17/08/2022 - #Dodge , #Ford , #Chevrolet , #Ram , #Gmc
Style Pompier
Par Jean-Philippe Thery
Aujourd’hui, c’est une chronique avec gyrophare sur le toit que je vous propose. Et toutes sirènes hurlantes…
Après très mûre réflexion, j’ai fini par opter pour la Range-Rover de chez Burago.
Il faut dire que pour un môme de sept ou huit ans, il n’est guère facile d’effectuer un choix parmi toutes les options disponibles dans un magasin de jouet. Sans doute parce que c’était la veille de mon anniversaire, ma chère maman fit preuve ce jour-là d’une patience inhabituelle, feignant néanmoins d’ignorer ce que mon indécision comportait de stratégie et que j’espérai visiblement que de guerre lasse, elle finirait probablement par me délivrer des affres de l’incertitude en posant devant la caisse enregistreuse les deux derniers modèles en lice.
Je me vis néanmoins rappeler ce jour-là que tout choix comporte un renoncement et qu’il vaut mieux se décider à temps si on ne veut pas finir par tout perdre. Les parties ouvrantes de la miniature sur laquelle je jetais alors mon dévolu ne furent sans doute pas étrangères à la décision finale, principalement le hayon en deux parties promettant des heures de diversion puisque donnant accès à un espace de chargement ne demandant qu’à recevoir des tas de trucs, comme les accessoires en plastique des Playmobil reçus à l’occasion de commémorations plus anciennes. A moins que je n’intellectualise les critères d’achat des clients en culottes courtes alors que dans le fond, j’ai surtout choisi la reproduction du célèbre 4x4 britannique parce qu’’il était rouge et qu’il avait un gyrophare.
J’ignore ce qu’il en est aujourd’hui, mais à "mon époque" (boomer alert !) le style pompier était à la mode chez les gamins de mon âge, la profession de soldat du feu constituant la réponse la plus académique à la question-poncif de ce que nous souhaitions faire plus tard. A l’instar de ce que pratiquaient avec leur monumentales sculptures les Bartholdi, Frémiet ou autre représentants de l’art du même nom en vogue au milieu du XIXe siècle, nous placions les héros que constituaient à nos yeux les combattants des flammes sur un véritable piédestal. Un statut dont l’actualité nous rappelle qu’il n’est point usurpé pour des guerriers qui n’ont rien de statues, et dont le courage n’a été récemment que trop sollicité. En rappelant au passage que si personne ne les empêche de monter au front de nos forêts, ces hommes n’ont pas toujours droit de cité lorsqu’ils se font caillasser au prétexte imbécile qu’ils représentent l’autorité publique.
Mais revenons plutôt à la petite grande-échelle, celle de mon auto rouge au 1/24e, dont le souvenir m’a été récemment ravivé par un petit coin de Bavière, ou plutôt un coin de la "petite Bavière" américaine. Située dans le comté de Saginaw au nord du Michigan et fondée par des immigrants authentiquement allemands, la ville de Frankenmuth compte environ 5.000 habitants et plus de visiteurs encore à la saison touristique, attirés par une architecture ainsi que des boutiques et restaurants cultivant abondamment le cliché Germain. Mais comme on y est tout de même chez l’oncle Sam, on y trouve aussi des attractions comme la "Bavarian Belle", superbe embarcation de style mississipien à bord de laquelle Madame Thery insista pour que nous effectuions une ballade d’une heure. Et si je me suis fait un peu prier, bien m’a pris d’accepter.
C’est au détour d’un coude de la rivière Cass qu’ils me sont soudainement apparus, stationnés par dizaines sur la berge gazonnée, profitant pour certains de la proximité du cours d’eau pour actionner joyeusement des lances à incendies sans doute rarement sollicitées. Le gars Google aussitôt actionné m’informa que grâce à Madame, j’étais tombé fortuitement sur l’édition 2022 de l’"Antique Fire Muster Frankenmuth", rassemblement de véhicules d’incendie organisé dans l’enceinte d’Heritage Park, sur lequel je demandai à ce que nous mettions le cap aussitôt débarqués. Quelques dizaines de commerces plus tard, ma requête fut accordée, me permettant de découvrir de près des engins pour la plupart rouges comme il se doit, estampillés Crosley, Dodge, Ford, GMC, International, Mack, Pierce Arrow, Seagrave, ou encore Studebaker.
Sans oublier bien sûr une marque dont le logo chromé fait vibrer de concert la fibre patriotique des nos amis d’outre-Atlantique comme celle des compatriotes de Lafayette, autrement dit "American LaFrance". Constituée en société dès 1903 à Elmira dans l’Etat de New York, ALF voit néanmoins ses origines remonter à 1832, puisqu’elle est issue de la fusion (forcément) de plusieurs compagnies pionnières dans la production d’équipements de lutte contre les incendies. Devant son nom à l’un de ses fondateurs, Truxton Slocum LaFrance, celle-ci livra en 1907 son premier camion mû par un moteur à combustion -heureusement- interne, lequel inaugura une longue lignée de véhicules qui devaient peupler les casernes de tout le pays. Rachetée en 1995 par Freightliner -filiale de Mercedes- American LaFrance était encore en 2005 le cinquième fabriquant local de véhicules d’urgence, mais dû malheureusement mettre la clef sous la porte en 2014, malgré une usine et un siège social flambant neufs (désolé) construit 7 ans auparavant.
Vous n’êtes pas sans savoir que chez nos cousins d’Amérique (y compris les voisins canadiens venus en nombre), le style pompier est beau comme un camion, et qu’on le cultive avec un art inconnu chez nous. Et comme dans le Nouveau Monde, on est particulièrement sympa et abordable, j’ai pu, avec la bénédiction de leur propriétaire, m’assoir au volant ou grimper sur le marchepieds de ces machines rutilantes, sur lesquelles je n’ai pu trouver un seul tag "please don’t touch". Arrivé sur le tard, alors que les participants venus de loin pliaient déjà bagage, il m’a certes fallu courir un peu entre les différents véhicules, mais j’en ai aussi profité pour réaliser ce dont beaucoup d’entre vous rêvaient quand ils étaient mômes : Monter à bord de l’un d’entre eux, sur un des sièges situés à l’extérieur, pour un court trajet réalisé sirènes tonitruantes et toutes lumières clignotantes. You can hate me if you want.
Dans la famille des gyrophares, on ne trouve cependant pas que les combattants du feu. Vous avez demandé la Police ? ne quittez pas et meet Ross. Véritable ex-flic, Ross est tel que vous pouvez l’imaginer avec une paire de Ray-Ban Aviator à la monture dorée, sa moustache soigneusement taillée et une casquette vissée sur la tête témoignant d’un passé également militaire. La passion de Ross, ce sont les 6 voitures de police qu’il fait régulièrement rouler à l’occasion d’évènements comme celui de Frankenmuth, et qu’il a parfois sauvées d’un sort funeste, comme la Ford LTD Crown Victoria 1991 récupérée juste avant qu’elle ne subisse les affres du broyeur. Une auto en parfait état de marche malgré une vie particulièrement active, puisqu’ayant servi de véhicule d’instruction à de jeunes recrues de la Police après plusieurs années à patrouiller dans les rues d’une ville du Texas, et qui vient de participer au tournage d’un film d’épouvante qu’on verra sur les écrans en 2023.
A ses côtés se laissait admirer une Dodge Diplomat 1987, superbe dans sa livrée bleue Marine/intérieur beige, ainsi qu’une Chevrolet Caprice "9C1" (Spec Police), équipée du V8 LT1 350 optionnel de 5,7 L issu de la Corvette, mais détaré à "seulement" 264 chevaux afin de pouvoir ingérer de l’essence ordinaire. Avec son look à l’aérodynamique très 90’s, la Caprice quatrième du nom tranchait nettement avec les caisses carrées de la Dodge et de la Ford, il est vrai lancées respectivement en 77 et 79.
Mais qu’importent les différences générationnelles, puisque ces trois modèles nous ramènent aux séries de leur époque respective, auxquelles on préférait évidemment assister plutôt que de réviser nos cours de math. Et comme Ross cultive une vraie cool attitude à l’américaine, il m’a non seulement autorisé, mais incité à monter à bord de ses autos, actionnant les gyrophares et me prêtant le couvre-chef trônant sur la planche de la Diplomat, histoire d’achever de me mettre dans l’ambiance. Pour faire appel à une référence récente, je me serais volontiers cru dans une scène de Stranger Things, si Jim Hopper -le Sheriff de Hawkins- ne roulait en Chevrolet Blazer. You can hate me if you want 2.
Autant vous dire qu’avec tous ces véhicules équipés de rampes lumineuses, je me suis retrouvé plongé non seulement en plein décors télévisuel vintage, mais aussi dans le magasin dans lequel il y a quelques décennies, j’avais choisi ma Range-Rover miniature. A la différence près que cette fois-ci, les jouets étaient grandeur nature, et que je suis reparti avec photos et vidéos et non pas l’un d’entre eux. Voilà qui démontre néanmoins que si ma petite auto en métal rouge a depuis longtemps été recyclée, son âme est restée en moi. Ceux qui étaient venus ce jour-là avec l’objet de leur passion savent d’ailleurs bien que lorsqu’on ne les leur présente pas comme de vilaines machines polluantes, les voitures sont perçues par la plupart des gosses comme des objets magiques, ce que les adultes qu’ils deviennent ensuite oublient d’autant moins qu’il est question de "cars with a mission".
Tiens ça me rappelle qu’il y a quelques mois à Berlin, j’ai complété ma collection de maquettes en plastoc par la Ford Torino de Starsky & Hutch au 1/25e de chez Revell. La fameuse "tomate rayée" comme la désigna l’acteur Paul-Mickael Glaser quand on la lui présenta pour la première fois, expression qui fut reprise dans un épisode de la célèbre série.
Mais ça, ne le dites surtout pas à Madame Thery : Je ne suis pas sûr qu’elle apprécie le style pompier -ou police- lorsqu’il est mis en boîte…