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28/03/2024 - #Tesla , #Baic , #Hyundai , #Kia , #Lexus , #Nissan , #Peugeot , #Porsche , #Smart

Jeu à pomme nulle

Par Jean-Philippe Thery

Jeu à pomme nulle
Pour avoir des images de l’Apple Car, faut demander à l’IA ! (Crédit : l’IA)

Aujourd’hui, je vous parle d’une voiture qui n’existe pas. Quoique…

Probablement n’y a-t-il eu pas grand monde pour la regretter

Ni du côté de ceux à qui elle était destinée, chez qui les amoureux de l’auto ne sont pas légion, ni au sein de ces derniers pour lesquels elle incarne vraisemblablement tout ce que ne devrait pas être une voiture. Songez-donc qu’il fut momentanément question de la priver de ces nobles appendices que constituent volant et pédales, dans un cockpit genre salon où l’on cause avec des sièges plus vraiment à l’avant faisant face à une banquette restée à l’arrière. Un retour pour le moins étonnant aux débuts de la locomotion individuelle quand on se déplaçait en "vis-à-vis" de chez Peugeot ou De Dion-Bouton, alors qu’elle était supposée incarner le futur. Quoiqu’il en soit, nous resterons pour l’instant dans le sens de la marche -ou pas- puisqu’Apple vient d’enterrer son projet automobile. Et j’en connais que la nouvelle a réjouis, pas mécontent de voir le géant Américain mordre la poussière, alors qu’il promettait de croquer l’Apple Car du futur dont nous n’avons pourtant jamais vu le moindre sketch.

On a largement eu le temps de l’oublier puisqu’en 10 ans, celui qu’on désignait comme "Projet Titan" n’a accouché de rien du tout, soit encore moins que la montagne qui a engendré la souris. Sans doute celle d’Othrys où résidaient les colossales créatures mythologiques à qui on emprunta leur nom, avec un certain manque de modestie, sinon d’ambition. 10 ans c’est tout de même très long pour un programme automobile, sans voir ne serait-ce que la queue d’une pomme motorisée, en dehors des inévitables élucubrations graphiques de Youtubeurs ou Photoshoppers de service. Il y eut certes les 60 Lexus RX 350 louées à Hertz -vous savez, la compagnie qui se défait d’une partie de ses modèles électriques- boursouflés d’excroissances abritant des capteurs en tous genres, entre caméras, radars et lidar, dont je retiens surtout que lorsqu’Apple fait de la mise au point, il s’agit d’éduquer les algorithmes plutôt que de "finetuner" une base roulante.

L’aventure a évidemment débuté par un briefing, logiquement inspiré de l’iPhone et autre iBidules, à commencer par l’évidence de sa motorisation. C’est qu’on n’imagine pas l’Apple Car fonctionner à autre chose qu’au jus -mais pas de dinosaure- ni son propriétaire lubrifier les semelles de ses Nike Air Max (n’oubliez pas qu’on est en 2014) dans une flaque de gazole devant des pompes, à carburant celles-ci. Mais on attendait surtout de voir appliqué à l’automobile le style propre à la maison, constitués de lignes qui pour hésiter entre épurement et minimalisme n’en traduisent pas moins un positionnement haut de gamme. Enfin, il va sans dire que l’habitacle accessible par IPhone ou montre-pomme aurait été iPadisé à mort, avec pour seul signe ostentatoire une profusion d’icônes sur écrans tactiles et connectés.

Bref, des trucs qui paraissent très 2019 de nos jours, et rien qu’une Tesla ne propose en dehors de la signature lumineuse en forme de reinette et d’un prix élitiste. Mais ce serait oublier un peu vite qu’un produit Apple, c’est avant tout une "killer app", de celles qui voient les foules de geeks se ruer sur les “dealers concepts stores" à son lancement. Et ça tombe bien, puisque que ces gars-là auraient adoré l’autonomie niveau 5 telle que définie par la Society of Automotive Engineers (SAE), correspondant à la prise en charge totale de la conduite par la machine. L’Apple Car serait donc la première voiture 100% autonome, technologie dont on imaginait il y a seulement quelques années qu’elle serait disponible sous peu. Mais ça, c’était avant qu’on ne s’aperçoive que le cerveau de l’idiot au volant embarque tout de même une sacrée puissance de calcul lui permettant de faire face aux situations les plus complexes, là où même les programmes les plus costauds rendent encore leur tablier.

Dommage pour sa pomme donc, puisque c’est précisément l’aptitude à la conduite autonome qui aurait permis de repenser totalement son aménagement intérieur entre Workspace et bar lounge, et d’escamoter -à défaut de les faire disparaître totalement- les commandes destinées au contrôle de la machine. Ou comment restituer à ses occupants le temps de vie perdu dans les transports, quand l’automobile devient immobile lors des séances quotidiennes de navettage qui en constitue l’usage principal. Une tendance amorcée dès les années 30 avec les premiers autoradios, ayant abouti aux systèmes d’infodivertissement actuels, mais qui n’ont pas encore affranchi de la servitude de la conduite celui dont ils lui disputent une partie de l’attention, et qui n’aurait donc trouvé son aboutissement que dans l’Apple motorisée.

Pour les tenants du projet Titan, un tel dessein n’était concevable qu’en dehors des constructeurs historiques, englués dans les habitudes jurassiques d’une industrie née à la fin du XIXe siècle. Une idée pas si nouvelle à laquelle adhérait déjà Nicolas Hayek lorsqu’il conçut sa "Swatchmobile", même si devenue Smart, la voiture de l’homme aux petites montres rigolotes et pas chères avait déjà atterri dans le giron de Mercedes, dont on se souvient que le fondateur inventa précisément l’industrie automobile. Difficile donc d’échapper aux dinosaures, ce que Tim Cook -patron d’Apple- reconnut implicitement en se tournant vers eux pour fabriquer son auto, puisque le business-model maison interdisait à ses employés de mettre la main au tournevis. Nissan, le groupe Hyundai-Kia et même Porsche furent donc approchés, mais allez savoir pourquoi aucun d’entre eux ne manifesta grand intérêt pour un deal les reléguant au rang d’exécuteurs des sales œuvres, quand son commanditaire en retirerait tout le bénéfice d’image…

Pauvre pomme, devenue entre-temps celle de la discorde à force d’incessants changements de stratégie, cahier des charges ou leaders, sans qu’elle ne trouvât jamais cette autonomie assignée comme objectif intangible, et que de surcroît personne ne voulait fabriquer. Pas étonnant donc que Tim ait fini par débrancher la prise après 10 ans et dix milliards de dépenses, même si ce chèque-là reste tout de même très supportable pour une entreprise qui engrangea presque dix fois plus en bénéfices au cours de la dernière année, pourtant considérée comme passable par les analystes. Le dossier Titan fut donc rangé dans un tiroir, et l’Apple Car destinée à l’oubli.

Quoique

Si vous étiez du coté de Shangaï aujourd’hui, vous auriez pu assister au lancement de la SU7. Une voiture ciblant le haut de gamme à la silhouette de Porsche Taycan mâtinée d’un avant Mclarenisé. A l’intérieur, accessible par montre connectée ou smartphone interposé, une profusion d’écrans entre l’instrumentation de 7,1 pouces, la dalle centrale de 16,1 pouces et l’affichage tête haute de 56 pouces, ainsi que les tablettes de l’arrière dont je vous épargne le nombre de doigts. Comme si Xiaomi s’était jurée de produire l’Apple Car à la place d’Apple, ou plutôt de faire produire puisque le spécialiste bien connu des smartphones en a confié l’industrialisation au Groupe BAIC…

De quoi donner des regrets à Tim Cook, qui s’est précisément rendu en Chine à la rencontre des dirigeants de différents constructeurs. Ou pas. Parce qu’il n’y a en principe pas de perdant dans un jeu à pomme nulle, et que notre homme a sûrement quelques idées sur comment tirer profit des années de recherche dédiées à la voiture qui n’existe pas…

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Réactions

J'espère que la SU7 de Xiaomi est à l'anis !

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