22/04/2021
Semi-conducteurs : la sécheresse à Taïwan risque d'amplifier la pénurie mondiale
Par AFP
(AFP) - Les réservoirs nichés au pied des montagnes taïwanaises affichent un niveau désespérément bas, quand ils ne sont pas carrément à sec. La faute à la sécheresse qui, en plus de plomber les agriculteurs, risque d'aggraver la pénurie mondiale de semi-conducteurs.
Taïwan compte sur son sol certaines des fonderies - usines spécialisées dans les matériaux semi-conducteurs - les plus performantes au monde. Elle joue un rôle clé dans un secteur crucial pour le développement de toutes les économies du monde, qui pèse 450 milliards de dollars. Mais ce que l'on sait moins, c'est que la filière est aussi très gourmande en eau.
La fabrication de semi-conducteurs consomme énormément d'eau pour le nettoyage des puces notamment. En 2019, les usines de Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), le plus gros fabricant de semi-conducteurs mondial, ont englouti à elle seules 156.000 tonnes d'eau par jour, soit l'équivalent de 60 piscines olympiques.
Le groupe, qui a fait venir par camion de l'eau dans certaines unités de production, relativise l'impact de la sécheresse : "TSMC a toujours des plans de secours en cas de restrictions d'eau. Ce qui fait qu'il n'y a pas pour l'heure d'impact sur la production", selon un communiqué.
Taïwan est un des endroits les plus humides au monde, avec une moyenne de 2.600 millimètres de précipitations par an. L'île est en temps normal balayée à la saison des pluies par des typhons qui contribuent à remplir les réservoirs. Or, pour la première fois en 56 ans, aucun typhon n'a frappé Taïwan en 2020. Et sur les trois premiers mois de l'année, les précipitations sont inférieures à 40% de la moyenne.
Le gouvernement vient d'imposer des restrictions à plus d'un million de foyers et d'entreprises du centre de l'île. De nombreux agriculteurs n'ont plus le droit d'irriguer.
Les trois plus grands technopôles, qui abritent les principaux groupes technologiques du pays, ont reçu la consigne de baisser de 15% leur consommation d'eau.
"Cela génère de l'angoisse dans les usines de semi-conducteurs au moment où elles doivent honorer des commandes en hausse", observe Iris Pang, spécialiste de l'économie taïwanaise chez ING.
Selon elle, la pénurie de puces risque de durer jusque 2022, voire 2023.
"La demande va augmenter avec la reprise mondiale mais la création de nouvelles unités de production prend du temps". TSMC affirme prévoir un investissement dans de nouvelles lignes de production de 100 milliards de dollars ces trois prochaines années, dont un projet d'usines en Arizona pour diversifier l'origine de sa production.
Alan Patterson, expert au magazine spécialisé EE Times, pense que ce n'est pas le manque d'eau qui risque d'impacter à ce stade les fabricants mais "l'excès de commandes".
"Compte tenu de l'urgence, certaines entreprises peuvent être tentées de commander davantage de puces qu'elles n'en ont réellement besoin", dit-il à l'AFP.
Mais plus la sécheresse se prolongera, plus le secteur risquera d'être pénalisé. Et certains à Taïwan demandent la création de réservoirs pour stocker davantage d'eau et anticiper un risque récurrent du fait du réchauffement climatique.
La pénurie de puces a eu pour conséquence d'alerter sur les risques liés à la concentration de la production mondiale, essentiellement à Taïwan et en Corée du Sud.