04/06/2021 - #Chrysler , #Honda , #Chevrolet
Drivers, start your engines ! Un week-end à l’Indy 500
Par Bertrand Rakoto
Les 500 miles d’Indianapolis sont à la hauteur de leur réputation. Depuis plus de 5 ans, tout le monde me parlait de cette course mythique, de la qualité de l’événement, de sa simplicité, de l’émotion qu’il procure. Il arrive d’être déçu quand on vous survend quelque chose. Je dois admettre que l’Indy 500 est à la hauteur de sa réputation.
Les 500 miles d’Indianapolis, ou l’Indy 500, est un événement extraordinaire que tout passionné de sport automobile et d’automobile tout court se doit de faire une fois dans sa vie au même titre que les 24 Heures du Mans ou le Daytona 500 (celui-ci est sur ma bucket list, comme on dit ici). Je dois admettre que les circonstances étaient particulières en ce qui me concerne car j’ai été accueilli au sein d’un groupe de fans dont certains n’ont pas loupé une seule course depuis 1962. Autant dire que les conditions étaient idéales pour savoir où aller et comment profiter au mieux de ce week-end de compétition. En partant depuis Detroit, nous avons d’ailleurs fait escale à Auburn dans l’Indiana pour une mise en bouche au musée Auburn-Cord-Duesenberg.
L’Indy 500 offre un magnifique spectacle aux spectateurs dans un cadre mythique qui s’annonce comme la Capitale mondiale de la course automobile (Racing Capital of the World). Les pilotes sont proches du public, au point de les croiser comme visiteurs du musée la veille de la course. Les voitures sont rapides et la course se joue sur l’ovale et dans les stands. Pour ne rien gâcher au spectacle les Américains sont très participatifs et l’ambiance dans les gradins ajoute à l’émotion que l’on ressent sur place. C’était très loin de mon expérience en tant que spectateur de la Formule 1, il y a une vingtaine d’années à Magny-Cours.
Une édition particulière
L’Amérique redémarre doucement au fil des vaccinations, de la baisse du nombre de cas de Covid au quotidien et du nombre de morts en recul. Open for business, pas encore tout à fait, mais force est de constater que les contraintes sont levées peu à peu et que la vaccination aide à lever les restrictions dans chaque Etat semaine après semaine. La 105e édition de l’Indy 500 était donc le plus gros événement à l’échelle planétaire depuis le début du Covid. 135.000 spectateurs, soit 40% de la capacité totale du site, se sont rejoints l’espace de quelques heures dans la ville de Speedway dans l’Indiana pour suivre 33 pilotes se battre pour le prestigieux titre de gagnant de l’Indy 500. L’an dernier, la course avait été remportée, sans spectateurs, par Takuma Sato. Cette année, c’est le Brésilien Helio Castroneves qui a remporté la course pour la quatrième fois. En 21 ans de carrière, il a remporté l’Indy 500 pour la première fois en 2001, puis en 2002 et en 2009. En formule Indy (ou Indycar), ce ne sont pas l’âge et les réflexes qui sont importants. L’expérience paie, la stratégie de course compte énormément également car la victoire se joue autant sur l’asphalte que dans les arrêts au stand. Et pour cela l’expérience paie énormément contrairement à d’autres formules monoplaces, suivez mon regard.
Pour celles et ceux qui sont assez étrangers à la formule Indy, toutes les voitures sont identiques. Le châssis est livré par Dallara et les moteurs sont fournis par Chevrolet et Honda, respectant des spécificités techniques identiques. Ce sont des V6 de 2.2 dotés de deux turbocompresseurs, limités à 12.000 tr/min et délivrant environ 700 ch avec une fonction "push-to-pass" offrant jusqu’à 50 ch de plus. Sur les plus grand ovales, les voitures pèsent 748 kg sans les pleins ni le pilote et sa bouteille d’eau. Le pilote et la stratégie de course font donc la différence. Et c’est très visible car ceux qui ont dominé les 100 ou 150 premiers tours ne figurent pas parmi les premiers à l’arrivée. C’est le cas du Néerlandais Rinus Veekay qui a dominé longtemps la course puis s’est effondré dans les classements lorsque le rythme est devenu plus soutenu et que les stratégies de course ont commencé à porter leur résultat. Pourtant le jeune pilote avait remporté la course sur le circuit routier d’Indianapolis deux semaines auparavant, où Romain Grosjean avait terminé second. L’Indy 500 est un marathon où chaque ravitaillement est susceptible de faire un gagnant ou un perdant. Les drapeaux jaunes comptent d’ailleurs beaucoup car ils peuvent remettre en cause toute la stratégie de course d’une écurie.
Pour la 105e édition de la course, la voiture de sécurité, conduite par Danica Patrick, n’est sortie que deux fois. Et seulement trois pilotes n’ont pas terminé la course. C’est très rare et cela signifie que les stratégies ont évolué au fil de la course. En découvrant la course pour la première fois, j’ai pu constater que les pilotes ménagent leur voiture pour sauver un ravitaillement et assurer de pouvoir terminer la course sans risquer la panne sèche. Car la victoire peut se jouer dans les derniers tours en roulant aux vapeurs. Le changement de rythme sur piste est plus que palpable à l’approche des 20 derniers tours. Les pilotes commencent à chercher à remonter au classement ou à protéger leur position. Le Français Simon Pagenaud a d’ailleurs su parfaitement jouer pour cette édition 2021. Il a démarré 26e et a terminé 3e alors qu’il était encore en 8e position à moins de 10 tours de l’arrivée. Il a remporté la course en 2019, le second après René Thomas qui a gagné en 1914. Sébastien Bourdais quatre fois champion de la Formule Indy n’a pas su sortir son épingle du jeu et a terminé 26e alors qu’il était 27e sur la ligne de départ.
En tant que spectateur, celui ou celle qui vient équipé peut vivre la course au plus près. Personnellement, mon casque bluetooth m’a permis de suivre en direct la radio et les échanges entre les pilotes et les écuries. Sur mon smartphone, l’application me permettait d’afficher en temps réel le régime moteur, la position des pédales d’accélérateur et de frein, l’angle volant, le rapport engagé et la position sur l’ovale de 4 km. Les 800 km de courses sont avalés en moins de deux heures et demie. Le suspens dure jusqu’à la dernière seconde avec des changements de position incessants dans les 10 derniers tours. Castroneves et Palou (second) changeaient de position sans cesse jusque dans le dernier tour. L’Espagnol a été vaincu mais pas sans lutter. Le spectacle est fabuleux. J’étais placé en face des stands, l’autre place de choix est dans le premier virage.
En temps normal, hors Covid, les spectateurs peuvent circuler et certains pass peuvent donner l’accès à la grille de départ et aux stands, sans forcément être une star de téléréalité ou une célébrité des réseaux sociaux. Le sport automobile est populaire et le public répond présent. Après sa victoire, Helio Castroneves a couru sur la piste puis il a grimpé sur les grillages pour partager sa joie avec le public. L’instant était fort.
Le sport automobile reste populaire
Le problème du sport automobile est souvent son prix. L’accès aux sports mécaniques est prohibitif pour la plupart et cela joue fortement en leur défaveur. Petit, j’ai eu la chance de pouvoir suivre quelques rallyes régionaux sur le bord de la route. A part l’autocross ou la course de côte, la plupart des formules sont devenues hors d’atteinte. Aux Etats-Unis, de nombreux sports automobiles sont encore accessibles aux amateurs et la popularité reste très importante. Qu’il s’agisse des courses de dragster avec sa voiture de tous les jours, des sauts en 4x4, des courses en dirt track (sur circuits ovales en terre) ou du Nascar amateur, différentes formules permettent de bricoler dans son garage et se présenter sur la piste avec un budget ridicule. Pour l’Indycar et la Nascar, la compétition et la course sont le domaine des constructeurs. Mr The King, Richard Petty, a parfaitement bien expliqué le phénomène lors de son intronisation à l’Automotive Hall of Fame en 2002. Au départ, il y avait des amateurs qui s’affrontaient dans un sport du Sud puis les constructeurs "…sont venus avec beaucoup d’argent. Ils ont dépensé beaucoup d’argent et en ont fait un sport plus cher. Meilleur, mais plus cher. Puis ils sont retournés à Detroit et nous ont laissé avec les factures".
Je l’expliquais l’été dernier, le sport automobile est populaire parce qu’il est accessible. Par ailleurs, les Américains peuvent modifier leurs véhicules. Les savoir-faire locaux sont nombreux et les bricoleurs sont très bien équipés pour restaurer des autos de collection ou construire des voitures de courses dans leur garage. Les officines capables de réparer, calibrer, fabriquer des pièces sont très nombreuses. Le marché automobile aux Etats-Unis est beaucoup plus sensible à la richesse de l’équipement des véhicules, à la connectivité, aux aides à la conduite. Mais dans le même temps, l’automobile jouit encore d’une forte présence de réparateurs à l’heure du remplacement de modules. Vous pouvez faire surfacer un moteur, réparer une boîte automatique ou calibrer des compteurs au coin de la rue. Cela tend à maintenir la proximité avec le monde des préparations pour la compétition amateur et rend les sports automobiles accessibles pour beaucoup. Les Américains ne sont pas non plus obtus et de plus en plus de préparateurs travaillent sur des solutions électriques pour les dragstrips et autres formules amateurs. D’ailleurs, Lingenfelter Performance Engineering a récemment été accrédité par GM pour devenir le premier préparateur habilité à installer les groupes motopropulseurs électriques vendus par le constructeur pour les particuliers.
Certes, le championnat Nascar perd peu à peu en popularité, la faute à des courses manquant de piquant et des systèmes de pool compliqués avec des résultats parfois absurdes. L’Indycar reste assez suivie et l’Indy 500 est un monument. Roger Penske, patron d’écurie et concessionnaire a d’ailleurs fait l’acquisition du circuit en 2019 et a depuis entrepris une rénovation étape par étape du lieu.
Vivement l’année prochaine
Vous vous en doutez, en habitant à 5 heures d’Indianapolis, lorsque l’on m’a proposé de revenir l’année prochaine, je n’ai pas eu l’once d’une hésitation. La passion automobile ne peut pas résister à une invitation pour partager un moment entre fans, racontant des anecdotes qui ont 40 ou 50 ans sur des courses dont les voitures sont aujourd’hui au musée. Le week-end est magique. Je suis impatient de reprendre le pèlerinage vers Auburn puis Speedway Indiana, visiter les musées, assister aux parades, en espérant que la prochaine édition redonne l’accès aux paddocks, à la pitlane et à la grille de départ. Voir passer les voitures à 370 km/h à quelques mètres. Ausculter les stratégies de ravitaillement, assister en direct aux changements de pneus et aux redémarrages dans un nuage de fumées. En fait, la question est de savoir comment je vais attendre une année entière… peut-être simplement avec quelques cars-and-coffee, quelques samedis soir sur le bord de pistes en terre, le Concours d’Elégance of America et la Dream Cruise. L’été commence à peine !
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