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05/09/2019 - #Renault , #Ferrari , #Mclaren , #Nissan , #Chevrolet , #Toyota

L’industrie automobile pourrait bien tuer la voiture

Par Jean-Philippe Thery

La chronique de Jean-Philippe Thery, consultant, fort d’une expérience automobile aussi bien dans le domaine du produit que de l’Intelligence de marché, avec des expériences chez Renault, Nissan et PSA. Installé depuis 2008 au Brésil, Jean-Philippe Thery est spécialiste des marchés automobiles en Amérique Latine.

Tout le monde sait que les allemands ont inventé l’automobile, grâce à un certain Monsieur Benz, dont le tricycle motorisé roula pour la première fois en 1885.

Mais les Français ne sont évidemment pas d’accord. En 1984, ils organisèrent une parade monstre sur l’Avenue des Champs-Elysées, à la gloire d’Edouard Delamarre-Deboutteville, exactement un an après que celui-ci ait construit une charrette à quatre roues, mue par un moteur alimenté à l’essence de pétrole. Ils ont donc certainement raison, d’abord parce qu’ils sont arrivés un an avant leurs cousins germains, et sans doute aussi parce qu’ils sont… français. Mais alors que l’inventeur gaulois mettait un terme immédiat à la production de son charriot après le premier exemplaire, le voisin Karl entreprenait la production en série de son engin aux allures de sauterelle, initiant ainsi une contribution significative au développement du transport individuel. Une histoire qui devait se poursuivre peu de temps après par l’addition d’un certain prénom féminin espagnol, devenu depuis mondialement célèbre.

Pour autant, tout ceci pourrait bientôt ne plus avoir grande importance. Parce qu’elles soient allemandes, britanniques, américaines, japonaises ou même françaises, les compagnies automobiles se préparent à tuer la voiture.

Vous me voyez probablement arriver avec une chronique de plus consacrée à la voiture autonome, laquelle nous est promise pour bientôt. Mais comme je sais que vous avez beaucoup lu sur le sujet dernièrement, permettez-moi de tenter une approche différente. Oublions donc la fameuse période de transition chaotique durant laquelle se côtoieront des véhicules encore équipés de conducteurs et ceux pilotés par des algorithmes, et imaginons un monde où toutes les voitures seront totalement autonomes.

Parce qu’il nous faut regarder les choses en face : avant que le 22e siècle ne pointe le bout de son calendrier, nous disposerons des technologies le permettant. Ce scénario ne nous est d’ailleurs pas inconnu, grâce à la science-fiction qui nous l’a décrit mille fois, qu’il s’agisse des bandes dessinées des années 50 lorsqu’il était supposé se réaliser en l’an 2000, ou de films tel que "I-Robot" ou "Minority Report" : des engins se déplaçant à très haute vitesse jusqu’à leur destination finale, ignorant une signalisation tricolore de toute façon inexistante, et sillonnant d’immenses autoroutes urbaines comportant plus d’étages que de voies, grâce à leur capacité de voler autant que de rouler.

Sans aller jusque-là, envisageons néanmoins les conséquences d’un monde de véhicules totalement autonomes, en commençant par le fait que son avènement sonnerait logiquement le glas de la propriété privée automobile. Dans le modèle actuel, la voiture telle que nous la connaissons -bientôt reléguée à l’ère jurassique de la mobilité individuelle- n’est guère sollicitée par son propriétaire que durant une période réduite de son temps, qu’il souhaite en principe la plus courte possible. En conséquence, une voiture passe généralement 95% de son existence sur une place de parking, condamnée à l’immobilité tant qu’un être humain n’en saisit pas le volant. Mais lorsqu’elles seront dotées de la capacité de se déplacer par elles-mêmes, nos machines roulantes n’auront absolument aucune raison de se reposer, à moins bien sûr qu’elles soient en panne.

Dans ces conditions, un véhicule pourrait être constamment en mouvement, à disposition permanente des usagers les plus proches en demande de déplacement. En deux-mille-quelque-chose, le garage de votre maison sera vraisemblablement vide, laissant la place pour une tondeuse à gazon plus grosse, et probablement elle aussi autonome. Pour se rendre à destination, il n’y aura donc qu’à réserver un "pod" (appelons-le ainsi), en admettant que Google ne l’ai pas déjà fait à votre place. Tout simplement parce que Google connaît l’horaire de votre prochaine réunion, et sait quand vous avez un rendez-vous galant avec votre contact de la veille au soir sur Tinder.

Dans un tel univers, les pods auront tué le lien émotionnel qui existait auparavant entre le l’automobiliste et l’objet de sa fierté. Bien sûr, de tels engins se devront encore d’afficher un visuel attractif et un intérieur accueillant, mais de la même façon que la cabine d’un avion est conçue pour le bien-être de ses occupants, parce qu’ils seront choisis en fonction du service fourni et non pour eux-mêmes. Pour filer la métaphore aérienne, qui s’importe de savoir au moment de réserver un vol si l’avion qu’il va emprunter provient des usines d’Airbus ou de Boeing ? 

Et voici donc comment l’industrie automobile pourrait tuer la voiture. En développant ces engins autonomes, celle-ci fera du pod, enfin devenu véritablement "automobile" un appareil à se déplacer dont la marque n’aura plus aucune valeur pour son utilisateur final. De la même façon que le voyageur aérien interagit avec les compagnies du même nom et non l’industrie aéronautique, l’automobiliste de demain dialoguera donc avec un opérateur plutôt qu’une marque automobile. Une situation qui devrait d’ailleurs plus que jamais inciter les constructeurs à se transformer encore davantage en "fournisseurs de mobilité", histoire de ne pas abandonner totalement la nouvelle poule aux œufs d’or à des intervenants extérieurs.

Considérons enfin que les pods en question seront à certains égards plus faciles à produire que les automobiles actuelles, même en tenant compte des technologies embarquées qui garantiront leur autonomie. En retirant l’idiot situé entre le siège et le volant, les aléas liés au facteur humain seront totalement éliminés. Avec des risques de collision proches du néant, seuls les équipements liés à la sécurité active (autrement dit destinés à éviter l’accident) seront alors conservés, à l’inverse des airbags et autres coûteuses structures à déformation programmée qui seront devenus inutiles. Sans même évoquer le fait que la colonne de direction, les pédales et autres commandes encombrantes dont un humain a besoin pour opérer un véhicule prendront également le chemin de la poubelle. Avec un ticket d’entrée moindre et une complexité réduite, auxquels s’ajouteront immanquablement des motorisations électriques plus simples à fabriquer que leur homologue thermique, attendez-vous de plus à ce que de nouveaux concurrents réclament leur part du gâteau.

Les dés semblent donc jetés, et l’automobile telle que nous la connaissons destinée à disparaître totalement. Ou pas : songez en effet que si l’automobile a progressivement éliminé le cheval comme moyen de transport, quelques originaux plus aisés que la moyenne les montent encore pour le simple plaisir d’être secoués par un animal rétif, et de sentir l’odeur de la sueur équine. De la même façon, lorsque le pod autonome aura réglé le sort de la voiture au quotidien, de riches passionnés piloteront leurs Supercars sur des pistes réservées à cet effet. Les marques telles que Ferrari, Aston-Martin ou McLaren pourraient donc survivre et leur image demeurer intacte, alors que Chevrolet ou Toyota sombreraient dans le triste anonymat de producteurs de moyens de transport autonome.

Tout ceci se produira-t-il ? Bien, vous savez ce que l’on dit sur les prédictions. Quoiqu’il en soit, vous pouvez maintenant fermer cette page et retourner vous promener, à bord de votre voiture aux commandes obsolètes…
Jean-Philippe Thery

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Réactions

Le salon automobile de Francfort commence dans moins de dix jours.

L’Autopilot vendu obligatoirement chez Tesla en France ne convainc pas les acheteurs,vraiment casse gueule.
Et puis un pilote auto qui vous oblige à avoir les deux mains sur le volant.....curieux non?

@Alain : Autopilot est level 3. L'article parle de level 5.

Il n'empêche que le sieur Deboutteville avait déposé son brevet le 12 février 1884 et que si l'on parle d'invention et non de production, il était bien le premier.
Ne surtout pas oublier aussi Cugnot qui fut le premieret grand ancêtre de la bagnole en étant le premier à réaliser un engin auto-mobile…
Ab origine fidelis!
;0)

Je l'ai déjà dit, on ne dit plus voiture autonome mais à délégation de conduite…
Soyons disruptifs !
;0)

Et puis pour terminer, l'image de l'équitation = sport de riches snobs est un vieux lieu commun des années 60, dans ma cambrousse c'est 150 balles par trimestre pour des cours hebdo avec passage des Galops et licence comprise…
;0)

Tant que la bagnole fera partie du désir des êtres humains elle existera. C'est sûr que vu ce qu'on lui met sur la couenne depuis quelques années il faut de la motivation pour préserver ce désir.

La voiture autonome en ville pourquoi pas, par contre au fin fond de la campagne.....mais c'est vrai que le système a décidé que nous vivrions tous en ville. Rdv dans 50 ans pour voir.

Cette hypothese est Assez bien vu. Il s'agit plutot du suicide des constructeurs. La marque,l'image de marque,de nos constructeurs n'auront plus aucune valeur ni aucun sens avec ce type de deplaçoir . En une seule generation tout prestige aura disparu. qui connait le nom du constructeur de sa rame de metro ou de son frigo? La faute en revient à?

Les Hommes- Moutons finiront peut-être par se rebeller avant qu'On ne leur retire tous plaisirs!

Tout d'abord bravo pour cette vision très plausible! Par contre, ce qui manque est l'évolution des besoins des générations. En lisant les commentaires, je me posais la question combien ont moins de 30 ans? Plus portés sur le partage des moyens de transports (individuels ou collectifs) et bien plus connectés et au fait des nouvelles technologies que les décideurs des OEM, ils seront dans 10-20 ans très enclins à ne plus posséder un moyen de transport individuel couteux et encombrant (j'y exclus les trottinettes et autre vélos électriques).
Et peut-être que nous, les vieux croutons que nous seront à ce moment la seront bien content que Google nous commande un taxi autonome peu cher pour nous emmener à l'hôpital, au spectacle, ou voir des musées sur l'automobile...;-)

Merci pour cette chronique je me suis régalé à la lire et à m'imaginer dans ce futur.

@Caesar peux-t-on encore parler de désir automobile quand les acheteurs de VN privilégient d'insipides SUV mono-forme sans moteur.
Les dés sont déjà jetés, les jeux sont déjà faits...
L6, V8 et autres majestueuses mécaniques atmosphériques à l'intérieur de superbes carrosseries sont déjà des reliques de notre passé.

Attention, les humains ne veulent pas des voitures, ils veulent simplement aller de A à B. la voiture est un outil parmi d'autres et non un désir.
Il y a une nuance non négligeable.
;0)

Merci pour ce papier cher Jean-Philippe.

Je n'assisterai pas à ce suicide et quelle chance de savoir que mon corps aura été emmené (emporté ?) au crématorium dans un corbillard............. autonome !

Et je n'ai toujours pas acheté mon XK8 cabriolet.
Mais qu'est-ce que tu fous vieux chnok ?

Remarquez que du Crématorium vers l'au-délà c'est déjà totalement autonome !
Etonnant non ?
;0)

Faux, la première automobile n'est pas allemande mais française. 1770 avec Joseph Cugnot, révisez votre histoire...on est loin de Herr Benz

Pour ce qui est de la projection, c'est en effet l'opérateur qui va prendre le pas sur le constructeur. même si ces opérateurs seront probablement des constructeurs. C'est différent de l'aéronautique.
De même cela ne sera pas forcément un transport en commun comme un minibus. Restera une partie de la locomotion individuelle ou familiale et là on aura du UBER autonome ou du PSA, Renault à la demande. Ce qui n'empêchera pas d'avoir en propre ce type de véhicule, en location ou achat; il est vrai que le nombre de client dans ce cas sera encore plus réduit (capacité d'achat, espace, besoin, domotique , etc...). L'automobile tuée ? plutôt mutée. Ce qui va bel et bien disparaitre probablement c'est le plaisir de conduire. Et ça c'est vraiment dommage.

Les analystes les plus radicaux prédisent une baisse de 95% du marché véhicule neuf pour cette raison.
Aussi, ceux qui évoquent le plaisir de rouler ont peut être la chance de ne jamais croiser de radars ni de tomber dans des bouchons....ils ont bien de la chance.

Au quotidien urbain et péri-urbain, la voiture est devenue tout sauf un plaisir : Une véritable contrainte dont peu d'utilisateurs imaginent l'étendue tant qu'ils n'ont pas essayé de s'en affranchir .... à vélo par exemple.

... 1984 ...Delamarre Debouteville ... ???
En êtes vous bien sûr Mr Thery ... Sont ce les visions d'Orwell qui vous ont guidé la main ?
;0)

Après plus de 4 ans, c'est toujours un plaisir de lire vos chroniques, Jean-Philippe !

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