29/08/2024 - #Renault , #Audi , #Lamborghini , #Lancia , #Nissan , #Ford
De la revue
Par Jean-Philippe Thery
Aujourd’hui, je vous propose de lire. Et pas seulement cette chronique.
Le numéro 459 de L’Automobile Magazine de septembre 1984 comportait deux Lamborghini en couverture.
Une vedette off-shore Quetzal équipée de deux V12 de la marque et une Jalpa propulsée par un "petit" V8. De quoi faire rêver le môme de 13 ans qui y avait consacré 13 francs de son argent de poche du mois d’août, non sans avoir jeté auparavant un œil aux couv de titres concurrents qui ne pouvaient cependant rivaliser avec la paire italienne. Si ces deux-là me sont restés en mémoire, je n’ai en revanche aucun souvenir des essais des Nissan Bluebird, Lancia Prisma diesel ou Ford Fiesta XR2 qui figuraient également au sommaire, pas plus que des comptes-rendus de la course de Pike’s Peak ou du Rallye d’Argentine, remporté cette année-là par Stiq Blomqvist sur Audi Quattro A2 devant deux autos identiques, suivies par une Renault 18 GTX locale.
Tel que je me connais, j’ai pourtant dévoré le magazine de A à Z, en dehors des encarts publicitaires et mentions légales, et encore... Et sans doute ai-je répété la lecture des articles les plus intéressants, dont celui de la page 32 consacré aux "Lamborghini sur terre et mer", qui tenait évidemment la vedette (c’est le cas de le dire). Avec un peu de chance, j’ai même dû essayer de croquer au crayon les engins en question sur feuille A4 en prenant modèle sur les photos, pour un résultat probablement loin de mes attentes. La seule tentative satisfaisante dont j’ai souvenir en la matière réside dans le portrait étonnamment réussi d’une Mercedes W124 de trois-quarts avant, réalisé aux Caran d’Ache sur Canson et inspiré de la photo d’un exemplaire de L’Auto-Journal lui aussi acquis en période estivale.
C’est plus tardivement que j’ai connu Sport-Auto, grâce à l’un de mes partenaires de raquette de la section tennis de table de l’association laïque Vaise Sport, à Lyon évidemment. C’était le temps glorieux de Gérard Crombac et José Rosinski dont je découvrais les écrits avec un retard conséquent, puisque Laurent lisait sa revue favorite aussi consciencieusement que je le faisais, même s’il n’en conservait curieusement pas les exemplaires qu’il m’apportait donc une fois par mois. Je lui dois la découverte de tout un univers, à l’époque où des mots comme survirage, arbre à cames en tête ou direction à crémaillère constituaient pour l’ado passionné autant de termes d’autant plus incompréhensibles qu’on ne disposait alors pas des écrans magiques avec clavier virtuel d’aujourd’hui, qui savent tout sur tout (ou comment dire qu’on est vieux sans dire qu’on est vieux…).
Mais un magazine par mois n’allait bientôt plus suffire à rassasier mon appétit, et c’est une véritable boulimie de papier glacé qui s’emparait de moi quelques années plus tard. Les sommes indécentes que je consacrai à la presse spécialisée durant mes années estudiantines étaient alimentées par les émoluments obtenus à la sueur de mon front au grill ou à la caisse d’un fast-food, à l’enseigne bien trop connue pour que je le promeuve -ou pas- en le mentionnant ici. Bref, je bouffais mal mais je lisais bien.
Comme tout addict, j’avais mes habitudes. Mon dealer à moi tenait son point de vente sous forme d’un kiosque situé Place Bellecour, à quelques mètres du terminus de la ligne 30 des Transports en commun lyonnais. Il s’était assuré de ma part une fidélité indéfectible un mercredi où il avait consenti à me délivrer à crédit ma dose régulière d’Auto-Hebdo, alors que j’avais oublié mon portefeuille à la maison. Et comme ces gars-là savent s’y prendre pour entretenir la dépendance, il me proposa bientôt de mettre de côté tous les titres susceptibles de m’intéresser quitte à remettre en rayon les rares exemplaires que je ne retenais pas, avec paiement tous les 15 jours. Autant vous dire que ma consommation ne fit alors qu’augmenter, d’autant plus qu’à la même époque, je commençais à m’adonner à la came venue de l’étranger.
Je dois en conséquence une bonne partie de mon anglais à des titres comme Classic & Sport Car, Thoroughbred & Classic Cars, Road & Track ou Car & Driver, autant de titres anglosaxons affectionnant semble-t ’il l’éperluette. Un joli discours de justification qui trouve néanmoins ses limites avec la langue de Goethe, Auto, Motor & Sport n’ayant malheureusement pas produit les mêmes résultats la concernant. Toujours est-il que je me livrai alors à une véritable course contre la montre pour achever la lecture des mensuels en cours avant publication des numéros suivants, laquelle consommait l’intégralité de mes déplacements dans les transports publics comme moments de pause entre deux fournée d’hamburgers ou les quelques minutes précédant l’endormissement nocturne. Et comme il y a prescription puisque ça se passait à la fin du siècle dernier, il me faut aussi mentionner certains cours universitaires dont le contenu ne soutenait pas la comparaison avec les conclusions de l’essai de la dernière GTI, ou d’un comparatif opposant des berlinettes venues de Maranello, Stuttgart ou d’ailleurs.
De nos jours, j’ai troqué en partie la lecture pour l’écriture, et je ne conserve guère que deux abonnements "physiques" à Evo et Octane, en version originale bien sûr, histoire de continuer à cultiver mon jardin anglais. Mais il me faut bien avouer que certains de leurs numéros s’empilent sur le meuble du salon sans que je n’en n’aie achevé le contenu, comme un rappel cruel de ce que le temps nous fait décidément de plus en plus défaut à mesure que nous en disposons de moins en moins. Il m’arrive aussi d’attraper un exemplaire d’Autobild ou Motor Klassik en rayon, histoire de maintenir le leurre selon lequel je vais "travailler mon allemand".
Et puis, je lis aussi sur écran 6,6 pouces, parce qu’on ne peut pas vivre en dehors de son temps, que c’est pratique, et que ne m’endormant plus tout seul mais systématiquement le dernier, je ne peux décemment laisser la lampe de chevet allumée. Mais pour intelligent qu’il soit, mon portable ne possède pas le "toucher" des pages de magazines. Et je ne peux non plus détacher ces dernières lorsqu’elles affichent les photos d’un de ces nombreux modèles dont je possède une réplique en plastoc à monter, afin de les glisser dans la boîte correspondante dans l’illusion qu’elles serviront de référence le jour où j’en aurai entrepris la construction.
Et surtout, il me semble que les nombreux contenus en ligne ont perdu en qualité ce qu’ils ont gagné en célérité, comme s’il était désormais plus important de partager au plus vite les caractéristiques du dernier SUV mis sur le marché que d’en peaufiner le contenu. Mais allez savoir, peut-être qu’en me livrant au discours de la décadence dont je ne suis pourtant pas fan, je me berce d’illusions sur un passé qui n’était sans doute ni meilleur ni pire qu’aujourd’hui, mais juste imprimé à l’encre sur du papier, façon Gutenberg. Les plus jeunes d’entre vous -en admettant qu’ils me lisent- auront d’ailleurs beau jeu de me faire remarquer que je rédige cette chronique sur un clavier, et que je la publie en ligne…
Quoiqu’il en soit, je sais ce que je dois aux magazines papier et à ceux qui les ont pondus. C’est donc comme une forme de reconnaissance autant que par plaisir que je m’étais promis de m’y consacrer davantage qu’à l’accoutumée durant la trêve estivale. J’y suis parvenu mais évidemment pas autant que je me l’étais promis.
Bref, dans tous les sens du terme, j’ai été de la revue.