05/03/2025 - #Renault , #Tesla , #Hyundai , #Honda , #Ford , #Stellantis , #Toyota
Comment l'industrie automobile va profiter de l'assouplissement des amendes liées au CO2
Par AFP
(AFP) - Moins de voitures électriques et plus de véhicules à essence que prévu : les constructeurs automobiles européens vont profiter de la nouvelle "flexibilité" accordée par la Commission européenne sur les émissions polluantes pour continuer à vendre les modèles sur lesquels ils gagnent plus d'argent.
Alors que le virage vers l'électrification devait s'accélérer, Bruxelles a présenté lundi un mécanisme permettant aux constructeurs en retard sur les objectifs de réduction des émissions de CO2 d'éviter de payer des amendes en 2025, en prenant en compte les émissions sur trois ans au lieu d'un.
Les entreprises avaient tiré la sonnette d'alarme en arguant que le marché ne s'électrifiait pas assez vite, avec 13,6% d'immatriculations électriques en 2024, et qu'elles pourraient donc difficilement remplir l'objectif fixé par la Commission européenne de 25% en 2025.
Pour l'atteindre, elles auraient dû tailler dans leurs bénéfices, en faisant d'un côté des promotions sur leurs voitures électriques, et en limitant leurs ventes de voitures thermiques, sur lesquelles elles font de meilleures marges.
La Commission "essaie de ne pas affaiblir davantage un secteur qui fait face à de multiples transitions", a commenté Guillaume Dejean, conseiller sectoriel chez Allianz Trade. "Ça permet aux constructeurs de souffler, de sécuriser des marges sous pression".
"On était dans une situation absurde, les constructeurs risquaient de payer des pénalités par rapport à une situation qui n'est pas de leur fait", a souligné auprès de l'AFP Marc Mortureux, de l'organisation représentant les grands constructeurs et équipementiers la Plateforme automobile (PFA).
La Commission européenne prévoit de lourdes amendes pour les constructeurs qui ne respectent pas leurs objectifs.
La plupart avaient déjà formé des groupements ("pools") avec des constructeurs moins polluants pour partager leurs émissions, comme Stellantis, Ford et Toyota avec Tesla.
Stellantis a salué mardi un "important premier pas dans la bonne direction pour préserver la compétitivité de notre secteur, tout en restant fidèle aux objectifs et engagés dans l'électrification".
Mais les constructeurs qui étaient en retard sur les objectifs d'électrification 2025 (Volkswagen et Renault, qui n'avaient pas encore de "pool", mais aussi Honda et Hyundai) ont ainsi plus de temps pour adapter leurs gammes. Les Européens pourront aussi se renforcer dans les modèles hybrides, dominés par Toyota.
Les investisseurs ne s'y sont pas trompés et l'action de Renault a gagné 1,4% lundi à la Bourse de Paris. "On vient desserrer les contraintes et c'est assez bien pris par le marché", note Eymane Cherfa, analyste de Myria AM interrogé par l'AFP.
Tesla et Volvo sont par contre parmi les grands perdants de l'annonce de la Commission, car le système des "pools" aurait pu leur rapporter quelques centaines de millions d'euros.
Modèles abordables retardés
"Cette mesure constitue un cadeau sans précédent à l'industrie automobile européenne", a condamné lundi le cercle de réflexion Transport & Environment.
"Cela n'apportera pas grand-chose à l'industrie automobile européenne, si ce n'est de la laisser prendre encore plus de retard sur les véhicules électriques par rapport à ses concurrents chinois", a souligné le directeur exécutif de T&E, William Todds.
Cette flexibilité risque par ailleurs de "retarder l'arrivée de modèles électriques abordables pour les consommateurs", selon le Conseil international du transport propre (ICCT), alors que les Renault Twingo et consorts sont attendues pour démocratiser cette technologie.
Les émissions de CO2 supplémentaires liées à cette flexibilité pourraient atteindre 50 mégatonnes, selon l'ICCT, soit les émissions annuelles de 50 centrales électriques au charbon.
"Plutôt que d'affaiblir cet objectif pour 2025 et ralentir l'offre de véhicules électriques, l'UE devrait se concentrer sur les mesures qui visent à accélérer la demande et maintenir l'intégrité des objectifs climatiques", souligne Lucien Mathieu chez T&E.
"Si l'on commence à affaiblir certains des objectifs phares du Pacte vert européen, le signal envoyé est extrêmement dangereux. D'autres industries pourraient se manifester auprès de la Commission et demander des affaiblissements similaires", a-t-il poursuivi.
Les industries de l'acier et de la chimie ont des dialogues stratégiques similaires prévus dans les prochaines semaines avec la Commission européenne.
"L'évolution de ce lissage n'a de sens que si, en même temps, on crée les conditions pour stimuler la demande", prévient cependant Marc Mortureux de la PFA. "On veut réussir cette trajectoire à condition que tout le monde fasse sa part du travail".
Les constructeurs demandent notamment une accélération du déploiement des réseaux de recharge électrique, mais aussi des incitations à l'achat des voitures électriques.