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30/05/2024 - #Renault , #Dacia , #Peugeot

Logan’s run (à la marocaine)

Par Jean-Philippe Thery

Logan’s run (à la marocaine)
"Ma" Logan devant le superbe village d’Aït Ben Haddou

Aujourd’hui, je vous emmène en voiture dans le Maroc du 23e siècle. Ou presque…

Elle a coûté trois francs six sous, et c’est tout simplement l’une des meilleures publicités automobiles auxquelles il m’a été donné d’assister.

Ou plutôt son équivalent en Dirhams, puisque c’est au Maroc que Dacia l’a réalisée en 2011 sous forme d’un plan-séquence, avec caméra fixe. Une rue de Casablanca ou d’ailleurs avec un emplacement libre entre deux autos, dans lequel une Logan de première génération effectue un créneau sur fond de musique locale. La marche arrière s’accompagne d’un "zed zed zed zed zed zed zed zed" sonore dont le rythme s’accélère à mesure que le pare-chocs arrière s’approche de la calandre de la Mégane, dans le rôle de la voiture de derrière. Il faut attendre les dernières secondes pour voir rentrer dans le cadre le responsable du bruitage onomatopéique, un de ces "assistants au stationnement" qui apparaissent systématiquement quand on se gare dans les rues du pays, lequel pose la main sur le couvercle de malle pour intimer l’arrêt complet. Et le tout de se conclure par un slogan aussi drôle qu’explicatif : "radar de recul à la marocaine"

Dans une autre version, l’imprudent qui s’appuie sur la carrosserie d’une Logan toute neuve en stationnement afin de poursuivre confortablement sa conversation téléphonique, se voit rappeler à l’ordre par un "ouet ouet, ouet ouet" retentissant qui le fait sursauter. Cette fois, le réalisateur s’offre le luxe d’un travelling arrière afin de révéler l’homme qui sur le balcon surplombant la scène, joue la partition de l’"alarme à la marocaine", et dont on devine qu’il est le propriétaire de la Dacia qu’il surveille jalousement. Promouvoir une auto en utilisant ce dont elle est dépourvue, voilà une stratégie qui était pour le moins gonflée ! Mais aussi une façon particulièrement créative de positionner la première génération du modèle comme une espèce d’essentiel automobile, en faisant oublier une conception "low-cost" que les clients potentiels n’avaient sûrement pas envie de se voir rappeler. Quoiqu’il en soit, et parce qu’ils sont particulièrement géniaux, je vous livre le lien de ces deux spots, à condition bien sûr que vous reveniez aussitôt après les avoir visionnés, lire la suite de cette chronique.

Evidemment, les choses ont quelque peu changé depuis le lancement de la première Logan il y a exactement 20 ans, et même si sa troisième génération propose toujours à ses clients potentiels de se passer du superflu au bénéfice de leur portefeuille, l’exemplaire dont je prends livraison à l’agence Avis de Casablanca est équipé non pas d’un radar mais d’une caméra de recul. En revanche, il faut tout de même encore puiser dans le catalogue d’accessoires du constructeur pour bénéficier d’une "Ouet Ouet à la Dacia". Mais ce qui importe, c’est qu’après 1.800 km parcourus à son volant, je suis en mesure de vous confirmer que la Logan est plus que jamais une voiture particulièrement adaptée au contexte routier du royaume chérifien.

En plus de parcourir le pays de Casablanca à Essaouira en passant par Marrakech, Ouarzazate et leurs environs, j’ai également eu droit à un joli voyage dans le temps revenant sur mes "années Renault", quand je roulais au quotidien à bord de véhicules de fonction de la marque, habituellement en version Diesel et "boîte méca". En l’occurrence, le petit 1.5 dCi développant à peine 95 Chevaux -soit la puissance d’une Renault 19 Turbo Diesel des années 90- en a profité pour me rappeler par son allant les vertus d’un poids maitrisé, puisque que dans cette définition, la Logan avoue à peine une quarantaine de kilos au-dessus de la tonne. Un poids plume qui allié au couple de 220 Nm, autorise non seulement des perfs tout à fait honorables mais aussi une sobriété de dromadaire permettant de rouler sa bosse au long court et à moindre coût, d’autant plus avec un litre de gasoil à 13 Dirhams (environ 1,2 euro).

Construite localement, la Logan affiche elle aussi un tarif économique, sans pour autant jouer les mesquines sur la dotation en équipement. Sur le niveau de gamme intermédiaire qui m’a été attribué, j’ai ainsi bénéficié d’une clim auto des plus efficaces, d’un régulateur de vitesse au maniement plutôt aisé, et même de jantes alliage 16 pouces. Si on ajoute à ça un confort de siège comme de suspension approuvée par ma copilote, ainsi qu’une garde au sol suffisante pour s’offrir des escapades hors asphalte sans le bruit sinistre de minéraux se frottant sous les soubassements, on en arrive à se demander si le voyageur/navetteur motorisé a vraiment besoin de plus pour se déplacer en ces temps où il est de bon temps d’invoquer la frugalité.

Certes, mes recherches visant à découvrir un sixième rapport n’ont jamais abouti, le claquement des portières à la fermeture ne fait pas exactement penser au verrouillage d’un coffre-fort suisse et je n’utiliserais pas le motif du bandeau de tissu parcourant la planche de bord pour les rideaux de mon appart. Mais les Marocains ne s’y trompent pas qui achètent en nombre celle qui est devenue ce que la Peugeot 504 représentait il y a encore quelques décennies. Un modèle dont je n’ai croisé que trois survivantes, dont une familiale et deux pick-ups, alors qu’il n’est pas si rare de croiser encore des Renault 12. Mais il n’y a pas que la Logan dans la vie des automobilistes marocains, et les autres modèles du constructeur font également recette, y compris ceux importés de Roumanie comme le Duster. Je n’ai d’ailleurs jamais vu autant de Lofgy (Lodgies ?), le succès remporté par la chaussure orthopédique de Dacia laissant augurer celui qui attend le Jogger quand il tombera des chaines de production locales, avec un physique beaucoup plus amène.

Mais si j’adore prendre le volant dans un pays que je n’ai pas encore "pratiqué", y disposer de la meilleure voiture du monde n’est pas suffisant. Encore faut-il s’approprier toutes les subtilités des codes -à défaut du code- en vigueur, et découvrir dans quelle mesure adopter ou non les pratiques locales. De ce point de vue, il me faut bien admettre que la conduite urbaine au Maroc comporte sa part de défi, n’étant précisément pas toujours des plus …urbaines. Et si je croyais avoir tout vu lors de mes premiers tours de roue dans le pays, la circulation casablancaise allait bientôt s’assimiler à une aimable plaisanterie comparée à l’incroyable chaos qui m’attendait dans la Médina de Marrakech.

Un conducteur averti -je ne l’étais pas- aurais laissé son auto à l’extérieur des remparts, alors qu’il m’a semblé logique d’approcher la voiture du Riad dans lequel nous avions réservé. Parce que j’allais bientôt découvrir qu’il me faudrait mériter de jouir du calme procuré par ces superbes demeures citadines, caractérisées par un patio constitué de quatre parties identiques au centre duquel trône la vasque d’une fontaine. De toute ma vie d’automobiliste, je crois bien ne m’être jamais trouvé au centre d’un tel tourbillon, les acteurs de la circulation marrakéchoise ayant horreur du vide. Le Néophyte laissant le moindre interstice disponible verra donc s’y introduire quelque chose ou quelqu’un, qu’il s’agisse d’une voiture, d’un deux-roues, d’une poussette, mais aussi d’un piéton, d’un animal ou d’un enfant. Et ce sera exactement la même chose, quand bien même s’étant enhardi, il pensera n’avoir laissé aucun espace.

C’est donc la règle du plus culotté qui prévaut, fondée en partie sur la croyance selon laquelle c’est Allah en personne qui décide de l’heure du passage de l’arme à gauche, dispensant donc toute velléité de prudence. C’est du moins l’analyse de l’ami Brahim avec lequel j’ai partagé un bureau à la fin du siècle dernier, au sein de la Direction Produit d’un constructeur siégeant à Boulogne-Billancourt. En dehors de la sociologie automobile, celui que j’ai retrouvé après pas loin de trois décennies se consacre désormais à la photographie, ayant finalement trouvé un vrai métier.

Voilà qui explique sans doute l’absence de hiérarchie entre les différents usagers de la voie publique, les piétons n'hésitant pas à faire valoir leur droit sans afficher la moindre crainte à l’égard des tonnes de métal prêtes à leur foncer dessus, devant lesquelles ils ralentissent ostensiblement en traversant, sans oublier de leur lancer un regard de défi. Dans ces conditions, n’avoir été confronté durant ces dix jours qu’à un accrochage bénin, la chute d’un môme à vélo qui s’est aussitôt relevé hilare et un piéton allongé par terre qui rigolait beaucoup moins, me parait tout simplement relever du miracle.

Heureusement, nous avons aussi fui les cités lors de notre Logan’s run, à l’instar du héros éponyme de "l’âge de Crystal", célèbre blockbuster sorti en 1976 sous la dénomination originale de …Logan’s run. Comme lui, nous avons donc traversé le désert, même si notre Dacia n’avait pas grand-chose à voir avec la "solar car" du film s’assimilant plutôt à un aéroglisseur, puisque dépourvue de roues. Il faut dire que dans le monde postapocalyptique de 2274, le personnage principal campé par Michael York doit affronter des pistes caillouteuses, alors que nous avons eu droit à des routes en parfait état présentant un asphalte aussi récent que lisse, que ce soit sur les autoroutes reliant Casablanca à Marrakech ou Safi ou sur le réseau secondaire.  Avec tout de même un certain nombre de contournements dus à des éboulements sur la Nationale 9 entre Marrakech et Ouarzazate, semblant démontrer que le tracé de l’ancienne route dont il fallait alors emprunter les restes pour quelques centaines de mètres tenait sans doute un peu mieux compte des risques liés aux reliefs.

Et si je n’ai pas non plus été poursuivi par des sbires vêtus de polyester noir cherchant à me faire la peau (les "sandmen" du film), je n’en n’ai pas moins vu de près l’uniforme gris des représentants de la Gendarmerie Royale à deux reprises, lesquels ont gentiment insisté pour me laisser un souvenir personnalisé sous forme de documents joliment frappés du sceau du Royaume marocain. Le premier m’a tout de même coûté 400 Dirham pour un "dépassement défectueux", autrement dit un franchissement de ligne pleine, mes tentatives d’explication mentionnant le véhicule me précédent au ralenti sur le bas-côté n’ayant pas abouti. "L’infraction a été caractérisée" me suis-je entendu répondre poliment mais fermement. En comparaison, les 150 Dirhams sanctionnant les 68 km/h au lieu de 60 en agglomération relevaient de la bonne affaire, d’autant plus qu’ils m’ont permis d’apprendre du gendarme extrêmement courtois m’ayant arrêté que les radars déclenchaient à 66 et que l’un d’entre eux m’attendait à la sortie du village suivant.

Si vous vous rendez au Maroc, sachez donc que les forces de l’ordre y sont omniprésentes, y compris à la sortie de l’aéroport de Casa dans une zone limitée à 40 km/h (ne me remerciez pas, c’est de bon cœur). Mais surtout, que vous y profiterez de paysages magnifiques, de l’hospitalité à nulle autre pareille de ses habitants, d’une excellente gastronomie et d’une architecture d’une incroyable richesse.

Et si comme moi, vous souhaitez rouler "à la marocaine", vous savez désormais quelle marque il vous faudra solliciter à l’agence de location.

zed zed zed zed zed…

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Réactions

Ce reportage où l'expression "sobre comme un chameau" est remplacée par "sobre comme un dromadaire" me fait penser à une question que j'adresse plus particulièrement à Clerion :
Savez-vous ce qu'est un dromaludaire ? Non ?
...
...
...
...
C'est un chalumeau avec une seule bosse.

Les "pilotes" des taxis à Casa étant déjà assez flippant, je n'irais jamais en tant que conducteur à Marrakech vu vos dires lol
Ah ces vieilles Mercos qui attendent à la sortie de l'aéroport, sans ceinture évidemment, pour vous emmenez à un train d'enfer vers Casa Nearshore...
et je ne parle pas de leur façon de passer le feu qui vient de passer au rouge alors que ceux qui étaient au rouge anticipent le passage au vert....

J'y ai vécu quelques années en expatriation.
La conduite franchement, on s'y fait. Une fois qu'on a compris que tout peut arriver sur la route. Et quand je dis tout, c'est vraiment tout : voiture à contre sens sur Autoroute, voire même troupeau de brebis qui traverse avec son berger... Une seule règle : ne pas rouler la nuit. Car les troupeau et autre carioles tirées par un mulet ne sont pas éclairés et être en panne au milieu de nulle part en pleine nuit n'est pas franchement une partie de plaisir.
Et oui la Police est partout, et les radars fonctionnent très bien (j'en connais un mobile-fixe - car toujours là - sur la bretelle d'autoroute qui va à El Jadida et on ne le voit que trop tard (le policier est couché sous la rembarde de sécurité)). En cas de contrôle toujours garder le sourire et reconnaitre ses torts. Votre meilleur ami reste le limiteur de vitesse.
Par contre les Logans locales ne sont pas tout à fait les mêmes que les roumaines (ou du moins ne l'étaient pas à l'époque). D'ailleurs elle ne sont pas homologués pour l'Europe, d'où l'impossibilité de les remonter en France.
Pour revenir à ce que nous raconte JPT (grand merci à Autoactu d'avoir remis ses posts en lecture libre) on en traverse pas le désert en Logan et encore moins à Marrakech : le désert est loin. Il faut déjà traverser l'Atlas par le Tichka (cf photo), arriver à Ourzazate et encore faire pas mal de km pour être dans le "vrai" désert : pas contre là, c'est magique !
Et bien sûr on ne rentre pas dans la Kasbah de Marrakech en Voiture... on y flâne à pieds ! D'ailleurs les voitures ne peuvent pas rentrer dans la médina et heureusement !
Si vous avez l'occasion, allez visiter Fes : la plus belle ville du Maroc inchangée depuis des siècles ! Et là aucune voiture : elle ne peuvent passer les portes d'accès !

@ Bruno Haas, Le 30/05/2024 à 09:43
Le chalumeau est le cousin proche du dromaludaire à une bosse près.
Ai je bien bossé... ma blague ?
;-)

@Clerion 14:49
Ca bosse fort, comme disent les Turcs (que tout un chacun sait qu'ils sont forts).
Imbattable Clerion.

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