18/03/2024
L'inquiétude domine au débat public sur une mine de lithium en Auvergne
Par AFP
"C'est un non massif !" Des habitants ont exprimé leur opposition, ou a minima leurs inquiétudes, jeudi soir, lors d'une réunion du débat public sur un ambitieux projet de mine de lithium dans l'Allier.
Dans la salle polyvalente de Gannat, les organisateurs ont dû ajouter des chaises pour accueillir les quelque 220 personnes ayant participé à la rencontre.
Ce débat public, lancé cette semaine, est consacré à l'ouverture d'une mine de lithium à Echassières par le groupe industriel Imerys, qui prévoit de produire de l'hydroxyde de lithium pour 700.000 voitures électriques par an dès 2028.
Le projet vise à extraire le précieux métal sur son site de Beauvoir, où il exploite déjà du kaolin, pour aider l'Europe à limiter sa dépendance vis-à-vis de la Chine, dans un contexte de forte demande pour les voitures électriques équipées de batteries au lithium.
La réunion, à laquelle ont participé des représentants d'Imerys, s'est tenue sous forme de tables rondes permettant aux participants de poser leurs questions, synthétisées en fin de séance.
"On craint pour la forêt des Colettes (située à proximité), mais d'un autre côté, il y a la question de l'emploi... Je suis venue car j'ai du mal à me faire une idée précise", a témoigné auprès de l'AFP Brigitte Rodde, 56 ans, avant l'ouverture des débats qui se sont prolongés au-delà des trois heures prévues initialement.
A la table ronde consacrée aux impacts socio-économiques, Numa Bertrand, 49 ans, habitant de Gannat, s'interroge sur les 1.000 emplois directs et indirects promis par Imerys. "Quelles seront les conditions de travail ?
Parle-t-on de CDI ? De CDD ? Ce seront des emplois locaux ou extérieurs ? Qu'est-ce qui est prévu pour la santé et la sécurité des salariés ?", questionne-t-il.
"Laborantins, techniciens de maintenance, ingénieurs, etc. : ce seront des emplois permanents, avec des équipes postées, on aura besoin de CDI", a assuré Loïc Chenal, responsable des opérations chez Imerys, évoquant 600 emplois directs.
La question de l'eau
Pour Vincent, habitant de Saint-Bonnet-de-Rochefort qui n'a pas souhaité donner son nom de famille, "parler des emplois, c'est déjà accepter le fait que le projet soit acté, j'ai l'impression que les décisions sont déjà prises".
"On ne voit aucune opportunité, mais que des menaces dans ce projet", a estimé de son côté Jacques Morisot, membre de l'association locale "Préservons la forêt des Colettes".
L'installation de la mine soulève notamment "la question du recyclage des batteries qui est problématique, des terres agricoles et du tourisme", a-t-il dit.
"Pour nous, c'est un non franc et massif !", a-t-il lancé, déclenchant des applaudissements dans la salle.
"Notre préoccupation est d'empiéter le moins possible sur des terrains agricoles ou forestiers, c'est pour cela que nous avons prévu des canalisations enterrées sans emprise en surface", a affirmé Fabrice Frebourg, responsable environnement chez Imerys.
Beaucoup de questions concernaient les conséquences sur l'environnement ou la gestion de l'eau.
"La mine propre n'existe pas, mais cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas en réduire au maximum les conséquences environnementales", en recyclant l'eau ou en utilisant moins de produits chimiques polluants, a déclaré cette semaine au journal Les Echos Christophe Poinssot, directeur général délégué du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
Imerys assure que 90% de l'eau utilisée pour le projet - qui nécessitera 1,2 million de m3 par an - sera recyclée. Une réunion spécifiquement consacrée à ce sujet, où seront dévoilés les résultats d'une étude, se tiendra le 30 mai à Vichy.
Le débat public s'articule autour d'une quinzaine de réunions publiques, à Echassières, Saint-Bonnet-de-Rochefort et Montluçon, avec des ateliers à Saint-Pourçain, Saint-Eloy-les-mines, Paris et Clermont-Ferrand.
Une synthèse sera restituée à Gannat le 8 juillet. Une autre réunion finale de compte-rendu est prévue en septembre.
"On se situe en amont de toute décision (...), c'est un temps démocratique important", a déclaré Mathias Bourrissoux, président du débat public sur le projet lors d'une conférence de presse, en soulignant que "plus de la moitié des projets se trouvent transformés par le débat public".