01/10/2020 - #Renault , #Volkswagen Vp , #Bmw , #Honda , #Lancia , #Mazda , #Mg , #Nissan , #Fiat , #Ford , #Toyota
Une certaine déZeption
Par Jean-Philippe Thery
Une chronique à lire sans zézayer mais en zigzagant à loisir, puisqu’il y est question de phonétique et d’une voiture de sport qui a le grand mérite d’exister, même si elle m’a un peu déçu.
On l’a échappé belle.
Sans les Grecs, on se serait retrouvés avec un alphabet à 25 lettres, par la faute d’un rhotacisme. Allons, ne me dites pas que vous ne connaissez pas ce type de modification phonétique qu’on rencontre régulièrement dans la langue latine ! Lorsqu’ils ont récupéré des Hellènes la sixième lettre de leur alphabet, les Romains se sont en effet empressés de s’en débarrasser, puisque celle-ci faisait double emploi avec le "R". Mais les langues dites mortes ayant tout de même vécu avant de devenir anciennes, nos ancêtres -pas-gaulois- finirent par récupérer le "Z" -puisque c’est de lui dont il s’agit- vers le premier siècle avant JC, lorsque certains mots issus du grec ancien revinrent à la mode. Et comme ils ne savaient pas trop où le ranger, ils l’ont mis en bout de liste.
En automobile aussi, avoir des lettres c’est important. Je suis bien placé pour en parler, moi qui ai acheté en première voiture neuve une Renault Clio "S". Sans le monogramme mono-lettré, j’aurais en effet été privé de boite courte, de barre anti-roulis à gros diamètre, de sièges baquets et volant trois branches, équipements qui transformaient sérieusement l’expérience de conduite de la petite citadine, ou l’idée que je m’en faisais. Comme fait exprès, c’est ensuite en Lancia Bêta -mais pas tant que ça- que je me déplaçais un temps au quotidien. Et dans ces vies que je n’ai pas encore eues, je roule dans les Béhèmes que j’M, avec gros moteur et logos "Motorsport".
Mais s’agissant du Z, ce sont des gens préférant les idéogrammes à l’alphabet qui en ont fait la gloire, même si tout commença d’abord par une jolie Dame de chez Datsun. Enfin, pas tant que ça pour la toute première produite en 1959 à quelques centaines d’exemplaires à peine, dont le look aurait pu inciter Oui-Oui à l’adopter comme voiture de fonction. Rien à voir avec la sobre élégance de celle qui suivit en 1962, parfois qualifiée à tort de "MG B japonaise" puisqu’elle précéda en fait sa concurrente britannique de plusieurs mois, dont elle avait le bon goût de se distinguer par des mécaniques qui gardaient leur huile pour elles, qu’il s’agisse des 4 cylindres de 1500 puis 1600 cm³, ou du beau 6 en ligne 2.0. Son joli nom, voulu par Katsuji Kawamata, alors Président de Nissan après qu’il eut assisté à la célèbre comédie musicale éponyme lors d’un voyage aux Etats-Unis, ne fut néanmoins utilisé qu’au Japon et en Australie, l’auto étant tout simplement dénommée "Roadster" sur le reste de la planète.
Lui succéda en 1969 celle qui resta véritablement dans l’histoire. C’est Yutaka Katayama qui eut l’initiative de la 240Z, gagnant lui aussi au passage un pseudonyme lettré, puisqu’on le surnomma "Mister K". C’était à l’époque ou Nissan ne virait pas ses anticonformistes, mais les envoyait en exil loin du siège pour commander la filiale américaine. Bien lui en a pris, puisque Katayama-san y fit la fortune de la marque, avec son coupé sportif qui en offrait bien plus que la vieillissante MG B GT, mais "pricée" 200 dollars en-dessous. On connait la suite, de l’embourgeoisement progressif avec les 260 et 280Z, à la haut-de-gammisation de la 300ZX deuxième du nom en 1989, avant le retour au positionnement originel par la grâce des 350 et 370Z.
Autant vous dire que lorsque Nissan a vidéo-teasé la silhouette de la 400Z en compagnie d’autres futurs modèles de sa gamme, ça a méchamment fait le buZZ sur la toile. Tout y était, du long capot s’étirant sur plus d’un tiers de longueur de la voiture aux optiques avant en retrait de la calandre, en passant par la pente du hayon amorcée dès le haut de pare-brise, la remontée de la glace de custode en deux parties, et la face arrière verticale. Le 16 septembre à 9h30 Japan Time, j’étais donc connecté sur Youtube pour suivre le "Nissan Z Proto Digital Unveil", avec des attentes au Zénith.
Et là, Zut ! j’ai été déçu
A commencer par la couleur un peu Zarbi. Et pourtant, j’aime bien les carrosseries jaunes, particulièrement celles de la 240Z originelle en "Sunburst Yellow 411" ou "Sunshine Yellow 919", dont de vieux pots de base mate ont semble-t-il été retrouvés et mélangés par les designers du Z Proto, mais pas le verni qui va avec. La teinte obtenue ressemble furieusement à celle d’un taxi carioca après quelques années au soleil, l’affreuse bande latérale bleue pétrole en moins.
Et comme fait exprès, la nouvelle Z affiche de nombreuses zones noires contrastant violemment avec le fameux jaune, à commencer par l’énorme calandre rectangulaire dessinée à la règle à gabarit, évoquant l’ouverture d’une boite aux lettres de La Poste prête à avaler un Colissimo XL. S’y ajoutent le toit, les rétros, les optiques avant, les roues et le bandeau arrière intégrant les feux. Ces derniers font explicitement référence à la 300ZX des années 90, même si l’ensemble m’a également rappelé le panneau de tôle arrière noir que la 240Z empruntait parfois à certains roadster anglais cachant ainsi les traces de suie rejetées par l’échappement de moteurs chroniquement dérèglés. Quoiqu’il en soit, jaune et noir c’est la couleur des abeilles, des petites bêtes qui buZZent, ceci expliquant peut-être cela.
Mais ce qui est bien plus embêtant, c’est que je ne suis pas certain de situer la nouvelle venue sur la Z-Timeline. Je m’attendais à une évolution post-Covidienne de la 370Z, et je me retrouve avec un engin que je ne puis m’empêcher de rapprocher du "Z Concept" présenté par Nissan au Salon de Detroit, en 1999. Ce show-car portait alors un message important, puisqu’il signalait le retour du Coupé Z dans l’univers des sportives abordables, après l’onéreuse 300ZX qui se la jouait GT. Mais celui-ci n’inspira en rien le style de la 350Z lancée 3 ans plus tard, et pour cause. Si son ADN revendiquait clairement l’appartenance à la Famille Z, son dessin souffrait d’une exécution indécise, pour ne pas dire maladroite. En ce qui me concerne, je lui pardonne volontiers, puisque sa croupe vue du ¾ avant évoque nettement celle de la très belle Lancia Hyena Zagato de 1993, une auto dont je vous interdis de dire le moindre mal. Mais revenons au Z Proto, auquel on reconnaitra un style beaucoup plus résolu, ce qui est heureux puisqu’il préfigure à 90% ou plus celui de la 400Z attendue en 2021. Il n’en reste pas moins que lui aussi me donne l’impression qu’il manque un je-ne-sais-quoi à la recette finale, même si aucun des ingrédients n’a été oublié.
D’ailleurs, c’est peut-être bien là que réside le problème. A force d’allusions à son illustre devancière, le Z Proto me paraît avoir redessiné la 240Z plutôt que de l’avoir réinventée. Du coup, je me demande si ce n’est pas le néo-rétro qui commence à montrer des signes de fatigue, quand il en arrive à s’inspirer de modèles presque contemporains de celui qui en a initié le mouvement. Après tout, la 300ZX n’en était qu’à la mi-vie quand Volkswagen dévoila son Concept One en 1994, simultanément annonciateur de la New Beetle et d’un style qui perdure peut-être un peu trop.
Comme vous, j’ai aimé le remake de la Fiat 500 et avant elle, celui de la Mini. Mais je trouve qu’il est temps qu’elles se libèrent de leur passé réinventé, particulièrement la deuxième citée qui nous ressert tout de même peu ou prou le même dessin depuis 3 générations. Le Néo-rétro a jusqu’ici plutôt pas trop mal surfé sur l’équilibre subtil entre allusion, hommage, plagia et caricature. Mais il est peut-être temps qu’il prenne sa retraite, même si on laissera passer l’adorable Honda "e" avant la fermeture des portes, puisqu’elle nous fait redécouvrir les mérites esthétiques de la toute première Civic.
Peut-être les designers de Nissan avaient-ils cependant une bonne raison de se réfugier dans une contemplation nostalgique rassurante, s’agissant d’une catégorie probablement en passe de disparaitre. A l’heure où Toyota partage les frais avec Subaru ou BMW pour réaliser ses coupés sportifs, où Mazda copine avec Fiat pour sa MX-5, on ne peut que saluer l’initiative de Nissan d’avoir donné une descendante de plus à la dynastie Z. Pas sûr que l’équation économique ne fasse pas la gueule, mais on ne boudera pas notre plaisir alors qu’un SUV a été un temps évoqué comme possible successeur à la 370Z, un peu à la manière de Ford avec ses Puma et Mustang Mach-E. D’ailleurs, le marché européen sera privé de Z, avec ses normes pénalisant lourdement toute mécanique un tant soit peu intéressante, sans parler en ce qui nous concerne des malus de la Ministre Barbara.
Au fond, peu importe donc que le Z Proto m’ait un peu déçu : le plus important, c’est que Nissan n’ait pas perdu son alphabet.
Parce qu’il ne manquerait plus qu’un rhotacisme nippon nous ait privé de la 400Z.