07/04/2025
Guerre douanière : le Japon, dépendant de ses exportations, face à "une crise nationale"
Par AFP
Le Japon, dépendant de ses exportations, subit avec l'offensive douanière américaine "une crise nationale" susceptible de plomber son économie, à commencer par son crucial secteur automobile, et Tokyo, tout en promettant "un soutien financier" aux entreprises, espère pouvoir négocier un compromis.
Jusqu'au dernier moment, le Japon, proche allié de Washington et première source d'investissements étrangers directs aux Etats-Unis, a tenté de décrocher "une exemption". Mais la quatrième économie mondiale n'a pas échappé à la vaste offensive protectionniste du président Donald Trump, avec une majoration douanière de 24% ciblant les produits japonais à partir du 9 avril. Les exportations automobiles sont, elles, d'ores et déjà surtaxées à 25% depuis jeudi.
Ces surtaxes "peuvent être qualifiées de crise nationale", a martelé vendredi le Premier ministre nippon Shigeru Ishiba. Il a assuré vouloir approcher "avec la tête froide" les négociations avec l'administration Trump. "Si je juge nécessaire de me rendre personnellement aux États-Unis, je n'hésiterai pas une seconde", avait-il déjà indiqué jeudi.
Le Japon a dégagé l'an dernier un excédent commercial de 68,5 milliards de dollars avec les Etats-Unis. L'économie nippone est extrêmement dépendante du commerce extérieur, qui lui a permis d'éviter une contraction du PIB au dernier trimestre 2024, et les Etats-Unis pèsent 20% des exportations japonaises, soit 142 milliards de dollars. L'automobile, un secteur qui représente un emploi sur huit au Japon, est particulièrement concernée, puisqu'elle représentait l'an dernier 28% des exportations nippones vers les Etats-Unis, avec 1,49 million de véhicules.
"Impact grave"
Après une stagnation du PIB nippon (+0,1%) en 2024, la conjoncture s'assombrit : "dans le pire des cas, ces taxes douanières pourraient réduire de 0,7 point la croissance japonaise en 2025", estiment les analystes de BMI (FitchSolutions). Ceux de Capital Economics se montrent plus mesurés, anticipant un impact de "peut-être seulement 0,2% du PIB" : "le Japon ne dépend pas que des exportations aux Etats-Unis", font-ils valoir, la moitié de ses marchés à l'exportation se trouvant en Asie. La Chambre de commerce et d'industrie du Japon (JCCI) redoute, elle, "un impact extrêmement grave sur l'économie" nationale. Signe d'inquiétude des investisseurs, la Bourse de Tokyo a chuté d'environ 3% jeudi et autant vendredi.
La JCCI a "exhorté vivement le gouvernement à poursuivre ses négociations pour obtenir une exemption (...) et prendre toutes les mesures pour minimiser l'impact sur les PME", notamment via "un soutien à leur trésorerie". M. Ishiba a justement demandé à ses ministres de "prendre toutes les mesures nécessaires, y compris un soutien financier" pour protéger les industries et l'emploi, selon le porte-parole du gouvernement. Et le Premier ministre a rencontré vendredi les partis d'opposition : une façon de préparer l'adoption au Parlement, où M. Ishiba ne dispose pas d'une majorité absolue, d'un projet de loi de finances rectificative, selon le quotidien Asahi Shimbun.
Impacts indirects
L'automobile est fragilisée non seulement en raison de ses exportations depuis le Japon, mais aussi de la forte implantation des constructeurs nippons au Canada et au Mexique, d'où ils expédient 1,45 million de voitures par an aux États-Unis, selon Bloomberg. L'Association des constructeurs automobiles japonais (JAMA) réclame une aide gouvernementale, un allègement fiscal, mais également des mesures visant "la revitalisation du marché intérieur", alors que les ventes sont en chute dans l'archipel. Et la JAMA insiste sur la "voie durable" des liens bilatéraux : les entreprises automobiles japonaises ont investi un total cumulé de quelque 66 milliards de dollars dans l'industrie américaine en 2024, générant plus de 110.000 emplois directs et soutenant plus de 2,2 millions d'autres, assure-t-elle. Outre l'automobile, "les principales exportations surtaxées comprennent l'électronique et les machines, difficilement substituables par les États-Unis", observent par ailleurs les analystes de BMI. Ce qui pourrait permettre de "répercuter les droits de douane sur les prix de vente aux consommateurs américains, la demande dépendant in fine de la conjoncture économique américaine", estiment-ils.
A l'inverse, les entreprises japonaises impliquées dans les chaînes de production en Chine et Asie du sud-est, notamment dans l'électronique, "pourraient être touchées par les surtaxes élevées" visant ces pays tiers (46% pour le Vietnam), ajoute BMI. Si les surtaxes américaines ne concernent pas les semi-conducteurs, les groupes nippons du secteur ont ainsi dévissé en Bourse, en raison des incertitudes sur la production en Asie des géants de l'électronique dont Apple, leurs principaux clients.