29/11/2024 - #Toyota
Plastique : l'industrie tiraillée entre addiction et recherche d'émancipation
Par AFP
(AFP) - Pour l'industrie automobile, le plastique est vital : il allège le poids des voitures et permet de réduire les émissions de CO2 du secteur. Dans l'agroalimentaire ou les cosmétiques, on tente de le remplacer, mais il reste omniprésent pour l'emballage.
A Busan en Corée du Sud, où se tiennent des négociations censées déboucher dimanche sur le premier traité international contre la pollution plastique, les industriels sont très présents dans les allées du Palais des expositions qui accueille les diplomates.
Venus avec l'étiquette de leurs associations professionnelles, ils bénéficient d'un statut d'observateur de la vaste négociation engagée depuis deux ans, au même titre que les ONG environnementales qui dénoncent les dommages créés par le trop plein de plastique sur la planète.
En tant que productrice et principale consommatrice d'un des matériaux de base de la vie moderne - qui menace les équilibres environnementaux de la planète - l'industrie est néanmoins loin de parler d'une seule voix à Busan.
Trois groupes se sont constitués. Tous demandent un traité sur le plastique. Deux ne sont pas opposés à une limitation de la production, un des points de blocage des discussions entre diplomates. Le troisième, proche de la pétrochimie et de l'industrie automobile, s'oppose fermement à toute limitation de production dans le traité ou restriction d'utilisation de
certaines molécules ou additifs.
"Nous sommes très dépendants du plastique pour la sécurité, la durabilité mais aussi pour réduire l'empreinte carbone du secteur, pour raisons environnementales", explique ainsi à l'AFP Mark Bacchus, représentant de Toyota, présent à Busan.
Le plastique permet notamment d'alléger les carrosseries et châssis alourdis par les batteries qui équipent les voitures électriques de la transition énergétique.
"Si nous avons un scénario où le plastique vierge est moins disponible, cela va causer un très gros problème" à l'industrie automobile, avertit M. Bacchus, car l'industrie ne sait pas très bien encore utiliser le plastique recyclé. Les résines sophistiquées qu'elle utilise résistent aux chocs ou aux fortes températures et doivent répondre à des normes de sécurité élevées.
Le Conseil international des associations chimiques (ICCA), sorte de lobby mondial de l'industrie chimique, refuse aussi toute coupe dans la production de plastique vierge, et propose essentiellement le recyclage comme solution au problème des déchets plastiques.
"Quantité absurde"
En face de ce bloc, l'ONG Greenpeace a réuni une coalition de 350 entreprises baptisées "Champions du changement" qui demande d'urgence un "traité fort sur le plastique" comprenant des baisses de production.
Il s'agit souvent de petites entreprises ou de restaurants, très proches des consommateurs, sur les cinq continents. Les enseignes les plus connues de cette alliance sont le distributeur de produits cosmétiques Lush ou les glaces Ben and Jerry's.
"L'augmentation exponentielle de la production de plastique n'est pas durable du tout", explique à l'AFP Louise Edge, stratégiste chargée des campagnes plastique chez Greenpeace à Londres.
L'alliance demande "le développement d'infrastructures permettant la réutilisation", et surtout "la suppression de tous les plastiques à usage unique", à commencer par les sachets individuels de lessive, de shampoing ou de boisson, très en vogue en Asie ou en Afrique.
Principale coalition industrielle, l'alliance de 300 grands groupes "pour un traité mondial sur le plastique", réunie par la Fondation Ellen MacArthur de défense des océans, comprend de gros utilisateurs de plastique dans l'agroalimentaire, les cosmétiques (L'Oréal, Unilever, Nestlé, Coca Cola...), la grande consommation et le textile (Ikea, Lego, H&M, Decathlon...)
Elle demande d'abord des régulations mondiales sur les plastiques, juge que le recyclage seul ne règlera pas tous les problèmes, et se dit prête à envisager un niveau de production "durable", sans donner de chiffre.
Illustration des dilemmes et tiraillements créés par le plastique dans l'industrie : alors que le géant des savons et lessives Unilever fait l'objet d'une campagne ciblée depuis fin 2023 menée par Greenpeace contre ses emballages plastique, son ancien PDG, le Néerlandais Paul Polman, a appelé cette semaine sur les réseaux sociaux à "agir de manière décisive pour
parvenir à un traité mondial sur le plastique".
La planète produit "une quantité absurde" de plastique selon lui, l'équivalent de quelque 110 milliards de bouteilles en plastique de 500 ml par jour. "Placées bout à bout, elles atteindraient la lune et reviendraient 28 fois" dénonce-t-il.
"Nous admettons que l'industrie ne peut pas arriver seule" à réduire les volumes de production, "nous avons besoin qu'une législation multilatérale soit mise en place" complète Jodie Roussell, responsable de la communication pour le secteur de l'emballage chez Nestlé.