19/03/2021 - #Volkswagen Vp , #Bentley , #Dacia , #Jaguar , #Peugeot , #Stellantis
C’est la watt !
Par Jean-Philippe Thery
C’est de mobilité alternative -ou pas- dont il est question aujourd’hui. Parce qu’à force d’entendre parler de neutralité carbone en continu, les réticents comprendront peut-être que l’électricité finira bien par devenir mainstream. OK boomer ?
Au début, je n’y ai pas cru.
Lorsque les premières annonces sur l’interdiction programmée des véhicules à motorisation thermique se sont produites, je les ai balayées en quatre temps. Une fin dont on ne comprend d’ailleurs pas très bien quand elle interviendra(it), entre les décisions successives de la Commission Européenne, les dispositions propres de certains gouvernements, le projet de Loi Climat français visé par 150 citoyens qui me représentent malgré moi, ou la mieux-disante d’éminents politiques en quête de greenwashing électoral.
Mais peu importe que ça nous tombe dessus en 2040, 2035 ou même avant. Le fait est qu’à entendre répéter inlassablement que Beau de Rochas est arrivé en bout de cycle, j’ai fini par avoir des doutes sur le bien-fondé de mon addiction à la mobilité carbonée, qui constitue pourtant l’essence même des Petrolheads.
En fait, j’aurais dû écouter mon ami Jérémy, lecteur assidu mais critique de mes divagations hebdomadaires, quand il m’expliquait que mes prises de position répétées en faveur de véhicules siroteurs de carburants fossiles risquaient de me faire assimiler par les générations YZ à ces dinosaures dont les restes mortels entrent précisément dans la composition du dégoûtant liquide. Ce que l’étudiante de Sciences Po interviewée il y a quelques jours sur France Info semblait confirmer lorsqu’elle expliquait très doctement que les boomers devraient enfin admettre le mal qu’ils ont fait à la planète et à l’humanité. Depuis que je l’ai entendue, je songe sérieusement à reconnaître publiquement mes péchés avant qu’elle-même et ses camarades parvenus au pouvoir n’organisent de grandes séances d’auto-critique, au cours desquelles des Seniors viendraient avouer publiquement en arborant le rouge de la honte au front, qu’ils ont pendant des années roulées en voiture thermique.
De fait, je ne puis cacher que je me suis longtemps retranché dans la résistance au tout électrique, alors que la liste des constructeurs jetant l’éponge imbibée d’hydrocarbures en faveur de la propulsion propre ne cessait de s’allonger. J’avais une explication pour chacun d’entre eux, aux arguments d’une mauvaise foi parfaitement rôdée. Quand Volkswagen a déclaré viser 70% de ventes en électrique en 2030, j’ai ainsi évoqué l’obstination d’Herbert Diess à vouloir laver l’honneur de l’entreprise souillé par le Dieselgate.
J’ai de la même façon interprété la stratégie de Jaguar abandonnant le moteur thermique dès 2025 comme la fuite en avant d’une marque en perte de Market-share, et celle de Bentley comme le moyen évident de garantir un silence absolu en provenance de la salle des machines de ses luxueux modèles. L’adhésion de Volvo, paraissait évidente, puisqu’appartenant à un groupe issu d’un pays où l’on produit les batteries en masse. Quant à la Renaulutions, elle ne pouvait être représentée autrement que par un concept-car électrique, s’agissant du constructeur de Zoe.
Mais tout ça, c’était avant que Carlos ne s’en mêle. A l’occasion d’une conférence téléphonique, le patron de Stellantis a récemment fait savoir que le groupe dont il a depuis peu la charge s’engageait lui aussi dans la course aux VE, considérant que “le mix des ventes dans le monde des véhicules électrifiés évoluera très rapidement vers les voitures purement électriques“. Et de joindre le geste à la parole en indiquant que les hybrides avaient été éconduits du plan produit de Stellantis.
So watt me direz-vous ? La parole de Carlos Tavares serait-elle plus digne de confiance à mes yeux que celle de ses pairs ? Disons plutôt que le choix de cette stratégie est d’autant plus significatif que notre homme fût le seul membre du sérail à exprimer clairement ses doutes sur la marche forcée vers la propulsion électrique imposée par l’Union Européenne. Puisque vous suivez l’actualité automobile, vous avez d’ailleurs forcément reçu un de ces tweets ou posts largement relayés par les “anti“ de l’électrique, reprenant des propos tenus en marge du Salon de Francfort le 13 septembre 2017 et commençant par un retentissant “le monde est fou“. On y lisait alors : "Je ne voudrais pas que dans 30 ans on ait découvert les uns et les autres quelque chose qui n’est pas aussi beau que ça en a l’air sur le recyclage des batteries, l’utilisation des matières rares de la planète, sur les émissions électromagnétiques de la batterie en situation de recharge".
La nouvelle direction adoptée par Stellantis a constitué pour moi un électrochoc salutaire, m’obligeant à une profonde remise en question. Si Carlos Tavares lui-même -qui n’avait pourtant pas mâché ses mots sur le sujet- se rendait finalement à la fée électricité, je n’avais d’autre choix que de croire moi aussi en un futur décarboné. Et puisque les moteurs à piston ont une bielle dans la tombe, autant contempler dès maintenant les avantages de la voiture électrique et reconnaître que l’avenir avec elle n’est peut-être pas si terrible que ça.
D’ailleurs, la brève prise en main de la Peugeot e-208 que j’ai eu l’occasion d’effectuer il y a quelques mois à Rio ne peut qu’apporter de l’eau au moulin électrique, puisqu’il me faut bien avouer qu’à choisir entre elle et son homologue à essence “roulée“ le même jour, c’est au son de Simon & Garfunkel (celui du silence évidemment) que je serais reparti. Que voulez-vous, avec un 0 à 100 km/h effectué en 8,1 secondes au lieu des 12,0 requis par la version “sale“, il n’y a pas photo au Grand Prix des feux rouges. Mais si je m’attendais aux peps du moteur synchrone à aimant permanent de 136 chevaux, j’ai été surpris que la petite lionne électrifiée ne se montre nullement pataude lors de l’épreuve du slalom qui avait été aménagée afin de tester son comportement, malgré le surpoids de batterie à emmener. J’avais oublié que logés sous le plancher, les 300 kg supplémentaires contribuent grave à l’abaissement du centre de gravité.
A ceux qui s’apprêtent à me clouer au pilori pour haute trahison envers la mécanique à combustion interne, laissez-moi vous dire que si je ne suis pas devenu soudainement insensible à ses charmes, encore faut-il que charme il y ait. Et de ce point de vue, personne ne me dira que le bruit de l’antédiluvien EC5 1.6 équipant la version brésilienne de la 208 fera vibrer les foules mélomanes. Mais pas moins après tout que les motorisations amputées d’un cylindre et turbo-downsizées qui sont devenues le quotidien des éconoboxes européennes. Et tant qu’à rivaliser avec le charisme de la mécanique équipant le robot pâtissier trônant sur l’ilot central de votre cuisine, pourquoi ne pas opter pour la même technologie en profitant de sa quiétude acoustique et des avantages du couple disponible dès les premières rotations ?
Bon évidemment, il a deux ou trois mouches dans la pommade que vous connaissez bien. A commencer par les 32.700 Euros demandées en France pour la moins onéreuse des e-208, dissuasifs par rapport à ses collègues essence sans les 5.000 Euros d’aide écolo déboursés par le contribuable. Au “quid de la Kwid“ que je ne manquerai pas d’écouter, je rétorquerai que la Dacia Spring – petit nom de sa version électrique- ne doit elle aussi d’offrir la mobilité propre à 12.000 Euros qu’au chèque cadeau-Bonus signé par le gouvernement. Reste à imaginer que les business-models des constructeurs engagés dans l’électrique jusqu’aux coûts prévoient la disparition à terme de ces subventions, et des tarifs de vente équivalents aux modèles carbonés.
Et puis, on sait aussi que la mobilité électrique va devoir sérieusement développer son networking. Parce qu’il est de notoriété publique que les hubs permettant aux propriétaires d’automobiles branchées raplapla de se rencontrer sont franchement insuffisants, sans compter les normes hétérogènes des bornes de recharge et les variations de politiques tarifaires auxquelles ceux-ci sont constamment confrontés. Et je n’évoquerai pas même ici la délicate question de la recharge à domicile pour ceux qui ne disposent ni d’une maison individuelle, ni d’un câble assez long pour raccorder leur auto à la prise de la cuisine.
Enfin, il va probablement falloir former des thérapeutes en “range anxiety“, pour débarrasser les acheteurs potentiels de VE de la névrose dont ils sont couramment atteints, obstacle au passage à l’acte. Inutile cependant de leur expliquer que les distances qu’ils parcourent pour 95% de leurs déplacements ne dépassent pas l’autonomie de leur véhicule, si celui-ci doit constituer l’unique auto du foyer. Depuis la nuit des temps, la voiture principale est dimensionnée en fonction de son usage maximum dans le cadre d’un budget donnée. Sinon, la plupart des modèles commercialisés ne disposerait guère que d’un ou deux sièges, et d’un coffre à bagage de la taille d’un vanity-case. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les 2/3 de propriétaires particuliers de VE en France sont largement multi-motorisés (45% d’entre eux possédant 3 voitures ou plus).
En même temps, ces gens-là ont en moyenne 56 ans. Et comme Jérémy m’a recommandé de ne plus fréquenter le Jurassic parc automobile, j’ai plutôt cherché à savoir ce qu’en pensaient les représentants des Générations YZ, la fine fleur de ceux qui incarnent l’avenir de notre belle planète. Et c’est dans l’excellent rapport publié par Kantar, intitulé “la mobilité vue par la jeune génération dans un monde (post) Covid“ que je les ai rencontrés.
Ce que nous disent en substance les études réalisées en 2019 et fin 2020 sur le sujet en Europe et en Amérique du Nord, c’est que ces gars-là ne rejettent nullement l’automobile, 2/3 des interviewés européens avouant même prendre du plaisir à utiliser une voiture. Un certain nombre d’entre eux se voient d’ailleurs volontiers en acquérir une, à condition qu’elle soit propre, 1/3 considérant qu’ils achèteront sûrement ou très probablement une voiture électrique.
La principale différence par rapport à leurs ainés, c’est qu’ils inscrivent l’automobile dans une approche multimodale de la mobilité, qui les voit recourir à tous les moyens disponibles à leur disposition dans une démarche constante d’optimisation. On notera encore que s’ils se disent prêts à adopter de nouveaux comportements dans leurs usages de la mobilité, ils expriment des attentes fortes à l’égards des acteurs privés et publics s’agissant de sujets sur lesquels ils estiment ne pas avoir prise, comme les infrastructures, l’innovation, l’urbanisme ou la sécurité.
Moi qui avais peur de me sentir has been à leur contact, me voilà donc rassuré ! Je ne sais pas encore si c’est la watt que je préfère, mais je n’y suis sûrement pas opposé.
Mais je ne sais pas si Jérémy ne trouvera pas franchement datée une chronique dont le titre fait appel à un tube de 1986. Même si Caroline Loeb, auteure-interprète de la “C’est la ouate“ a fait le buzz en avril dernier avec une version “confined“, réalisée par 120 fans qui se sont filmés à domicile, dont un certain Jean-Paul Gautier.
Quoiqu’il en soit, moi qui avais un peu la seum en démarrant cette chronique, là j’ai trop la hype.
(Je vous mets quand même le lien vers la vidéo de “C’est la Ouate“, pour ceux qui ont envie de le revoir, ou qui laissent un peu à désirer au niveau de la branchitude)