06/11/2020 - #Renault
Renault : un plan de départ qui doit motiver des volontaires
Par Florence Lagarde
Directrice de la rédaction et Directrice de la publication
Direction et organisations syndicales de Renault terminent la semaine prochaine le cycle de négociations pour déterminer les modalités de départ des suppressions de postes annoncées en mai dernier. Le plan de départ se fera au volontariat avec deux dispositifs : dispense d’activité et rupture conventionnelle collective. FO et la CFE-CGC demandent des améliorations des conditions financières.
Lors de l’annonce du plan de réduction des coûts de plus de 2 milliards d’euros et de la suppression de 4.600 postes en France, le Président de Renault Jean-Dominique Senard avait dit que ce plan ferait l’objet d’une négociation. Celle-ci a lieu depuis le 13 octobre et sera clôturée par une dernière séance la semaine prochaine, le 10 novembre.
"Quand le plan de d'économies a été annoncé le 29 mai par M. Senard, cela a été un vrai tremblement de terre dans l’entreprise. Pour l’ingénierie tertiaire, il était prévu 800 millions d’euros d’économie et j’ai bien retenu la promesse que ce serait sans souffrance sociale et en concertation avec les partenaires sociaux et les collectivités locales. La négociation, c’est en ce moment", nous a dit Mariette Rih, déléguée syndicale central FO.
Pendant un mois, la direction de Renault et les partenaires sociaux, soit les quatre organisations syndicales représentatives CFDT, CFE-CGC, CGT et FO, se sont vus au rythme d’une réunion par semaine. Objectif : négocier un accord de "transformation des compétences des fonctions globales" qui prévoit d’une part, les propositions faites aux salariés de Renault pour motiver suffisamment de départs (pour que le plan reste au volontariat) et d’autre part, mettre en place des dispositifs d’accompagnement de la transformation des compétences de ceux qui restent.
Une situation délicate pour les organisations syndicales plutôt tournées vers la défense des salariés au sein de l’entreprise que la défense des intérêts de ceux qui partent. "L’accord est composé de deux parties. S’il n’y avait eu que les départs je n’aurais rien négocié. La réalité est là, et le but est qu’il n’y ait pas de licenciement sec", nous a dit Guillaume Ribeyre, délégué syndical central CFE-CGC.
Même analyse pour FO : "Négocier des plans de départs ce n’est pas notre raison d’être. Cependant ce qui est important pour FO et qui était un prérequis est que ce plan de départs se fasse dans une démarche de volontariat. Nous sommes très attachés à ce principe. Nous veillerons à ce que les départs soient vraiment choisis et à faire en sorte que compte tenu du contexte ils se fassent en toute sécurité", nous a dit Mariette Rih.
L’enjeu de ces négociations c’est donc de proposer des indemnités financières suffisantes pour motiver des volontaires et en même temps garder un équilibre pour préserver les ressources de l’entreprise pour investir dans les compétences de demain. "Nous voulons que ceux qui partent soient traités aussi bien que ceux qui restent. Il ne faut pas mettre les moyens uniquement sur ceux qui partent, le plus dur sera pour ceux qui restent. Le but est d’être au bon niveau de motivation financière et d’accompagnement pour que les gens soient intéressés", nous a dit Guillaume Ribeyre.
"Pour FO, il est important de respecter ceux qui choisissent de partir et de bien sécuriser l’avenir de ceux qui restent. Le vrai problème est qu’avec la crise sanitaire, la crise économique, les difficultés du secteur automobile, cela fait beaucoup d’inconnues", souligne Mariette Rih.
Si l’on s’en tient aux propositions concernant les départs. Deux dispositifs seront proposés pour accompagner les salariés : la dispense d’activité (DA) et la rupture conventionnelle collective (RCC).
Bien connue dans l’entreprise (et dans d’autres, comme le groupe PSA, par exemple) la dispense d’activité est désormais un moyen classique pour organiser les départs en préretraite. Des accords de ce type ont en quelque sorte été quasi permanents ces dernières années (accord de compétitivité de 2013 et accord Cap 2020) et le dernier arrive à échéance le 31 janvier 2021. Cette nouvelle dispense d’activité prendra sa suite avec une mise en œuvre du 1er février au 1er décembre 2021. Ce dispositif concernera l’ensemble des salariés du périmètre de Renault SAS (et pourra être négocié dans les filiales) qui pourront bénéficier s’ils le souhaitent de ce dispositif de DA qui se trouve en fait assez apprécié…
L’indemnité qui sera versée par Renault pendant cette période de dispense d’activité (jusque 3 ans) avant que le salarié puisse faire valoir ses droits à une retraite à taux plein est encore en négociation la direction proposant 69% du brut tandis que les organisations syndicales (CFE-CGC et FO) demandent le maintien à au moins 72% (comme pour la DA actuelle).
L’autre moyen de motiver des départs volontaires ce sera la rupture conventionnelle collective. A la différence de la DA, elle ne concerne pas tous les salariés mais seulement certaines fonctions (les fameuses "fonctions globales"), certains sites (établissements d’Ile de France de Renault SAS avec le Technocentre, Villiers-Saint-Frédéric, Lardy, le Siège et les salariés de l’ingénierie Cléon et Le Mans "dès lors qu’il y a rattachement hiérarchique à une fonction globale") et surtout certaines compétences (les "grises").
Ainsi, il y a désormais chez les "jaunes" (appellation utilisée par Luca de Meo pour parler des équipes Renault), des compétences "bleues", celles qui sont à renforcer dans le cadre de la transformation de l’entreprise et des compétences "grises" celles qui sont en décroissance. Si les "bleues" ont de l’avenir dans l’entreprise, l’évolution du secteur automobile a fait que pour certaines des compétences "grises" l’avenir est plutôt à l’extérieur. C'est dur mais c'est ainsi.
C’est à elles que s’adresse ce plan de rupture conventionnelle collective. Pour autant, pour ne pas grossir les rangs de Pôle Emploi, ce dispositif ne s’adresse qu’à ceux qui auront un projet : un nouvel emploi (CDD de plus de 6 mois ou CDI), un "projet professionnel concret et réalisable" (création ou reprise d’entreprise, par exemple) ou même un départ en retraite non éligible à la dispense d’activité.
L’intérêt pour le salarié est le package financier qui lui est proposé avec donc en plus des indemnités de licenciement, une indemnité complémentaire (variable selon son ancienneté et dont les montants sont encore en négociation) et si nécessaire un accompagnement (avec même une prise en charge d’un congés mobilité, dont les montants sont encore en négociation).
La direction de Renault propose d’ouvrir ce guichet départ entre le 1er décembre 2020 et le 31 juillet 2021, période que les organisations syndicales (CFE-CGC et FO) souhaitent voir prolonger 2 mois supplémentaires jusqu’au 30 septembre 2021. Les derniers arbitrages auront lieu mardi prochain 10 novembre.
Dans cette phase délicate, les intérêts des sortants et des équipes qui restent seront différents et il faudra que cette première étape se termine pour que l’entreprise puisse se consacrer entièrement à sa transformation.
"Ce sont les départs qui vont commencer la réorganisation puisqu’il sera difficile de former les gens si on ne sait pas quels sont les postes libres", nous a confirmé Guillaume Ribeyre. "
"Cette négociation a deux objectifs : redimensionner l’entreprise aux volumes, ce qui passe par des suppressions de postes et la transformation de l’entreprise dictée par l’évolution du secteur. C’est très difficile de faire les deux en parallèle", souligne Mariette Rih.
D’où la nécessité d’avoir des conditions financières de départ suffisamment attractives pour que dans cette période délicate chacun y trouve son compte et puisse repartir rapidement sur une trajectoire positive.