à utiliser les transports en commun et les modes de transports dits "doux".
Initialement, l'idée de ces zones, très répandues en Europe, était de restreindre l'accès des voitures les plus polluantes, classées par catégorie (les "Crit'Air") selon un calendrier national : Crit'Air 5 en 2023, Crit'Air 4 en 2024, Crit'Air 3 en 2025.
Symbole d'exclusion
Mais la stratégie de mise en oeuvre des ZFE s'est vite heurtée au manque d'unanimité des élus locaux, qui les ont mis en place en ordre dispersé et souvent sans sanction pour les automobilistes en cas de non-respect des règles.
Parmi les critiques les plus fréquentes figure le caractère "antisocial" de la mesure.
En pleine crise du pouvoir d'achat, les ZFE sont devenues un symbole de l'exclusion des automobilistes les plus modestes. Les véhicules moins polluants, hybrides et électriques, restant encore rares et chers sur le marché de l'occasion.
Les données du ministère de la Transition écologiques montrent par exemple une corrélation entre l'éloignement des centres-villes ou le fait d'habiter dans des villes modestes et la propension à posséder un véhicule plus polluant.
A gauche, si certains reconnaissent des difficultés dans la mise en place des ZFE, les élus déplorent surtout l'absence de solutions alternatives proposées par la gouvernement.
Récemment, David Belliard, adjoint à la mairie de Paris, ou encore Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon, ont fustigé la décision du gouvernement d'abaisser les aides à la conversion.
Santé publique
"Ce sont aussi les plus pauvres qui souffrent le plus de la qualité de l'air", rétorque à l'AFP Tony Renucci, de l'association Respire, qui dénonce "un vote scandaleux et irresponsable" de la part de députés qui "nient la réalité scientifique et les impacts sanitaires" de la pollution de l'air.
Selon l'observatoire de l'air en Ile-de-France Airparif, l'interdiction à la circulation des véhicules Crit'Air 3, mise en place à Paris (mais aussi Lyon, Grenoble et Montpellier) le 1er janvier 2025, pourrait réduire "de 40%" le nombre d'habitants exposés "à des concentrations de polluant de l'air supérieures aux valeurs limites réglementaires actuelles" dans la région francilienne.
D'après la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, "dans les deux agglomérations où les ZFE sont effectives, soit celles de Lyon et Paris, la concentration de dioxyde d'azote a été réduite de plus d'un tiers", preuve selon elle de l'efficacité du dispositif.
Cadre européen
Au-delà des enjeux de santé publique, les ZFE ont également pour objectif de mettre le pays en conformité avec le cadre européen en matière de qualité de l'air. Ce dernier, défini par plusieurs directives censées rapprocher les normes européennes des recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a déjà conduit à la condamnation de la France à plusieurs amendes.
Dans la procédure engagée actuellement par la Cour de justice de l'Union européenne, le ministère de la Transition écologique estime par exemple à 126 millions d'euros le risque financier encouru.
Or l'Union européenne a encore durci ses normes sur la qualité de l'air en 2024. Pour le dioxyde d'azote et les particules fines inférieures à 2,5 micromètres (PM2.5) - très nocives car elles pénètrent profondément dans les poumons -, les valeurs limites annuelles permises seront abaissées de plus de moitié en 2030 par rapport à aujourd'hui.
Avec la suppression des ZFE, "la France ne sera pas en mesure de respecter les seuils européens. Donc on va encore payer de nouvelles amendes, plus cher", prévient Tony Renucci, de l'association Respire.