07/05/2024 - #Renault , #Porsche , #Stellantis
Automobile : le virage électrique face aux élections européennes
Par AFP
(AFP) - Un changement à la tête de l'Europe pourrait remettre en cause ou aménager l'interdiction des voitures thermiques en 2035, même si l'industrie automobile est déjà engagée à fond dans la transition.
Après d'interminables négociations, les Etats membres de l'Union européenne se sont accordés en 2022 sur une transition historique : à partir du 1er janvier 2035, seuls les voitures et utilitaires n'émettant pas de CO2 à l'échappement pourront être vendus neufs.
Dans onze ans, exit donc les moteurs essence, diesel et hybrides: le marché des voitures neuves sera limité de fait aux véhicules électriques et à hydrogène.
Pour ses détracteurs, ce règlement met en danger l'industrie européenne, reine du moteur à combustion, face aux importations de la Chine, leader dans l'électrique. Sans compter que les véhicules électriques sont encore plus chers à l'achat que leurs équivalents thermiques.
L'annulation de la date butoir de 2035 est devenue un des thèmes de la campagne des élections européennes.
Le groupe ECR, qui rassemble Fratelli d'Italia ou les Espagnols de Vox, martèle dans son programme que "le moteur à combustion est un témoignage de la Identité et démocratie (RN en France, AFD en Allemagne, Ligue en Italie) combat aussi ce qu'il décrit comme une "mesure discriminatoire et d'exclusion sociale".
La critique vient aussi du parti majoritaire sortant, le Parti populaire européen (PPE).
Les partis allemands de la coalition, CDU et CSU, voudraient annuler 2035 pour continuer à bénéficier de la "technologie de pointe allemande du moteur à combustion". En France, le LR François-Xavier Bellamy s'est exprimé contre l'interdiction.
Mais le PPE n'a pas inscrit cette annulation dans son programme. Car c'est bien sa tête de liste, Ursula von der Leyen, qui a fait adopter cette interdiction dans le cadre du "Pacte vert" européen.
"Il serait surprenant que la Commission qui a mis en oeuvre le Pacte vert revienne en arrière, mais il y a des risques sur sa mise en oeuvre", commente Diane Strauss, de l'ONG Transport & Environment.
Aménagements en 2026 ?
Du côté de l'industrie automobile (12 millions d'emplois en Europe), le virage électrique est bien enclenché.
Les lancements de voitures 100% électriques se multiplient et leur part de marché a fortement augmenté, même si elle cale un peu, autour de 13%, depuis la fin de l'année 2023. Les constructeurs sont déjà tenus de faire baisser les émissions de leurs véhicules, sous peine de lourdes amendes.
Pourtant un délai supplémentaire serait le bienvenu, a indiqué en février le président du lobby bruxellois des constructeurs, l'ACEA, et patron de Renault, Luca de Meo. "J'espère que l'interdiction s'appliquera un peu plus tard, parce que je pense que nous ne serons pas capable de la faire sans endommager toute l'industrie et toute la chaîne de valeur de l'automobile européenne", avait-il déclaré à l'AFP.
Chez le N°2 européen, Stellantis, on garde "les yeux bien ouverts sur le résultat des élections américaines et européennes", a souligné son directeur général Carlos Tavares fin janvier, ébauchant deux scénarios. Il envisage une "accélération des voitures électriques" si les "progressistes dogmatiques"
gagnent, ou un "ralentissement des voitures électriques" si les "populistes" gagnent, a-t-il expliqué.
Selon Diane Strauss, le succès de l'interdiction en 2035 dépend de plusieurs facteurs comme le déploiement du réseau de bornes électrique ou la réduction du prix des voitures, par exemple via un "leasing européen".
"Un Parlement très opposé à l'électromobilité pourrait ralentir la mise en oeuvre de tous les facteurs nécessaires à la réussite de ce projet", souligne-t-elle, en réduisant les subventions par exemple.
Une "clause de revoyure" est déjà prévue en 2026, pour faire un premier bilan de l'électrification. Elle n'implique pas de nouveau vote sur 2035. Mais elle pourrait constater un retard, et renforcer ceux qui réclament des aménagements tel que l'autorisation des carburants synthétiques, comme le ministre allemand des Transports, le libéral Volker Wissing.
Ces carburants synthétiques, encore très énergivores et coûteux, devraient être d'abord réservés à l'aviation, mais des constructeurs comme Porsche, Stellantis ou Renault les explorent aussi pour les voitures.