09/05/2023
Les autoroutes en France : beaucoup d'abandons, quelques projets rescapés
Par AFP
Bruyamment contestés, les projets autoroutiers sont pourtant peu nombreux en France, les gouvernements successifs en ayant déjà abandonné beaucoup depuis Le Grenelle de l'environnement il y a une quinzaine d'années.
L'un d'eux, le contournement de Rouen, est visé par les Soulèvements de la Terre et d'autres militants ; un collectif y organise samedi un festival rassemblant les opposants au projet.
Quelle est la ligne de l'Etat ?
Le dernier schéma autoroutier, assez fourni, date de 2003. Le Grenelle de l'environnement, en 2007-2009, a changé la donne, et de nombreux projets sont passés à la trappe comme l'A24 entre Amiens et Lille, le prolongement de l'A48 à l'est de Lyon, l'A51 dans les Alpes ou l'A831 en Charente-Maritime. "Il n'y a plus nécessité en France d'augmenter significativement la capacité du réseau routier", proclamait ainsi le projet de Schéma national des infrastructures de transport (Snit) en 2010.
La doctrine n'a pas trop changé depuis et quelques opérations routières ont continué, cahin-caha, plutôt discrètement, pendant que grandissaient des oppositions locales aux chantiers. On a abandonné le projet d'A45 entre Lyon et Saint-Etienne, mais construit le très contesté contournement de Strasbourg.
Jean Castex a relancé quelques projets quand il était Premier ministre mais les dossiers ont plutôt stagné depuis un an. Le gouvernement veut les réexaminer tous, prévenant que certaines liaisons ne seront pas réalisées.
Un nouveau schéma des infrastructures est promis pour l'été, avec une priorité annoncée au ferroviaire.
Pourquoi des autoroutes ?
Une autoroute concédée (largement financée par des fonds privés, et à péage) est le plus souvent choisie pour accélérer le mouvement, car la construction d'une voie rapide (gratuite) est dépendante des crédits de l'Etat, et souvent très lente. Inaugurée en novembre dernier, la partie autoroutière de la Route Centre Europe Atlantique (RCEA) dans l'Allier a ainsi été réalisée très rapidement, tandis que la partie à 2x2 voies dans le département voisin de Saône-et-Loire ne devrait pas être achevée avant des années.
Quels sont les projets rescapés ?
Toulouse-Castres (A69) : une autoroute de 53 km visant à "désenclaver" le sud du Tarn, défendue depuis longtemps par les élus locaux et les Laboratoires Pierre Fabre, et contre laquelle les Soulèvements de la Terre ont organisé une grande manifestation fin avril. Le concessionnaire a été désigné en avril 2022, et les travaux lancés en mars 2023.
Le contournement de Rouen (A133 et A134), un très vieux projet visant à désengorger l'agglomération, attend toujours son concessionnaire. Le débat est vif sur place, le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol (PS) ayant notamment changé de camp depuis les dernières municipales pour s'y opposer.
L'A154 : il s'agit d'achever l'axe transversal Rouen-Orléans en reliant entre eux des morceaux de voie rapide déjà existants et en construisant des déviations à Chartres et Dreux (avec une antenne baptisée A120).
L'A412 : une courte liaison isolée menant à Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie, rescapée après l'annulation de projets plus ambitieux.
D'autres projets moins aboutis sont dans les cartons, faisant débat depuis des années, comme l'amélioration de l'axe Nancy-Metz-Luxembourg (A31bis), le contournement d'Arles (A54) ou l'élargissement de l'A63 au sud de Bordeaux.
Les projets de voies rapides font beaucoup moins parler d'eux.
Que reprochent les opposants ?
Plus ou moins fédérées --par exemple dans la coalition "La déroute des routes"--, les oppositions sont multiples, évoquant de nombreuses causes : sauvegarde des zones traversées et/ou des arbres, protection de la faune et de la flore, lutte contre la bétonisation et l'artificialisation des terres, craintes pour la pollution et, plus généralement, contestation de tout ce qui est routier.
Certaines oppositions relèvent du Nimby ("not in my backyard", pas dans ma cour) : des personnes contestent un projet parce qu'il doit passer chez eux, mais l'accepteraient s'il était réalisé ailleurs.
On trouve même les associations de défense des trains qui sont contre tout projet qui pourrait être défavorable au ferroviaire, craignant notamment que les voies ferrées soient délaissées si des (auto)routes sont construites en parallèle.
Plus discrets, les partisans des projets parlent volontiers de désenclavement, d'achèvement d'itinéraires de transit, de développement économique et de sécurité routière.
Et chez nos voisins ?
La Wallonie en Belgique et le Pays-de-Galles au Royaume-Uni ont décidé de stopper leurs projets routiers. Ailleurs en Europe, on construit à tout va en Europe de l'Est --avec des fonds européens--, et on relance des projets en Allemagne, en Espagne et en Italie.