27/04/2023 - #Renault , #Peugeot
Parole d’EV-angile
Par Jean-Philippe Thery
Aujourd’hui, je vous parle de gens qui prêchent pour leur paroisse, que celle-ci soit du genre branché, ou qu’elle s’allume encore à la bougie.
Un peu partout dans le monde, on assiste à une diminution du sentiment religieux.
Du moins dans les pays où l’on s’exprime librement comme la France, où selon les dernières études en date sur le sujet, le nombre de nos compatriotes déclarant croire en Dieu ne représente plus que la moitié de la population, alors que deux tiers d’entre eux faisaient encore confiance au tout puissant en 1947. Une tendance qui affecte jusqu’au Brésil, première nation catholique au monde, où les “grâce à Dieu“, “si Dieu le veut“ ou “pour l’amour de Dieu“ ne font pourtant jamais défaut dans les conversations. Certes, les 14% de Brésiliens confessant n’appartenir à aucune religion y sont encore minoritaires, mais ils n’étaient que 8% en 2014, et représentent désormais un quart des jeunes de 16 à 24 ans.
Et c’est pareil dans l’automobile, où les guerres de chapelle ont fait long feu. Parce que si jusqu’aux années 70, on “était“ Citroën, Peugeot, Renault ou Simca, le temps est désormais révolu où chacun défendait avec acharnement les mérites de sa marque favorite, autour de ces comptoirs où les discussions vont bon train. A tel point que de nos jours, même les propriétaires de modèles doublement chevronnés n’hésitent pas à aller voir ailleurs au moment de renouveler, ce qui montre bien à quel point les choses ont changé. Ou pas, puisque cette accumulation de cliché (parfaitement assumée par son auteur) ne saurait faire oublier l’apparition récente de ce qui semble réunir toutes les caractéristiques d’un nouveau dogme.
D’ailleurs, pardonnez-moi mes pairs, parce que j’ai péché !
Mais l’impie que je suis ne l’aurait jamais su sans la sérieuse admonestation que m’a récemment valu un post publié sur un réseau social où j’ai mes habitudes. Alors que je croyais y promouvoir en toute innocence une de mes historiettes du jeudi, je me suis en effet vu reprocher de m’être livré dans les lignes de “Monsieur Plus n’est plus“ à un véritable panégyrique des mécaniques à 12 cylindres, pour reprendre le terme à la fois exact et très religieux de mon censeur de service. Or selon ce dernier, la promotion de mécaniques dotées de chambres de combustions, lesquelles semblent constituer autant de succursales de l’enfer puisqu’émettrices de "gaz mortels", constitue un acte de la plus grande gravité, comparable au remplissage d’“une baignoire de cocaïne“.
Rien que ça ! Mais que mes lecteurs se rassurent, puisque les seules poudres blanches et légères qu’on trouve chez moi sont à destination culinaire, quand elles n’alimentent pas le compartiment numéro deux du tiroir de mon lave-linge. Et si on ne peut que regretter que tous les amateurs d’Electric Vehicles ne fassent pas preuve d’une telle imagination, on pourra tout de même s’étonner de pareille véhémence. Parce que si cet épisode m’a plutôt fait sourire, il ne nous rappelle pas moins que pour certains de ses disciples, on entre en EV comme on entre en religion.
Et ce ne sont pas les pratiques en ligne de ces fondamentalistes qui diront le contraire. A commencer par la repentance pour ceux d’entre eux qui avouent honteusement un passé de dépendance aux énergies carbonées, dont je me demande des Chademo ou CCS, quelle norme de câble ils privilégient pour la pratique de l’autoflagellation. C’est néanmoins la culpabilisation qui a leur préférence, à l’égard des automobilistes apocryphes qui n’ayant pas encore adopté leurs vues suscitent leur condescendance, parce qu’ils osent hydro-carburer à cet or noir dont la couleur originelle ne laisse aucun doute quant à son origine diabolique.
Mais nos apôtres en sont convaincus, le temps viendra où les pécheurs motorisés devront expier cette abomination dans l’attente imposée aux bornes de chargement, qu’ils devront mettre à profit pour psalmodier les vers de nouvelles écritures saintes respectueuses de l’environnement, qu’il s’agisse d’un genre de Coran alternatif, ou d’une Bible nouvelle à réciter en continu.
Mais comme disait ma grand-mère, “on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre“, et nos mœurs ayant quelque peu évolué depuis l’époque où les hérétiques se consumaient sur des grilles pas mêmes électriques, les acheteurs de voitures neuves auront encore le choix de leur énergie jusqu’en 2035. C’est pourquoi je ne saurais trop conseiller aux ecclésiastiques prosélytistes de mettre un peu d’eau dans leur vin de messe comme d’introduire dans leur discours un peu de cette douceur qu’ils attribuent aux mobilités non motorisées.
Ce d’autant plus qu’avec 15% d’acheteurs de voitures neuves optant désormais pour un véhicule à batterie en Europe, le réservoir des adopteurs précoces -qui contemplent les défauts de leur acquisition comme autant de caractéristiques- est en train de se tarir, et que ceux qu’il faut maintenant inciter à se mettre au courant seront probablement de plus en plus difficiles à convaincre.
Il faut dire que les consommateurs en question n’ont pas vraiment demandé à rouler en électrique. Ce serait même plutôt l’inverse si l’on consulte l’histoire des pionniers de la mobilité individuelle motorisée, lesquels ont fini par privilégier l’“essence de pétrole“ à la vapeur et à l’électricité, alors que ces trois énergies se partageaient équitablement le parc automobile naissant.
L’efficacité supérieure du moteur électrique comparé à son alter-ego thermique n’y a en effet pas suffi, puisque c’est l’ensemble de la chaîne de traction dont il faut tenir compte. C’est donc au final le rapport entre la masse d’énergie emportée et celle restituée qui a prévalu, et non comme on le lit régulièrement un lobby pétrolier alors à peine constitué.
Evidemment, les voitures électriques ont sérieusement progressé depuis l’époque des batteries au plomb pas même scellées, dont les émanations n’avaient rien à envier à celles des tubes primitifs qui servaient alors d’échappement. Mais il n’en reste pas moins que si elles disposent d’avantages qui leur sont propres, celles-ci présentent aussi des limitations d’usage dont ses promoteurs feraient bien de tenir compte s’ils veulent véritablement convaincre leurs frères automobilistes de se convertir.
Parce qu’on ne pourra tout de même pas expliquer éternellement aux acheteurs potentiels de VE que “si je peux le faire, tu dois le faire“, pas plus qu’on ne les convaincra à coups de moyennes arithmétiques, lesquelles ignorent par nature qu’une voiture se choisit en fonction de son usage maximal, même si l’autonomie d’un VE suffit largement à garantir les navettages du quotidien.
Au fond, je me demande si l’automobile électrique n’a pas trouvé chez certains de ceux qui prétendent la promouvoir ses ennemis les plus farouches, quand bien même ce serait à leur corps défendant. Il suffit pour s’en convaincre, d’observer les congrégations anti-VE que leur attitude intransigeante contribue à faire prospérer, dont les membres recourent pour fustiger l’objet de leur réprobation à des arguments qui ne valent guère mieux que ceux de leurs opposants.
On les voit par exemple se préoccuper du travail infantile régnant dans certaines mines de cobalt que les constructeurs évitent pourtant soigneusement, faisant montre d’une noblesse de cœur de circonstance, puisqu’ils n’y avaient jamais songé tant que l’automobile n’était pas concernée. Et comme les extrémistes d’en face, ils connaissent mieux que vous et moi le bilan écologique global de la voiture électrique comparée à son homologue thermique, même s’ils en tirent des conclusions diamétralement opposées.
Alors laissons de côté les intolérants de tout poil et puisque nous n’aurons bientôt plus le choix, gageons que d’ici à 2035, la voiture électrique gagnera un nombre croissant d’utilisateurs que les discours moralisateurs n’auront pas dissuadé de se laisser séduire.
Si Dieu le veut, évidemment.