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28/11/2024 - #Ferrari , #Jaguar , #Ford

Copy (not) cAt

Par Jean-Philippe Thery

Copy (not) cAt
Quand jaGuar nous fait sa transition… (Crédit : jaGuar)

Aujourd’hui, je vous parle d’un gros matou au miaulement qui mue…

En ce qui me concerne, Jaguar est né avec la XJ-S.

Je sais, je vais me prendre la Type E dans les crocs, mais je n’avais que 5 ou 6 ans quand celle qu’Enzo Ferrari lui-même aurait qualifiée de "plus belle voiture au monde" quittait les chaines de Coventry. Et comme j’étais trop jeune pour regarder une Emmanuelle que Just Jaeckin avait le bon goût de faire rouler dans un exemplaire Primerose Yellow du modèle, c’est aux épisodes de "Chapeau melon et bottes de cuir" dans sa version ménage à trois que je consacrais une partie de mes dimanche après-midi. A l’époque, c’était à Mike Gambit que je m’identifiais, parce qu’il roulait au volant du dernier coupé de la marque, avec son caractéristique capot long comme le V12 qu’il abritait et ses "flying buttresses" encadrant une lunette arrière concave. Bien des années plus tard, je compris que Purdey n’avait d’yeux que pour John Steed, dont la superbe XJC-V12 était un rarissime exemplaire préparé par Broadspeed, ce qui n’était d’ailleurs peut-être pas sans rapport…

Mais avant cela, j’ai conservé sur mon cartable d’étudiant jusqu’à l’effacement de la quadrichromie, l’autocollant arborant la silhouette colorée de la XJR9 dans sa très belle livrée "Silk cut", accompagnée d’un triomphant "Tom cat are top cats". Une allusion au Tom Walkinshaw Racing qui remporta en 1988 les 24 heures du Mans avec un exemplaire emmenée par Jan Lammers, Johny Dumfries et Andy Wallace. Et si pour ma première participation (comme spectateur) à l’épreuve mancelle l’année suivante, je voyais les machines britanniques s’incliner face aux Sauber-Mercedes C9, peu m’importait : sans leur opposition, l’étoile de Stuttgart n’aurait pas autant brillé.

J’ai dû attendre l’année dernière pour voir enfin l’affichage électronique d’un vélocimètre dépasser les 240 km/h que j’avais atteints en 1995. A l’époque, c’est la flèche d’une véritable aiguille qui pointa la graduation sur l’instrumentation de la XJ-R 4.0 dont on m’avait prêté le volant, grâce au 6 en ligne de 331 ch compressé mécaniquement. C’était évidemment sur autobahn, dans les environs de Munich où j’étais venu superviser un clinic-test pour le compte d’un constructeur français dont le modèle le plus musclé rendait alors 63 équidés à la plus puissante des Jag. Le patron de l’Institut d’études de marché engagé pour l’occasion avait tout de même sacrément confiance pour confier son auto toute neuve à un blanc-bec de 26 ans, n’hésitant pas de surcroît à lui indiquer l’itinéraire permettant de rejoindre la portion d’autoroute libre la plus proche, le tout sous la pluie.

De beaux coupés, d’élégants cabriolets ou des berlines performantes mus par des mécaniques enjôleuses ou parfois carrément dévergondées, reposant sur des bases roulantes soigneusement mises au point. Ajoutons-y pêle-mêle un pédigrée empruntant largement à la compétition, des mètres carrés de cuirs Conolly et moquettes de chez Wilton avec une touche de ronce de noyer, et sans doute ne suis-je pas très loin de votre propre vision des félins motorisés de Coventry. Des ingrédients qui composent cette "Jaguaritude" -ou plutôt "Jaguarness" comme on dit élégamment outre-Manche- faisant des autos qui en bénéficient la quintessence du luxe à l’anglaise. Je sais, je suis mûr pour rédiger la littérature des catalogues de la marque.
Ou pas. Parce que ces éléments-là sont totalement absents de la dernière campagne publicitaire en provenance du Groupe JLR, pourtant destinée à révéler une toute nouvelle identité de marque. Et si vous n’êtes pas au courant du véritable tollé que celle-ci a suscité un peu partout dans le monde depuis qu’elle a été révélée la semaine dernière, c’est que vous venez à peine d’être secouru de la grotte ou vous vous trouviez depuis 8 jours après une descente en spéléo qui a mal tourné.

Ça commence par le logo dont les internautes ont été des millions à dénoncer la casse. Dans tous les sens du terme, puisque "Jaguar" s’écrit désormais "jaGUar" en lettres minuscules, sauf pour ce qui est du "G" dont le régime d’exception constitue sans doute une allusion à peine subliminale au point du même nom, et du "U" sans j’y trouve une explication. De quoi exciter sérieusement mais pas favorablement des internautes qui ont sans doute vu dans le rapetissement des lettres une perte de puissance symbolique. Quant à la police -dont certains se demandent vraiment ce qu’elle fait- c’est à des comparaisons pas forcément flatteuses qu’elle a eu droit, entre les logos de la Twingo ou celui des jouets Duplo. Une situation aggravée par sa dissociation d’avec la traditionnelle silhouette bondissante d’un félin devenu félon, initiant un véritable débat chez les amis des bêtes motorisées. Les uns faisant valoir qu’on n’imagine pas des Cobra ou Viper sans reptile, pas plus qu’une Mustang sans dada ni une Manta sans sa raie, les autres répliquant que Panda et Cayman se passent très bien d’illustration animalière.

Mais ces histoires de bestioles, c’est de la roupie de sansonnet comparées à la vidéo lancée simultanément.
Imaginez en effet huit créatures éclectiques à l’androgynie assumée débarquant d’un ascenseur jaune sur la surface désertique d’une planète rose. Arborant des tenues monochromes mais vives et chat-oyantes, celles-ci défilent alors qu’apparaît en surimpression l’injonction "créez l’exubérant", à moins que ce ne soit l’exubérance, allez savoir. Puis trois d’entre iels sont successivement mis.e.s à contribution pour illustrer de nouveaux slogans tels que "Vivez le vivant", "détruisez l’ordinaire" et "cassez les moules". "Copy nothing" proclame finalement le dernier, alors que se dispersent par groupes de quatre les protagonistes de cette étrange séquence, laissant place à la planète redevenue déserte.

Autant vous dire que ça a sérieusement réagi. Que j’aie choisi d’écrire cette chronique témoigne d’ailleurs d’un affligeant conformisme, puisque tout ce que Youtube/Facebook/Tiktok/Instagram compte d’influenceurs et influenceuses s’est déjà abondamment répandu sur le sujet, sans oublier les "Top Voice" prouvant que LinkedIn a du talent. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ceux-là n'ont pas été tendre avec le/la Jaguar, se livrant sans doute à la plus importante campagne de "marque-automobile-bashing" à laquelle on a assisté depuis que Lada est sortie de l’Union soviétique (elle y est depuis retournée, mais c’est une autre histoire). Accusé principalement de wokisme, le gros matou s’en est donc pris plein le museau, ce qui explique sans doute qu’il a quitté le logo par anticipation. Et les internautes n’ont évidement pas été en reste, avec des commentaires allant du rageux au franchement hilarant.

Puis est venu le temps du ressac quand se sont manifestés les contradicteurs aux contradicteurs, d’abord timidement puis de façon de plus en plus affirmée, avant de prendre sans ambages la défense du/de la Jaguar non genré.e. On a alors eu droit à des analyses plus ou moins fines, avec des postures frisant parfois la condescendance sur le mode "T’as rien compris, j’ vais t’expliquer" généralement suivies par une leçon en pseudo-marketing sur les bienfaits du buzz fût-il (futile ?) négatif. C’est enfin monté d’un cran avec des accusations d’homophobie à l’égard de ceux qui en ont effectivement manifesté (y’en a eu), mais visant aussi parfois sans discernement l’ensemble de ceux qui n’ont pas apprécié la campagne.
Et comme vous allez me demander mon avis, sachez que cette vidéo ne me dérange pas. Les images sont plutôt soignées (je n’ose pas dire "léchées"), et l’ambiance serait presque joyeuse (je n’ai pas dit "gaie"), si ce n’était le regard fermé des protagonistes. Mon seul problème relève de l’association ou plutôt de la dissociation, puisque si je l’avais visionnée en aveugle, j’aurais évoqué une mini gay-pride, une pub pour une marque de fringues incluso-branchouille ou encore un défilé de mode un peu déjanté mais pas trop, mais surtout pas un constructeur automobile et encore moins Jaguar.

Evidemment, c’est voulu. Merci donc aux Kotler de pacotille de ranger leur discours, puisqu’on n’avait pas vraiment besoin d’eux pour comprendre que Jaguar disrupte à mort, quitte à faire monter au rupteur les clients de ses modèles. La question est en effet plutôt à savoir si leur tourner complètement le dos constitue vraiment une bonne idée alors que leur nombre s’est déjà réduit comme peau de chamois chagrin durant ces dernières années.
"Vous vendez des voitures ?" a d’ailleurs twitté (Xé ?) un Elon Musk sacrément sarcastique. Et pour surprenante qu’elle soit, la réponse est non. Du moins pas avant 2026, puisqu’on s’offre une année sabbatique chez Jag, histoire de préparer une gamme entièrement nouvelle et électrique. De quoi nous rappeler que la disruption du côté de Coventry n’a pas commencé avec une campagne de rebranding, et que contrairement à ce que pourrait laisser entendre la vidéo, il faut être sacrément cou*llu -passez-moi l’expression- pour oser une telle stratégie. Surtout qu’après avoir ainsi capté notre attention, les dirigeants de la marque ont sérieusement intérêt à "délivrer".

Au moins n’aurons-nous pas trop à attendre, puisque c’est lundi prochain que Jaguar révèlera son prochain modèle, à l’occasion de la "Miami Art Week". Attendez-vous donc à un truc en rupture, genre "copy(not)cat", dont le constructeur aura tout de même intérêt à vendre un certain nombre de copies s’il ne veut pas disparaître. Mais allez savoir : en 81, Leyland dut cesser la production de la XJ-S pendant 6 mois en raison de la mévente de l’auto, histoire d’écouler les unités en stock. Il fut même question d’arrêter complètement le modèle avant de lui donner une seconde chance avec une phase II, alors que la phase III lancée 10 ans plus tard par Ford entretemps devenue propriétaire l’a sérieusement revigoré.

Il y aurait donc du Phoenix chez ce chat-là. Alors transition ou renaissance, peu importe quand tout le mal qu’on souhaite à Jaguar, c’est que ça marche…

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Réactions

Bravo quelle rubrique
Chers compagnons connaissez vous qq un qui sache régler les jours de capot ( avec câbles incroyables) sur une E Type V12)…..pire que de régler les freins à cames sur une Manx

Vous êtes durs.
Pour une fois qu'on a pas une voiture roulante filmée de 3/4 avant pendant 6 secondes dans une pub !
Quoi de plus naturel pour des voitures indiennes qu'une pub Wokellywood ?
;0))

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