28/04/2022 - #Renault , #Audi , #Bentley , #Bmw , #Lotus , #Maserati , #Rolls-Royce
La Sept
Par Jean-Philippe Thery
Aujourd’hui, c’est aux pécheurs que je m’adresse. Mais pas forcément aux plus pauvres d’entre eux…
Sept
C’est le nombre de planètes visibles à l’œil nu, des chakras ou couleurs de l’arc-en-ciel. Mais aussi des péchés capitaux dont la liste fut consignée par Thomas d’Aquin dans La Somme théologique, qu’il rédigea entre 1266 et 1273. Et si vous pensez qu’un truc écrit au XIIIe siècle n’est plus d’actualité, sachez que les sept péchés capitaux figurent inchangés dans le Catéchisme de l’Eglise Catholique publié en 1994. Mais ce qui nous intéresse ici, c’est surtout qu’ils viennent d’être actualisés par la Bayerische Motoren Werke.
Et ceci par la grâce de la septième génération de la Série 7, présentée le 22 avril dernier en remplacement de la précédente, mise à la retraite après -devinez quoi- sept années de bons et loyaux services. Voilà une occasion tentante pour le pécheur impénitent qui ne sommeille guère en moi, de répéter l’exercice déjà pratiqué lors d’une précédente chronique (Péchés capitaux, version auto), mais que j’appliquerai cette fois-ci à la grande bavaroise.
Un modèle d’autant plus important que l’étroit segment de ceux dont les capitaines d’industrie et autres CEO fréquentent plus volontiers la banquette arrière que le siège conducteur, se réduit comme peau de chagrin quand on procède aux sélections qui s’imposent. Ainsi ne se débarque-t-on pas plus au siège social de sa boîte à bord d’une aguichante Maserati Quattroporte qu’on ne se rend à un dîner d’affaires avec sa maîtresse. Quant aux Bentley et autre Rolls-Royce, outre leur opulence par trop ostentatoire, on se dit qu’à choisir une auto conçue par des Allemands, autant se servir à la source. Ça nous laisse donc l’habituel triumvirat d’outre-Rhin, dont on retirera aussitôt une Audi A8 à la conception datant d’une bonne décennie.
Il était donc temps que la nouvelle Bimmer apparaisse enfin afin de donner la réplique à Benz et sa Classe S. D’autant plus que la nouvelle 7 fait le diable pour tenter de pervertir les adeptes de l’étoile chromée.
L’orgueil
On commence par ce qui paraît relever de l’évidence, tant la 7 semble constituer à elle seule un condensé d’outrecuidance. Normal dans la catégorie, même si elle y ajoute un style plutôt mastoc mais parfaitement assumé, puisque ne cherchant nullement à masquer les contraintes de son architecture devant accueillir en son plancher le volumineux pack de batterie de la version électrique. On a donc droit à des flancs quasi verticaux, à peine adoucis par une subtile concavité, loin du coup de gouge dans la tôle auxquels recourent nombres de VE pour tenter de masquer leur hauteur.
Il y a encore l’arrogante calandre, symbole pour certains de la suffisance de l’auto, mais dont les critiques qu’elle essuie déjà sur les réseaux sociaux me semblent quelque peu injustes, alors qu’elle occupe sur la face avant une superficie proportionnellement moindre à celle de modèles inférieurs en gamme. Et puis s’il y a bien une voiture sur laquelle pareil mufle me paraît justifié, c’est précisément une limousine dépassant les 5 mètres
D’ailleurs, le vrai péché d’orgueil de la 7 ne me semble pas tant résider dans son apparence que dans les stratégies qu’elle emploie pour hypertrophier l’égo de son principal passager, à qui elle fait volontiers tout un 7e art, particulièrement quand il s’en approche. Ce que BMW qualifie justement de "scénario d’accueil " débute par une séance de "lumière iconique" ("Iconic Glow" en bavarois dans le texte), avec éclairage du double pourtour de calandre et des optiques supérieurs incrustés de cristaux Swarovski. S’ensuit le déverrouillage automatique des ouvrants, exactement comme sur votre Captur, même si la Renault ne déroule pas de "tapis de lumière" pas plus qu’elle n’ouvre ses portières sur un air composé par le célèbre Hans Zimmer (compositeur de musique de films, pas de chambre).
La Gourmandise
Là encore c’est facile, tant les excès caractéristiques de la gourmandise abondent à bord de la 7, pour ne pas dire qu’ils la définissent. Citons par exemple les 69,1 pouces d’écrans tactiles tapissant l’habitacle, dont la bien nommée planche de bord -même légèrement incurvée vers le conducteur comme le veut la tradition- abrite deux exemplaires, dont l’étroit bandeau regroupant les différentes commandes. Mais c’est surtout l’énorme panneau de l’arrière accroché au toit qui fait la différence, particulièrement pour le passager du milieu pour une fois mieux traité que ses collègues, puisque parfaitement centré par rapport à la toile. On note toutefois la regrettable absence d’une machine à popcorns.
Je ne résiste pas non plus au plaisir de mentionner le système audio Bower & Wilkins, lequel envoie pas moins de 1.965 Watts en 4 dimensions dans ses 39 haut-parleurs. C’est 9 de plus que la Classe S, même si celle-ci se targue de posséder 8 résonateurs chargés de faire vibrer les passagers. Et tant qu’à faire dans la démesure, j’en aurais carrément mis 10 de plus, histoire d’afficher un nombre ayant 7 pour racine carrée…
La luxure
Jusqu’ici, tout allait bien. Mais c’est sans doute au cours de ce paragraphe que je vais regretter la ligne éditoriale d’un texte promettant le septième ciel avec une allemande au gabarit imposant.
Oui ben on se calme parce que j’ai un lectorat sérieux moi, pas du genre à s’intéresser à ce qui peut se produire à l’arrière des limousines. Je me contenterai donc de faire pudiquement allusion à tout ce qui sollicite les sens à bord de la 7, comme les écrans tactiles, les "matériaux haut de gamme travaillés avec le plus grand savoir-faire artisanal" ou encore le délicat toucher de la sellerie cuir…
Cela dit, je m’interroge tout de même sur ce que le rédacteur du Website avait en tête en écrivant à propos de la 7 que "le siège arrière droit Executive Lounge offre aux passagers arrière (sic) une position confortable […] avec un espace aux jambes généreux". Voilà un pluriel d’autant plus troublant que sur deux lettres en trop -ou pas- il y a tout de même un "x".
Allez, on passe à autre chose, même si je ne saurais trop recommander à certains des prospects intéressés par la 7 -particulièrement dans sa version longue- de vérifier si la marque propose une séparation chauffeur.
L’avarice
Là, ça se complique. Parce qu’à l’inverse des vices jusqu’ici évoqués, il semble au prime abord difficile de soupçonner la 7 de ladrerie. J’ai certes bien cru avoir décelé un rien de pingrerie de la part de BMW avec les moquettes qui font appel à l’Econyl, un recyclat de fils synthétiques que je me garderai toutefois bien de critiquer, puisque choisi pour des questions environnementales.
Mais c’en en jouant avec le configurateur que j’ai imaginé la 7 du radin, même s’il faudra attendre les tarifs des versions thermiques pour choisir la version d’entrée de gamme, seule l’électrique i7 étant pour le moment disponible à partir de 142.500 euros. L’acheteur près de ses sous se gardera toutefois bien d’y ajouter la moindre option payante, et optera donc pour une carrosserie en "Alpinweiss", façon germanique et élégante de désigner la couleur d’un utilitaire, pour ne pas dépenser les 1.200 à 3.850 euros permettant d’accéder à la couleur, sans mentionner les 12.500 euros de la peinture biton.
A l’intérieur, on se contentera d’inserts décoratifs en bois de tilleul brun à pores ouverts, en snobant les chêne et tilleul gris qui alourdiraient la note de 600 euros, ou la fibre de carbone affichée au scandaleux tarif de 850 euros. Pas non plus de siège Executive ou de toit panoramique Lounge, ni de cristaux sur la commande de boîte ou les rares boutons n’ayant pas émigré sur un écran et encore moins de l’un des nombreux packs destinés à enrichir la dotation d’origine. En revanche, notre grippe-sou plongera avec délice dans la liste des quelques options gratuites, incluant l’omission des badges (qu’on pourra toujours solliciter à part pour les revendre sur Ebay) ou le cuir "Veganza" en vrai plastique qui épargne les vaches.
Sans compter que ça permet d’épargner une bonne journée de travail à comprendre et choisir les différents équipements parmi la pléthore de packs avec options liées ou non entre elles. Le temps, c’est de l’argent.
La jalousie
Là encore, il paraît bien difficile de concevoir que le propriétaire/jouisseur d’une Série 7 puisse être affecté par le moindre sentiment de jalousie à bord de son palace roulant, à moins de considérer que la provoquer constitue une faute aussi repréhensible que de la ressentir.
Mais c’est oublier un peu vite la Classe S en finition Maybach, avec ses motorisations 8 et 12 cylindres, désormais indisponibles sur la munichoise…
La colère
On imagine volontiers d’une limousine bien sous tous rapports -même quand elle en est dépourvue en version électrique- qu’elle sait se comporter en évoluant à un train de sénateur. Mais à en croire un cliché tenace, certains Béhèmistes sont volontiers adeptes de la file de gauche et des appels de Zwarovski. Je n’ose alors imaginer ce qui pourrait se passer si le passager arrière décidait de donner son congé au chauffeur pour s’installer au volant. Surtout avec 400 kW (ou 544 chevaux) et 745 Nm de couple permettant d’accélérer de 0 à 100 km/h en 4,7 secondes et de parvenir aux 240 km/h en gardant le pied à la moquette recyclée. De quoi céder pour un temps à l’irascibilité de celui qui n’accepte d’être dépassé ni dans la vie ni sur route. Ça permet aussi de calmer ses nerfs avant de rejoindre les couloirs feutrés du siège pour affronter les affres d’un énième Conseil d’Administration. Du moins tant que ce dernier ne retire ni sa confiance, ni les clefs de l’auto.
La paresse
Là c’est facile, puisque tout incite à la paresse à bord de la 7, conçue pour limiter autant que faire se peut les gestes épuisants nécessaires à l’opération d’une automobile, surtout en tant que passager. Inutile donc de risquer une lésion musculaire en manipulant une portière qui s’ouvre toute seule, donnant accès au fauteuil Executive Lounge. Un privilège dont on rappelle qu’il est réservé au seul passager de droite, choix dont BMW ne précise pas s’il est le fruit de contraintes techniques, de considérations marketing ou des deux.
En revanche, les deux occupants de l’arrière ont tous deux accès à l’écran qui commande l’écran, dont le positionnement sur l’accoudoir de portière permet de choisir sa série préférée sur Netflix, mais aussi réguler la clim avec un économie de mouvement que ne renierait pas un paresseux sous Tranxene (je fais bien sûr allusion au mammifère qui se pend aux branches)
Au train où vont les choses, je ne serais d’ailleurs pas surpris si la huitième génération de la Série 7 attendue en 2029 était non seulement autonome, mais aussi capable de lire dans les pensées de son maître.
Je vous avais prévenu : la BMW Série 7 est une voiture véritablement diabolique. Et sans doute celui qui aura cédé à la tentation ne trouvera-t-il de rédemption automobile que dans son exact contraire. Un modèle dur, bruyant, inconfortable et ouvert à tout les vents, version motorisée de l’auto-flagellation
Autrement dit, une Lotus Seven