11/01/2024 - #Renault , #Tesla , #Dacia
Chez Plumeau
Par Jean-Philippe Thery
Aujourd’hui, je vous emmène en taxi sympa à Sampa, et faire de la poussière à bord d’un SUV tout nouveau.
"Elle n’est pas très belle, mais c’est vraiment une bonne voiture."
Je suis dans un taxi à "Sampa" (São Paulo pour les intimes), et comme à chaque fois que j’embarque en Logan, je me prends au jeu de l’entretien qualitatif. Certes, j’ai suffisamment travaillé dans le domaine pour savoir -comme je le répète moi-même régulièrement- qu’"on ne fait pas d’étude de marché avec le voisinage" quand bien même celui-ci se situe dans l’habitacle d’une automobile. Mais tout de même, les confidences ainsi recueillies au long des années sur la banquette (même si c’est moi qui l’occupe) représentent un échantillon tout à fait respectable. Et comme elles sont particulièrement cohérentes, je crois pouvoir déduire de ce rigoureux travail de recherche que la berline roumaine est une auto "WYSIWIG" autrement dit "What You See Is What You Get", ou encore "ce que vous voyez est ce que vous obtenez". Il s’agit sans doute même d’une des voitures les plus honnêtes au monde, puisque selon tous ceux que j’ai interrogés à ce sujet, la Logan délivre exactement ce qu’elle promet, voire un peu plus. Quant à sa plastique, reconnaissons qu’elle a sérieusement évolué depuis la toute première itération du modèle à laquelle s’adressait le commentaire cité en ouverture.
Quelques années plus tôt au cours d’une mission en France, c’est en face de Jean-Marie H -alors Directeur du Projet "X90"- que j’étais assis. Entre nous, posé sur son bureau, un document frappé d’un sceau rouge "confidentiel" avec en première page une phrase que je crois encore aujourd’hui pouvoir citer avec une certaine exactitude. Quelque chose comme "proposer à nos clients des pays émergents la voiture qu’ils peuvent s’offrir". Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, les mots pour le dirent arrivent aisément et c’est en lisant ce qui se rapproche sans doute le plus dans un cahier des charges Automobile du célèbre précepte énoncé par Boileau dans "l’Art Poétique" que s’est imposée à moi cette évidence : il nous fallait absolument la Logan dans l’usine de Curitiba.
Une révélation que je me suis donc empressé de coucher sur papier aussitôt retourné sur place, avec la bénédiction au début un peu hésitante non point d’un homme de lettres mais de François B, alors à la tête de la Direction Plan Produit Mercosur. Il faut dire qu’à l’époque, il était en principe "interdit" d’envisager le modèle hors de sa Roumanie natale, et que si ma mémoire est bonne, François s’est fait gentiment sermonner avant que tout le monde ne se mette, non pas au Boileau, mais au boulot. Pas de quoi se la péter pour autant, puisque je n’ai fait qu’agir dans l’exercice de mes fonctions de Chef de Produit, et que n’importe quel autre à ma place aurait probablement rédigé peu ou prou la même note.
Quoique. Tout le monde ne partageait pas notre enthousiasme pour une Logan "tropicalisée", notamment ceux qui, arguant de l’interdiction alors faite au modèle d’arborer un losange sur le museau considéraient qu’il était inimaginable de lancer une nouvelle marque sur un marché où Renault était encore loin d’être pleinement installée (je tairai les noms, même en présence de mon avocat). Une objection qui ne me paraissait pourtant pas devoir résister bien longtemps s’il se confirmait que 1/ nous avions le bon produit et 2/ l’équation économique fonctionnait, ce qui devait se vérifier par la suite. D’ailleurs, et pour la faire courte, la Logan et ses dérivés sont à l’origine du succès de Renault au Brésil et dans la région durant les deux dernières décennies de ce siècle.
Si je vous raconte ça, c’est que j’ai récemment pris le volant d’un Duster. Non, pas le nouveau qui arrive (y compris d’ici peu dans cette chronique), mais celui de la deuxième génération lancé en 2017, à bord duquel j’ai très largement eu le temps de me refaire l’histoire de Renault do Brasil, coincé dans des embouteillages aux proportions "hidalgueques" au cours d’un épisode que j’ai raconté dans "Pleure sur ma ville". Un engin sur le principe totalement archaïque avec sa motorisation alimentée au gasoil accouplée à une transmission mécanique, mais qui n’en n’était pas moins flambant neuf. Du moins jusqu’à ce que la trottinette à côté de laquelle j’ai eu la mauvaise idée de stationner ne se jette soudainement sur sa carrosserie, laissant une légère marque sur la portière arrière gauche. Un comportement pour le moins étrange de la part d’une représentante supposée des "mobilités douces".
Poque sur la tôle mis à part, je dois bien avouer que j’ai aimé l’expérience procurée par le Duster II, et pas seulement parce qu’il m’a donné l’opportunité devenue rare de passer moi-même les rapports. J’ai ainsi beaucoup apprécié le côté "essentiel" émanant de cette "juste voiture", ramenant aux plaisirs les plus simple de la conduite, cohérent avec son look rustique genre "crapahuteur des Carpates". Sans compter que tous ses occupants y jouissaient chacun d’un espace vital tout à fait respectable, dans un environnement certes loin de concurrencer la qualité perçue des habitacles souabes ou de Bavière, mais n’en respirant pas moins une robustesse de bon aloi. Dans mon rôle de chauffeur, je disposais par ailleurs d’assez d’électronique pour m’info-divertir avec modération entre GPS et radio FM, et suffisamment de "oomph" grâce aux 115 chevaux et 260 Nm de couple en provenance du moteur, dont la jolie dénomination "Blue dCi" laisse volontiers imaginer qu’il émettait une légère lumière bleutée dans un compartiment moteur immaculé.
Et je n’ai visiblement pas été le seul à apprécier les vertus d’un SUV très éloigné des clichés statutaires brandis par les "anti" de la catégorie, puisque celui-ci s’est classé à la dixième place des immatriculations de voitures neuves en France en 2023, en affichant 1,8% de part de marché. Je le place même sur la troisième marche du podium des SUV derrière les 2008 et Captur, puisque je me refuse à considérer le modèle Y de Tesla comme un membre de la catégorie. Après le Sandero, le Duster a donc été l’année dernière le deuxième contributeur au succès de Dacia dans l’hexagone, se permettant même de damer le pion à Citroën pour occuper la troisième place du classement des marques.
Je dois pourtant vous avouer avoir ressenti quelques appréhension en découvrant les photos du "new kid on the block" de la marque. Non pas qu’il ne soit pas très réussi avec la découpe des vitrages latéraux ou encore les passages d’ailes sérieusement bodybuildées qui l’inscrivent clairement dans la lignée de ses prédécesseurs. Mais surtout parce qu’avec sa face avant Range-Roverisée et son arrière empruntant quelque peu aux XC de chez Volvo, j’ai craint un instant que le Duster troisième du nom n’ait cédé à ce qui constitue de mon point de vue la pire menace pour la marque Dacia, autrement dit une montée en gamme à laquelle tous les constructeurs se sentent obligés de se livrer depuis quelques années, et qui pourrait être fatale à une marque qui s’est précisément construite sur son accessibilité (notez bien que je n’ai pas évoqué le terme "low cost", lequel semble donner des poussées d’urticaire aux responsable de la marque).
La publication des tarifs France a d’ailleurs confirmé qu’à l’usine de Mioveni aussi, on connaît la hausse du coût des matières premières. Mais il faut savoir raison garder et que je tiens à disposition de celui ayant écrit que la version d’entrée coûte désormais le double du modèle 2010 un excellent calculateur d’inflation. D’ailleurs, l’analyse des prix corrigés se chargera de réduire l’écart avec la génération antérieure, entre des qualités dynamiques forcément en hausse grâce à la nouvelle plateforme CMF-B empruntée à Renault, des prestations améliorées et nouveaux équipements. En revanche, les motorisations alimentées au gasoil sont passés à la trappe à essence, n’étant plus tout à fait en odeur (soufrée) de sainteté par les temps qui courent.
Au fait, un drôle de nom tout de même que celui de "Duster", même s’il sonne plutôt bien. Issu du patrimoine historique de la marque quand il désignait sur certains marchés le 4x4 Aro 10 produit de 1980 à 2006, il m’a toujours évoqué un univers de pistes poussiéreuses où les automobiles qui s’y aventurent soulèvent un grand panache de fumée derrière elle. Mais ça, c’était avant que je m’aperçoive que le terme se traduit par "plumeau" en anglais, ce qui fait tout de même un peu bizarre. Heureusement, les appellations automobiles finissent souvent par se détacher de leurs origines pour acquérir une existence propre, y compris pour Google qui vous servira uniquement des images de bagnole et pas du truc à plumes si vous le cherchez avec "Duster".
Quoiqu’il en soit, si vous comptez vous offrir un SUV pas prétentieux et bien sous tous rapports, allez donc voir chez plumeau…