08/09/2021 - #Tesla , #Aiways , #Baic , #Byd , #Byton , #Geely , #Mg , #Nio , #Polestar , #Saic , #Stellantis
Le dérèglement climatique est le meilleur allié de la conquête chinoise
Par Jean Patrick Teyssaire
Dans le cadre d'un partenariat avec l'événement #ELECTRICROAD 2021, nous publions une série de points de vue écrit par l'organisateur Jean-Patrick Teyssaire, Président d’Honneur de l’événement, qui décline ainsi les thèmes qui y seront abordés.
À toute chose malheur est bon : alors que le dérèglement climatique sème la panique sur le vieux continent, en suscitant tous les jours des annonces de plus en plus cauchemardesques, il représente une aubaine de taille planétaire pour l’empire du milieu.
Alors que l’Europe, plutôt bon élève en terme d’émissions de gaz à effet de serre, décrète précipitamment la fin de la voiture thermique en 2035, les Etats-Unis (qui émettent le double de GES) et l’Inde (qui émet la même quantité que l’Europe) ne se précipitent pas sur la même voie vertueuse.
Mais la Chine, qui émet quatre fois plus de gaz à effet de serre que l’Europe, avait inscrit dans ses cartons depuis longtemps cette fin de la voiture thermique qu’elle a déjà annoncée pour 2030. Posture gagnante-gagnante : la Chine abandonne les technologies thermiques sur lesquelles elle n’a jamais fait d’étincelles au profit de cette nouvelle propulsion survoltée dont elle maîtrise et possède à peu près tous les rouages. Elle se pare de plus d’une aura verte de défenseur de l’environnement, prenant un tour d’avance sur ses grands rivaux de la pollution : les Etats-Unis, l’Inde, et dans une moindre partie, la Russie.
En effet, "l’usine du monde" fournit depuis une dizaine d’années de plus en plus d’ingrédients aux constructeurs européens qui ont longtemps tâtonné en vue de cette transition annoncée : des semi-conducteurs aux moteurs électriques, en passant par les « métaux stratégiques » et la si fondamentale batterie sous toutes ses coutures. Aujourd’hui, aucune filière technologique en naissance ou en devenir n’échappe à la Chine : à l’instar de la conquête du photovoltaïque, ce sera celle de la batterie à électrolyte solide, de l’hydrogène, et même dernièrement du marché des bornes de recharge.
Alors à Pékin le calcul a été vite fait pour s’apercevoir que la plus-value des produits finis était bien plus juteuse que la vente de composants en CKD (Complete Knock Down). C’est une véritable autoroute électrique qui s’ouvre devant elle pour devenir elle-même le plus gros constructeur mondial d’automobiles de nouvelle génération. La Chine occupe ce trône depuis 2015 avec une croissance annuelle de 100% pour parvenir en 2021 à inscrire 5 de ses 150 constructeurs (biberonnés par les provinces chinoises) dans le top 10 des constructeurs mondiaux.
Bien entendu devenir le premier marché intérieur du monde ne suffit pas à cet appétit vorace : l’objectif clairement annoncé est le marché mondial, à commencer par l’Europe, devenu le leader des ventes de véhicules électrifié avec 42 % de croissance dans les six premiers mois de l’année 2020, score alléchant car en pleine crise du Covid. Alors que depuis des années aucun véhicule chinois ne pouvait franchir la barrière impitoyable de l’homologation européenne surtout pour cause de pollution, la fée électricité est venu brusquement résoudre ce blocage d’un coup de baguette magique et a entraîné des progrès spectaculaires à tous les niveaux technologiques qui ont ouvert les vannes de la vieille Europe.
Aujourd’hui, les VE Zeekr001 de GEELY, Han de BYD, M-BYTE de BYTON, POLESTAR de GEELY, ES8 de NIO, MG ZS EV de SAIC MOTOR, U5 de AIWAYS, s’apprêtent à caracoler sur les routes européennes et n’ont plus rien à envier aux véhicules made in Europe ou made in US, même pas à la star jusqu’alors intouchable Tesla.
Évidemment, et selon un plan stratégique bien établi, une fois bien occupé le haut-de-gamme, les constructeurs chinois s’apprêtent à utiliser à fond la spécialité chinoise : l’optimisation et le rabotage des coûts de toutes sortes pour pouvoir déverser sur l’Europe de nouveaux véhicules d’entrée de gamme qui feront très certainement la loi.
La panoplie des aides gouvernementales européennes, dans la droite ligne de la logique climatique occidentale, font du marché européen un véritable pays de cocagne pour les constructeurs chinois qui commencent à profiter des avantages et des primes consentis pour vendre leurs propres véhicules.
Pendant que les occidentaux continuaient à construire comme si de rien n’était des SUV de plus en plus gros et de plus en plus noirs, la finesse et l’intelligence des stratèges chinois avait vu venir le jackpot depuis bien longtemps.
C’est pourquoi les entreprises privées et publiques chinoises ont depuis plusieurs années inscrit dans leur viseur l’investissement pur et simple dans les constructeurs européens : fusion entre Volvo et Geely, prise de 5% du capital de Mercedes par le groupe étatique chinois BAIC puis de 9% par Geely, participation de DONG FENG de 33 % dans PSA et 5,6% dans Stellantis, mais aussi chez les équipementiers européens dont l’historique compagnie italienne Pirelli, fondée en 1872.
C’est ainsi que la lutte contre le dérèglement climatique, qui fait partie des plus sombres préoccupations de l’Europe (et bientôt du monde), représente un rouleau compresseur providentiel pour la Chine qui risque de tout écraser sur son passage y compris nos industries centenaires.
Où est le tendon d’Achille ? Comment atténuer ce tsunami ?
Le congrès Electric Road, qui se déroule chaque année depuis six ans, a pour ambition de réunir les meilleurs industriels et les meilleurs experts pour réfléchir et proposer des outils de décision sur l’ensemble des enjeux et des défis que représente la formidable mutation que nous imposent les dangers climatiques.
La sixième édition du congrès Electric-Road se déroulera au parc des expositions de bordeaux du 18 au 20 octobre prochain. www.electric-road.com
Jean Patrick Teyssaire, président ER21