28/09/2020 - #Volkswagen Vp
Brésil : l'indemnisation de VW, un espoir pour les victimes de la dictature
Par AFP
(AFP) - L'accord inédit signé par le constructeur automobile allemand Volkswagen pour indemniser des familles d'ex-ouvriers torturés ou assassinés durant la dictature militaire au Brésil pourrait inciter d'autres grands groupes industriels à faire de même et reconnaître leur coopération avec l'appareil répressif des années de plomb.
De quoi ouvrir une nouvelle ère dans un pays où les exactions du régime militaire (1964-1985) restent impunies en raison d'une loi d'amnistie de 1979 qui garantit l'immunité aux responsables de centaines d'assassinats et de milliers de cas de torture et d'enlèvements d'opposants jugés "subversifs".
L'annonce mercredi de l'accord de 36 millions de réais (5,5 millions d'euros) de compensations signé par Volkswagen avec le parquet fédéral est un vrai tournant au Brésil de Jair Bolsonaro, président d'extrême droite nostalgique de ce régime.
Les anciens employés et leurs familles réclamaient des indemnisations depuis cinq ans au constructeur allemand, faisant valoir que son service de sécurité au Brésil avait collaboré avec les militaires pour identifier de possibles suspects, qui par la suite ont été arrêtés et torturés.
Une collaboration confirmée par un rapport indépendant commandé par l'entreprise en 2016.
"Mea culpa historique"
"Volkswagen n'est pas la seule entreprise impliquée dans la persécution de ses employées. Il faudrait enquêter sur beaucoup d'autres entreprises, brésiliennes et multinationales", déclare à l'AFP Prudente Mello, avocat et ex-membre de la Commission de l'Amnistie du Brésil, en charge des réparations à l'égard les victimes du régime militaire.
Selon un rapport de 2014 de la Commission de la Vérité, organe public créé pour enquêter sur les crimes de la dictature, plus de 120 entreprises, dont de nombreuses multinationales comme Johnson & Johnson, Pfizer, Esso, Texaco ou Pirelli, ont été impliquées dans les exactions du régime.
De nombreuses personnalités au Brésil ont salué l'accord d'indemnisation signé par Volkswagen, espérant que d'autres seront annoncés à l'avenir.
"À chaque fois qu'on vous dit qu'il est impossible que quiconque soit tenu responsable des crimes de la dictature, souvenez-vous de ça", a réagi sur Twitter la députée de gauche Fernanda Melchionna.
"Est-ce que d'autres entreprises vont aussi faire leur mea culpa ? Ce serait historique", a renchéri l'écrivain et journaliste Xico Sa.
Les procureurs du dossier Volkswagen ont rappelé dans un communiqué que l'accord était "sans précédent dans l'histoire du Brésil, et d'une grande importance pour la promotion de la justice dans le monde".
"C'est impossible de tourner ces pages ignobles de notre histoire sans révéler totalement la vérité, indemniser les victimes et responsabiliser les auteurs de ces graves violations des droits de l'Homme. Malheureusement, le Brésil a encore beaucoup de chemin à faire", ont-ils ajouté.
A contre-courant de Bolsonaro
Selon la Commission de la Vérité, le régime militaire brésilien est responsable de la mort ou de la disparition d'au moins 434 personnes. Quelques 20.000 personnes ont également été torturées.
D'autres régimes militaires de la même époque ont été plus meurtriers, comme au Chili (3.200 morts), ou en Argentine (30.000 selon des groupes de défense des droits de l'Homme).
Mais les chiffres du Brésil n'incluent pas les centaines de personnes tuées lors de conflits ruraux, y compris de nombreux indigènes, alors que le régime militaire avait mis en place une politique d'expansion des frontières agricoles en Amazonie.
Arrivé au pouvoir en janvier 2019, le président Bolsonaro n'a cessé de faire l'apologie de cette dictature. En 2016, il disait déjà que sa seule erreur était d'avoir torturé et non tué les opposants.
Ex-capitaine de l'armée, il a qualifié à plusieurs reprises de "héros national" le colonel Carlos Alberto Brilhante Ustra, tortionnaire notoire auquel la Commission de la Vérité attribue plus de 70 morts ou disparitions.
C'est pourquoi l'accord signé par Volkswagen "a un poids particulier dans une période comme la nôtre, où on observe un retour en arrière dans la démocratisation de notre pays", conclut Prudente Mello.