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16/01/2025 - #Renault , #Bmw , #Byd , #Hyundai , #Honda , #Great Wall , #Nio , #Nissan , #Peugeot , #Fiat , #Ford , #Toyota

Build Your (Brazilian) Dream

Par Jean-Philippe Thery

Build Your (Brazilian) Dream
Une BYD Dolphin Mini et un JAC Tiggo 8 hybride rechargant à la station Graal d’Itatiaia

Aujourd’hui, je vous emmène en voiture de rêve sous les tropiques. Ou pas…

L’un des premiers trucs que j’ai fait en arrivant à Rio fut de rouvrir mon application Uber

Il faut dire que le service y est particulièrement attractif, avec des tarifs rendu encore plus alléchants pour l’Européen de passage par une dévalorisation du Réal face à l’Euro de 17% sur un an. Sans compter le nombre de "motoristas" disponibles en tout lieu et en toute heure, ou plutôt en les comptant puisqu’on dénombre pas loin de 200.000 d’entre eux dans la métropole carioca, sur le bon million que compte le pays. C’est certes moins qu’à São Paulo où circulent 563.000 d’entre eux, la capitale économique du pays figurant dans le Top 5 des villes générant le plus de chiffre d’affaires pour la multinationale franciscaine, comprenant Los Angeles, New York, Chicago et Londres, mais un poil devant ramené au nombre d’habitant. Ces deux dernières semaines, on m’aura donc davantage vu à l’arrière des berlines d’emprunt que sur les banquettes d’un métro pourtant excellent, à bord de véhicules aussi divers qu’une Clio 2 hors d’âge, une Fiat Argo, la nouvelle Citroën C3 ou encore un Hyundai Creta.

Une fois installé, il n’est pas rare que j’entame avec l’automédon occasionnel un "bate-papo" -autrement dit un bavardage- histoire de pratiquer mon portugais autant que de m’offrir mon propre podcast de tranches de vie locale en live. Parce que le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on trouve derrière les volants en location de très courte durée une multiplicité de profils, allant du jeune habitant de favela à l’ex-cadre commercial en quête d’un nouveau job, en passant par l’étudiant en médecine ou la mère de famille active. Avec une mention spéciale cette année pour Francisco, qui m’a raconté comment l’opossum orphelin rapporté tout petit chez lui par son chien était devenu son animal de compagnie. Mike -c’est le nom du bestiau- vit donc la belle vie, se fichant sans doute pas mal de savoir qu’Uber fête ses 10 ans de présence au Brésil. L’ "aplicativo" a en effet démarré peu avant la Coupe du Monde de Football 2014, et revendique sur la période plus de 120 millions de passagers et 2 millions de chauffeurs, ayant contribué à sa façon à changer la vie d’un grand nombre de Brésiliens.

Il me faut pour autant reconnaître un biais méthodologique à cette mini-étude sociologique perso, puisque j’ai dernièrement eu tendance à privilégier Uber Black, offrant pour un supplément de tarif généralement raisonnable de bien meilleures voitures. N’imaginez pourtant pas le luxe d’une Mercedes dans un pays où les importées sont durement taxées, les "nationales" y représentant 85% des ventes de voitures neuves. Mais les Honda Civic ou Toyota Corolla en carrosserie tricorps constituant le haut du panier de la catégorie sont généralement plus propres, en meilleur état, et bien évidemment plus sûre. A ces "sedan" inexistants dans nos contrées s’ajutent d’inévitables SUV, y compris la déclinaison locale du Renault Captur dont j’ai goûté à deux reprises l’espace aux genoux à l’arrière, supérieur à celui de la version européenne puisque reposant sur une plateforme d’origine Logan et bénéficiant donc d’un empattement allongé. Mais bien que lui aussi qualifiable en "black", le modèle dont je m’apprête à vous parler est beaucoup plus court avec ses 4,01 mètres, et surtout d’un tout autre genre.

Le parcours du "Praia Botagogo Shopping" au "Momo Gelateria", glacier situé au rez-de-chaussée du célèbre Copacabana Palace, ne dure pas 10 minutes. Mais ce temps-là s’est avéré suffisant pour connaître les raisons ayant poussé Marcos Antônio à choisir une BYD Dolphin pour trimballer ses clients, qu’il me résuma en une formule plutôt bien tournée : "J’ai échangé une auto pas chère mais coûteuse à l’usage contre une voiture chère mais super économique au quotidien". Après cinq mois d’utilisation, celui-ci se félicite d’avoir opté pour une électrique, dont les 350 km d’autonomie en ville -pour "jusqu’à 400 km" annoncés par le constructeur- suffisent à une utilisation qu’il qualifie lui-même de "modérée", mais qui seraient sans doute un peu justes pour certains de ses collègues plus assidus au volant. Grâce au chargeur domestique livré d’office avec la Dolphin, notre homme recharge la nuit à bas coût, envisageant même l’installation d’un panneau solaire pour réduire encore les frais. Avant que je n’aille déguster mon cornet mangue-vanille, il m’avouera néanmoins avoir déjà ressenti les symptômes de la "range anxiety" le jour ou l’indicateur de charge indiqua 0% peu avant d’arriver chez lui, et n’avoir jamais effectué de voyage longue distance.

A en croire la liste des véhicules que j’ai croisés lors d’un récent périple de 471 km, il peut néanmoins l’envisager, même si j’ignore évidemment quels étaient les points de départ et d’arrivée des 5 BYD (dont deux Dolphin, une Seal et deux Yuan Plus), GWM Haval H6 et Nissan Leaf qui circulaient alors sur la BR116 joignant Rio à São Paulo. Sachant que le dénivelé de 760 mètres entre les deux capitales facture un lourd tribut à la charge des batteries, particulièrement sur le premier tiers du parcours où s’effectue l’essentiel de la mise à niveau, dans la très belle "Serra das Araras" (traduisible par "Cordillère des Aras", même si je n’ai jamais aperçu sur l’autoroute ne serait-ce que la queue d’un de ces très beaux perroquets). Après avoir consommé bon nombre de ses électrons dans l’abrupte montée, les quelques VEBistes s’y étant risqués se mettent alors en quête du GRAAL, du nom du réseau d’énormes stations-service proposant désormais la charge rapide au voyageur électrifié.

Par rapport à mon dernier séjour sous les tropiques, les modèles à batterie sont devenus véritablement visibles même si l’intérêt particulier que je leur porte, alimenté par deux ou trois biais cognitifs (dont celui de confirmation) font sans doute que j’ai tendance à ne pas en louper un. Il n’en reste pas moins que ceux-ci ont représenté 2,5% des ventes de véhicules légers neufs en 2024, contre moins d’un pourcent l’année précédente, et qu’ils sont désormais pas loin de 400.000 à sillonner le réseau routier brésilien, soit 0,8 à 0,9% de la flotte circulante. Ce qui nous fait une voiture sur 110 à 125, et probablement plus dans les zones où j’ai précisément l’occasion de circuler. A bien y réfléchir, j’ai sans doute laissé passer la plupart d’entre eux…

Côté constructeurs, c’est BYD qui mène la charge des électriques au Brésil avec 71% des 61.600 unités vendues en 2024 dans le pays. Celui-ci représente donc désormais le deuxième marché de la marque, même si l’on rappellera que cette dernière n’a guère exporté que 12% de sa production sur la période. Suivent à distance le Groupe Great Wall Motors et Volvo qui sauve l’honneur des européens avec la belle performance de son EX30, vendu à 2.748 exemplaires. Ne profitant guère de son antériorité bien qu’elle fut la première marque chinoise véritablement établie dans le pays il y a bientôt 15 ans, JAC échoue au pied du podium, alors que Renault a écoulé un bon millier de Kwid E-Tech, dénomination locale de la Spring développée sur la base de son équivalent thermique, constituant l’entrée de gamme locale du constructeur au losange. Restent des miettes pour les Ford E-Transit, Peugeot e-2008 et BMW iX1 représentant chacun un peu plus de 300 unités.

Mais les importées à batteries seront sans doute amenées à produire moins d’étincelles cette année, dans un pays qui n’a pas grand intérêt à encourager l’électrification, préférant promouvoir le carburant alcool sous la pression de l’industrie sucrière. En fonction des variations du cours mondial, cette dernière choisit en effet entre exporter la poudre cristalline blanche ou alimenter les pompes nationales de carburant, puisqu’il suffit d’accroitre la proportion d’éthanol dans l’essence pour en augmenter les quantités vendues, mécanisme garantissant les conditions d’un busines-model sans risque et jamais perdant. Si on y ajoute la pression de constructeurs locaux pas vraiment enchantés par cette nouvelle concurrence, on ne s’étonnera guère de la réaction des autorités à l’arrivée soudaine des voitures produites en Chine, par l’augmentation en plusieurs étapes de tarifs douaniers, de 10% en janvier 2024 à 35% en Juillet 2026.

Une mesure qui n’empêchera ni les dirigeants locaux de BYD ni ceux de GWM de dormir, dont les usines auront d’ici-là initié leur production. Il s’agit dans les deux cas de "Brownfield", puisque le premier reprend les installations abandonnées par Ford à Camaçari dans l’Etat de Bahia, avec une capacité de 150.000 voitures par an extensible à 300.000, alors que les hommes de la Grande Muraille motorisée ont jeté leur dévolu sur l’ancienne usine Mercedes de Juiz de Fora, se contentant d’une perspective de 100.000 unités à l’année. Nul doute pourtant que toutes ces autos quand elles verront le jour seront essentiellement des hybrides, non seulement parce que le marché n’est sans doute pas près d’absorber autant de voitures 100% électriques, mais aussi parce que sans production locale de batterie, elle n’atteindront jamais les 60% d’intégration locale requis.

Quoiqu’il en soit, à chacun son rêve brésilien électrifié, qu’il s’agisse de Marcos Antônio et sa Dolphin ou de nouveaux constructeurs en quête de parts de marché…

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