06/12/2023
En Alsace, un projet pilote d'extraction de lithium dans une centrale géothermique
Par AFP
Du lithium local, prélevé des eaux géothermales : en Alsace, le groupe minier français Eramet et Électricité de Strasbourg (ÉS) expérimentent une unité pilote d'extraction directe de lithium, un métal objet de nombreuses convoitises en Europe.
La production de cet or blanc, indispensable à la fabrication des batteries électriques, est un enjeu dans l'Union européenne, où la vente de véhicules thermiques neufs sera interdite à partir de 2035.
"Aujourd'hui en France, en Europe, on produit très peu voire pas du tout de lithium", explique Ludovic Donati, directeur du projet Ageli (Alsace Géothermie Lithium) pour Eramet et Electricité de Strasbourg.
"Donc c'est important d'avoir ce type de projet pour assurer une partie de l'extraction des métaux sur le territoire et de la production de carbonate de lithium pour les futures +gigafactories+", ces usines de batteries dont la première en France a vu le jour en mai dans le Pas-de-Calais.
Eau très salée
A la centrale géothermique de Rittershoffen, à une quarantaine de kilomètres au nord de Strasbourg, le projet inauguré mardi vise à tester l'efficacité d'un procédé d'extraction directe de lithium mis au point par Eramet.
Depuis plus d'une dizaine d'année, le groupe minier a développé ce procédé en Argentine, où Eramet va bientôt entamer l'exploitation de l'un des plus grands gisements de lithium au monde : la production industrielle de carbonate de lithium de qualité batterie doit y débuter en 2024 pour atteindre, à partir de 2025, 24.000 tonnes par an.
"On s'est dit qu'on pouvait réutiliser le procédé qu'on a développé pour l'Argentine aux eaux géothermales alsaciennes", a expliqué à la presse Ludovic Donati.
Depuis 2016, la centrale géothermique de Rittershoffen puise de l'eau à 170 degrés dans les entrailles de la terre pour produire 190 Gigawatts/heure d'énergie par an, alimentant en chaleur l'usine du groupe Roquette située à Beinheim, à 15 kilomètres de là.
"C'est une eau transparente, très salée, trois fois plus que l'eau de mer, dont 0,2% contient du lithium. Elle circule dans les failles de grès ou de granit à 2.500 mètres de profondeur et contient aussi du sodium, du chlorure, du potassium et du calcium", explique Albert Genter, directeur général adjoint chez Électricité de Strasbourg Géothermie.
Impacts environnementaux "réduits"
Une fois la chaleur extraite, c'est au tour du lithium d'être prélevé, grâce à "un solide actif, qui fonctionne comme une éponge à lithium", décrit M. Donati.
Ce lithium est ensuite raffiné pour produire du carbonate de lithium, une poudre blanche qui sera utilisée dans la composition des batteries pour véhicules électriques.
Eramet et ES travaillent ensemble depuis 2020 à des expérimentations dans deux centrales géothermiques dans le nord de l'Alsace : celles de Rittershoffen et Soultz-sous-Forêts, avec de premiers résultats jugés "encourageants".
Si le procédé d'extraction directe du lithium est le même que celui utilisé en Argentine, les conditions diffèrent : en Alsace l'eau récupérée après la géothermie a une température de 80°C et une pression de 20 bars, contre une température ambiante et une absence de pression pour le projet argentin.
Le test mené à la centrale de Rittershoffen vise à s'assurer de la stabilité du matériau actif d'extraction, dans les conditions du territoire alsacien, et à vérifier le rendement de récupération du lithium - qui atteint 90% en Argentine.
Il s'agit aussi d'étudier les impacts environnementaux qui sont "très réduits", assure M. Donati : "on travaille en circuit fermé, on extrait de l'eau géothermale les calories et le lithium et on réinjecte l'eau directement".
Si ce test, prévu pour durer au moins six mois, est concluant, il pourrait aboutir à plusieurs centaines de millions d'euros d'investissements. Une décision finale est attendue en 2026.
Eramet étudie la possibilité de développer de nouveaux forages sur les sites existants ou sur d'autres sites avec pour objectif de produire d'ici 2030 au moins 10.000 tonnes de carbonate de lithium par an en Alsace, un volume correspondant aux besoins de quelque 250.000 batteries de véhicules électriques par an.