23/10/2023
Les radars automatiques, cibles des protestations
Par AFP
Incendiés, tagués, bâchés ... les radars automatiques, postés depuis maintenant vingt ans aux bords des routes, se sont mués en cible privilégiée des protestations.
Le tout premier radar automatique est baptisé le 27 octobre 2003 au milieu d'une "quatre-voies" de la Ville-du-Bois en banlieue parisienne par les ministres de l'Intérieur Nicolas Sarkozy et des Transports Gilles de Robien.
Moins de 48h après, il est attaqué au "pavé, marteau ou masse".
Il s'agissait alors et encore pour quelques années, "d'actes de vandalisme individuels et désordonnés qui n'ont pas perturbé le fonctionnement du dispositif", explique à l'AFP Fabrice Hamelin, enseignant-chercheur en science politique à l'Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC) pour qui "ça a plutôt bien fonctionné".
La mortalité routière chute drastiquement, passant de 7.230 morts en 2002 à moins de 3.600 dix ans plus tard. Puis 3.267 en 2022. Une avancée "qui peut en partie être imputée aux radars", avec l'automatisation du contrôle-sanction, le permis à points, les stages de récupération de points ..., détaille Mathieu Flonneau, historien de l'automobile. "La peur des radars a fonctionné et fonctionne encore", ajoute-t-il.
Même si derrière ces destructions apparaît "une vraie tradition de ludisme, de destruction des machines", ajoute-t-il, estimant que "dans une société qui multiplie les points de surveillance, c'est un défouloir".
Changement de braquet
Au plus fort de la crise des "gilets jaunes", 75% du parc a été endommagé.
Avec un vrai impact sur le dispositif et un coût de réparation, mais également de protection.
Avant eux, les radars avaient déjà été ciblés, notamment par les "bonnets rouges" en guerre contre l'écotaxe en 2013, les automobilistes en opposition au passage au 80 km/h en 2018, les buralistes contre le paquet de cigarettes à
10 euros en 2020 ... Pendant le mouvement contre la réforme des retraites de l'hiver dernier, certains ont été débranchés.
Des destructions orchestrées par des mouvements collectifs organisés et "fruit d'une grogne générale où la sécurité routière n'est qu'un élément de manifestation parmi d'autres", note Fabrice Hamelin relevant ces dernières années, "une politisation extrêmement forte des enjeux de sécurité routière, des débats".
Les départements qui ont rétabli le 90 km/h sur les routes secondaires sont "des départements de droite" et ce retour s'accompagne d'une "dénonciation du poids de l'État dans les territoires", ajoute-t-il. Mais aussi d'une vraie mobilisation construite des associations d'automobilistes.
Nouvelle source de refus
En 2023, le parc de radars est stabilisé à moins de 4.600 appareils, indique la Sécurité routière. Le taux de disponibilité annuel moyen des radars était en 2022 à 87,27%, pour des recettes s'élevant à 928 millions d'euros, dont 725 millions d'euros (78%) consacrés à la lutte contre l'insécurité routière et ses conséquences.
Mais leur mission est amenée à s'élargir: ils devront dans l'avenir "faire respecter les interdictions de circuler aux véhicules qui n'ont pas les critères pour entrer dans les zones à faible émission", explique Mathieu Flonneau, voyant se profiler une "deuxième source de non-acceptation". Avec en ligne de mire "la crainte d'une assignation à résidence des citoyens qui n'ont pas la bonne voiture", "des problématiques de surveillance de citoyens".
Lors des émeutes urbaines de juillet dernier, des cameras de surveillance ont été dégradées. Pour l'historien, "c'est un peu la même logique", que quand "les dispositifs de bord de route, les péages, les portiques, les radars qui incarnent l'État, sont détruits" notant "une dimension libertarienne, anti-autoritaire, anticapitaliste (...) dans ces processus de destruction".
Réinventer l'outil
La combinaison vertueuse qui s'était constituée autour de l'automatisation du contrôle-sanction, au début des années 2000, est aujourd'hui sérieusement "remise en cause", estime Fabrice Hamelin pointant du doigt "la victoire du lobby pro-vitesse".
La décision de ne plus retirer de points pour les petits excès de vitesse, à partir de janvier, qui "va complètement à l'encontre de la philosophie qui était celle du dispositif" en est la preuve, ajoute-t-il évoquant "un tournant de la politique de sécurité routière avec la nécessite de réinventer un outil qui va pouvoir symboliser et incarner cette politique".