14/03/2025
La réindustrialisation en France en perte de vitesse sur fond de réarmement européen
Par AFP

(AFP) - Une dynamique en perte de vitesse : la réindustrialisation de la France a nettement ralenti en 2024, alors que le gouvernement se mobilise pour l'accélérer sur fond de relance de l'Europe de la défense.
Selon le baromètre industriel de l'Etat dévoilé jeudi, la réindustrialisation a même reculé en termes de créations nettes de nouvelles usines pour la première fois depuis l'apparition en 2022 de cet indicateur.
Emmanuel Macron avait demandé dans son allocution télévisée le 5 mars au gouvernement "d'être mobilisé" pour que le réarmement des pays européens, incité par le rapprochement entre les Etats-Unis et la Russie, "renforce nos armées le plus rapidement possible" et d'autre part "accélère la réindustrialisation dans toutes nos régions".
Le Premier ministre François Bayrou se rend à cet effet jeudi en fin de journée au chevet des usines tricolores, au salon Global Industrie à Lyon, accompagné des ministres du Travail Astrid Panosyan-Bouvet et de l'Industrie Marc Ferracci.
A son arrivée au salon, M. Ferracci a exprimé la volonté du gouvernement d'aider les industriels "en difficulté ou percutés par la transition" à se "diversifier" pour soutenir la "montée en capacité" de l'industrie de défense.
Dans ce tumulte géopolitique, les Etats-Unis de Donald Trump se sont aussi lancés, à coups de droits de douane, dans une guerre commerciale visant notamment à attirer l'investissement industriel outre-Atlantique.
M. Bayrou y défendra pour sa part la "souveraineté industrielle" de la France comme la souveraineté "européenne", avant de visiter vendredi un site TGV d'Alstom à La Rochelle, selon son entourage.
Incertitude
Le chef de l'Etat réunira vendredi les industriels français de la défense, appelés à augmenter leur cadence depuis l'invasion de l'Ukraine en 2022 et qui doivent se préparer à un afflux potentiel de nouvelles commandes.
Le baromètre industriel, élaboré par le ministère de l'Economie, a recensé l'an dernier 114 ouvertures de nouvelles usines en France, alors que 119 usines ont fermé, soit un solde net de -5 usines. Si l'on y ajoute les transformations significatives de sites industriels existants (152 "extensions significatives" et 58 "réductions significatives"), le solde total atteint +89 sites, soit moitié moins (-53%) qu'en 2023.
Parmi les secteurs porteurs en 2024, on trouve l'industrie verte et notamment les secteurs de l'énergie et de l'économie circulaire mais aussi la santé et l'agroalimentaire, selon le cabinet de M. Ferracci.
A l'inverse, sans surprise, l'automobile a souffert, tout comme les secteurs gourmands en énergie que sont la plasturgie et la mécanique.
"La réindustrialisation se poursuit mais connaît un ralentissement", déclare le ministère dans un communiqué.
Le cabinet de M. Ferracci explique ce ralentissement par "une conjoncture qui reste morose en France, mais aussi au niveau européen, voire mondial" et l'instabilité géopolitique, laquelle "génère de l'incertitude" pour les acteurs économiques, susceptible de "ralentir les décisions d'investissement structurantes".
Un coup de frein que confirme un autre baromètre, celui du cabinet Trendeo, pour qui le solde net de créations d'emplois dans l'industrie est resté positif mais a reculé de plus de 60% en 2024, à 31.223 emplois nets, contre 81.637 l'année précédente.
"Cela résulte d'un double mouvement de montée des suppressions d'emplois (+77%, soit 28.000 emplois supprimés en plus) et de baisse des créations (-18%, soit 22.000 créations en moins)", indique cette étude, publiée mardi.
Coût du travail, de l'énergie, fiscalité : Marc Ferracci a évoqué dans l'hebdomadaire Le Point plusieurs pistes de travail pour tenter de préserver la réindustrialisation, comme la mise en place de "clauses d'extinction": "concrètement, on dit que certaines normes réglementaires ne sont valables que trois ans. Si l'administration veut les maintenir, elle doit prouver qu'elles sont vraiment efficaces", a-t-il détaillé.
"D'autres indicateurs des services de l'Etat" prévoient pour 2025 "une poursuite de cette tendance" au ralentissement, indique le baromètre.
Le leader du parti de gauche radicale La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a accusé le gouvernement de "baratin sur la souveraineté" et de "mépris des gens", lors d'une visite à l'usine chimique Vencorex, menacée depuis des mois de liquidation.
Un motif d'espoir, toutefois, sur les investissements étrangers : l'activité industrielle reste "le premier poste de décisions d'investissements" et représente 28% du total, rappelle le ministère.