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12/08/2021 - #Volkswagen Vp , #Audi , #Alfa Romeo , #Bmw , #Maserati , #Mercedes-Benz , #Ford , #Stellantis

Conduire à Détroit

Par Bertrand Rakoto

Conduire à Détroit

Cet été, nous vous proposons quatre chroniques sur deux thèmes partagés, rédigées à leur façon pas nos correspondants localisés à Detroit et à Rio de Janeiro. Aujourd’hui Bertrand Rakoto donne la réplique à Jean-Philippe Thery. La semaine prochaine Bertrand Rakoto vous éclairera sur ce qu’est aimer l’automobile à Detroit, Jean-Philippe Thery terminera cette série de l’été en décrivant ce même thème, mais à Rio comme vous l’aurez deviné.

Audiard avait écrit que conduire à Paris, c’était une question de vocabulaire. Hé bien conduire à Détroit, c’est une question de sang-froid. Comme on dit ici "keep your cool". Pour être tout à fait honnête, il n’est pas totalement superflu d’avoir aiguisé sa conduite à Paris pour conduire sereinement dans le Michigan et à Détroit en particulier. Il y a plein de raisons à cela, comme l’état des routes, l’attitude des conducteurs, la présence de l’industrie automobile, le climat, l’architecture routière et le permis de port d’arme. Ces éléments contribuent tous à ce cocktail qui fait de Détroit une ville où conduire nécessite d’être rapide, prudent, renseigné, zen et plein de bon sens. S’il vous manque un de ces traits de caractère, vous risquez au mieux d’être surpris, au pire d’être sur une dépanneuse.

Préambule : un paysage très américain

L’histoire de Détroit est liée à l’automobile. La ville a été fondée par des Français le 24 juillet 1701 et a connu son essor économique avec les chemins de fers et la fabrication de wagons. Ces moyens et ces savoir-faire issus du rail ont ensuite attiré l’industrie automobile à la fin du 19ème siècle. La richesse de la ville est venue de l’industrie automobile. Détroit figurait parmi les villes américaines les plus riches pendant la période d’avant-guerre. L’automobile a su faire puis défaire le succès et la richesse de la ville. Fût une époque où Détroit était surnommée "The Paris of the Midwest" (le Paris du "mid-ouest").

Au lendemain de la seconde guerre mondiale l’économie de l’Amérique a transformé le pays. L’avènement de la classe moyenne a donné naissance au rêve américain. Il est né grâce à la pleine démocratisation de l’automobile, ce qui a permis la naissance au mouvement "suburbanite" (départ vers les banlieues). La réalisation du succès consiste à posséder un pavillon, une voiture, une télévision, et pouvoir accorder du temps à ses loisirs, soit les bases du rêve américain.

Détroit était taillée pour une population de 2 millions d’habitants mais n’a jamais atteint ce chiffre. Au plus haut, Détroit a eu 1,85 million d’habitants et s’est dépeuplée dès 1959 quand les banlieue pavillonnaires ont connu leur essor. Le mouvement a d’abord été lent, puis s’est accéléré après les émeutes de 1967. Détroit a entamé sa descente aux enfers pour finir par être le champ de ruine qui a éclaté au grand jour en 2008.

Depuis la ville a connu une transformation rapide. Les ruines ont été majoritairement rasées, les tours et les bâtiments ont été restaurés ou sont en phase de l’être. Mais surtout, l’avènement de l’automobile a laissé à Détroit un réseau routier imposant qui donne ce côté très américain au paysage. La ville est très étendue, elle fait 370 km² pour 675.000 habitants. En gros, c’est 3 fois et demi la taille de Paris (105 km²) pour 3 fois et demi moins d’habitants (2.175.000).

Il vous faudra donc connaître un minimum la ville, sa géographie, sa carte pour ne pas vous perdre. Le réseau routier est très américain avec ses grandes avenues, ses virages à angle droits, les échangeurs routiers qui vous feront hésiter et les trucks qui déboulent à 100 à l’heure derrière vous si vous êtes du genre à ralentir pour trouver votre bretelle. Si vous ne faites pas preuve de sang-froid vous aurez tôt fait de vous engager dans une route, n’importe laquelle quitte à faire 10 km sur la mauvaise autoroute.

Au pire, vous terminerez dans un des derniers quartiers délabrés de la ville où il faut seulement marquer le stop au feu rouge histoire d’éviter de donner assez de temps au drogué au crack allongé par terre de venir frapper à la fenêtre de votre voiture. Ces scènes sont devenues très rares, mais elles l’étaient moins lorsque j’ai redécouvert la ville en 2011. Assurez-vous de connaître votre route ou d’avoir un bon GPS pour éviter toute mésaventure du genre et, surtout, faites preuve de bon sens afin d’éviter les contre-sens comme à Rio. Point d’attaques sur le bord des routes à Détroit mais c’est comme en France ou ailleurs, le bon sens vous permet d’éviter certains quartiers où il ne fait pas bon se balader.

La conduite au quotidien

Pendant que Détroit se réorganise autour de ses quartiers, nettoie ses ruines et se revitalise économiquement, la ville bénéficie toujours de l’aura de sa banlieue. Il faut bien comprendre que si Détroit a connu la faillite, la banlieue est restée florissante. On trouve tous les équipementiers automobiles, la plupart des constructeurs, y compris ceux qui sont absents du marché nord-américain. C’est la ville de l’automobile, où on vit de l’industrie et on célèbre ses produits. Les conséquences sont nombreuses.

Premièrement, l’automobile est le poumon économique (avec la santé, les machines industrielles et l’aérospatial) de Détroit. Tout le monde a un oncle, une sœur, ou un cousin qui travaille dans l’industrie. Ça rend tout le monde plus tolérant, particulièrement la police. Certes, encore une fois, faites preuve de bon sens, les abus sont sanctionnés. Mais de façon générale, les limitations de vitesse, déjà élevées (75mph soit 120 km/h) sont plus des recommandations que des seuils strictes. Il n’y a pas de radar fixe, pas de radars de tronçons et les forces de l’ordre tolèrent facilement 10mph (16 km/h) de plus que les limitations. Mais, il n’est pas rare de se retrouver dans un flux de circulation autoroutier dont l’allure dépasse largement 90mph (145 km/h) et si vous roulez moins vite que le reste des véhicules vous pouvez constituer un danger pour les autres usagers et risquez une amende.

Dans un autre registre, le feu orange signifie "magnez-vous de passer", si vous ralentissez ou hésitez, vous êtes passible d’une amende. C’est un policier qui me l’a gentiment expliqué après m’avoir arrêté en plein Détroit parce que j’avais ralenti, par prudence je pensais, à l’approche d’un carrefour.

Deuxièmement, le paysage automobile à Détroit est constitué à presque 80% de véhicules issus des Detroit 3. Viennent ensuite les modèles européens (Mercedes-Benz, BMW, Audi puis Volkswagen) et enfin les japonais et les coréens. D’une part, tout le monde ayant un membre de la famille dans l’industrie, il est aisé de disposer d’une offre "famille et amis" chez Ford, GM ou Stellantis. D’autre part, le patriotisme automobile est assez fort dans la région. A moins de travailler pour une société asiatique, je ne recommande pas de conduire autre chose qu’une voiture issue des Detroit 3 (ce qui inclus Alfa Romeo ou Maserati).

Troisièmement, les Américains roulent sur le couple, disposent de bandes d’accélérations très courtes où il faut être rapide pour s’insérer dans la circulation. Le parc automobile est aussi constitué de pick-up. Du coup, vous ne serez pas surpris d’apprendre que la puissance moyenne des véhicules neufs est autour de 280 ch dans la région. Tout le monde a des chevaux. N’osez pas présenter un véhicule de moins de 120 ch dans le segment B. Ici le 1.6L turbo est un moteur d’entrée de gamme, les 2.0L turbo ou V6 3.5L ou 3.6L sont le cœur des gammes.

En résumé, les habitants du Michigan ont des chevaux et roulent vite… mais pas forcément très bien. Les habitants de l’Indiana ou de l’Ohio le savent, ils sont plutôt méfiants et gardent leur distance dès qu’ils aperçoivent une plaque du Michigan. Sachez donc garder votre sang-froid.

La rust belt

Les Etats du Nord des Etats-Unis sont souvent désignés sous le nom Snow-belt (ceinture de neige) mais ce surnom laisse la place désormais à la Rust-belt (ceinture de rouille). Les 5 mois d’hiver et le salage régulier des routes qui accompagne cette période sont une torture pour l’automobile.

Premièrement, les routes sont défoncées pas ces salages intensifs. Oubliez les jantes 23’’ et les pneus taille basse. Les routes sont connues pour être dans des états pitoyables. C’était un des thèmes de campagne de l’actuelle gouverneure Gretchen Whitmer. Il y a bien des années, les habitants de l’Etat ont voté contre les taxes qui permettaient de maintenir l’état de routes. Par conséquent, l’argent économisé sert à changer les pneus, les jantes, les amortisseurs, les bras de suspension qui subissent l’état des routes et les parebrises qui en supportent les projections. D’ailleurs, on dit souvent dans le Michigan qu’il n’y a que deux saisons : Winter and Road construction (l’hiver et les travaux routiers). Les nids de poules pourraient abriter des vaches et les rapiéçages rapprochent l’expérience de conduite à Détroit et ses environs en un genre de Paris-Roubaix en charrette à soc de fer avec un moteur de 300 ch.

Deuxièmement, le salage fait rouiller les voitures au point de se demander comment certaines peuvent encore rouler. J’ai omis de vous donner deux détails importants à savoir qu’il n’y a pas de contrôle technique, en conséquence de quoi les pires poubelles ont le droit de rouler, et qu’il n’y pas de partage de tort dans les accidents de la route. Du coup, les conducteurs sont incités à éviter les accidents et en cas de problème, ils prendront un avocat pour obtenir un remboursement de la partie adverse.

Woodward Avenue

Si je résume. Detroit est une ville avec de grandes distances à parcourir sur des routes parfois compliquées, régulièrement en mauvais état. Les voitures autour de vous peuvent être dans des états inquiétants, les gens roulent vite et avec des véhicules puissants et imposants. Comme on dit ici, "better be safe than sorry" (mieux vaut prévenir que guérir). Mais on aime l’automobile et on la célèbre. Woodward Avenue a été la première avenue goudronnée et a vu le premier feu tricolore aux Etats-Unis. Cette avenue de 34,6 km en quasi-ligne droite s’étend de Détroit à Pontiac et a été le théâtre de la naissance de l’automobile, des courses de rues et aujourd’hui des parades hebdomadaires de passionnés qui se rejoignent pour rouler sur Woodward chaque week-end. Mais je vous en parlerai plus la semaine prochaine.

Et puisque j’ai commencé par Audiard, je terminerai par Elmore Léonard qui disait de Détroit : "Il y a des villes qui s'en sortent grâce à leur bonne mine, qui offrent un climat et des paysages, des vues sur des montagnes ou des océans, des rochers ou des palmiers. Et il y a des villes comme Détroit qui doivent travailler pour vivre."

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Réactions

Bonjour
Je suis toujours autant fan qu'avant des chroniques de M. Rakoto.

C'est à chaque fois un voyage toujours vue par l'oeil automobile !!!

Encore merci pour vos chroniques monsieur.

Bonne mise en condition sur la façon de conduire des habitants du Michigan qui ressemble, finalement, à celle de bien des conducteurs américains.
Un de mes fils a fait ses études à Pittsburgh puis a habité NYC, puis Buffalo, puis Baltimore, puis New Jersey, vacances sur Chautauqua lake aussi ai-je la chance de visiter toutes ces villes, Etats (parfois d'en haut à bord des hélicos des compagnies où il travaille) et je suis à chaque fois surpris par la vitesse finalement élevée de déplacement des Américains.

Merci Bertrand, je suis un peu là-bas grâce à ta chronique.
Take care.

Chronique sympathique et détaillée qui nous fait voyager aux US au cours de l'été. Merci... Où l'on s'aperçoit- impression que j'ai eue en Suisse il y a 2 ans- qu'au fil des années, la France est devenue plus répressive - en termes de sécurité routière- que des pays pourtant réputés autrefois, pour leur sévérite vis-à-vis des automobilistes. Autrement dit, nous avons une des politiques les plus autophobes parmi les pays producteurs d'Automobiles... Je vous laisse conclure... Bonne journée estivale.

Tout à fait d'accord avec Francis.
J'ai fait des milliers de kilomètres en Suède entre 1982 et 1992 et la répression était suffisamment dissuasive, sans être excessive, par rapport à la France où on pouvait rouler très très vite à partir du moment où on avait des "connaissances" quand on s'était fait poirer par un "barbecue".
La répression n'a pas augmenté d'un iota en Suède tandis qu'elle a décuplé en France.
Idem en Grande Bretagne que j'ai aussi beaucoup pratiquée.

Quand on roule de l'Ohio plein nord vers Detroit MI, on sait quand on change d'état au degré de secouage.
Shaken and stirred.

Nous sommes trop sur l'image de Broadway et Sunset boulevard en Europe !
Les USA sont un pays essentiellement rural, et même en ville...
;0)

Je ne connais rien des US à part NYC, Washington, Boston, Chicago, Minneapolis, Détroit, Seattle, San Francisco, LA et le tout relié toujours en voiture plusieurs fois en 10 ans (sans compter des A/R Atlanta-Miami)… et pour le côté rural des US j’ai toujours vu les bisons et les chevaux de loin !!!

Allez !
Si j'ai 5 min, au prochain article je vous fais "conduire en Eure et Loir !"
;0))

Heu non merci lol je le fais presque tous les jours

Pourtant cela ne manque pas d'exotisme quand vous attaquez le fond du département..
;0))

Dans le Perche ? Il y a surement de belles choses à voir en effet.

Du coup pourquoi pas alors ??

Et je suivrais votre guide dans le silence électrique :)

Pour signaler une coquille orthographique dans la fin du 1r paragraphe du préambule: « Fût une époque où Détroit était surnommée "The Paris of the Midwest" (le Paris du "mid-ouest"). Le premier mot doit s’écrire sans accent: « Fut »
Ne pas confondre passé simple et imparfait du subjonctif ou plus-que- parfait et conditionnel passé 2e forme appelé aussi passé antérieur 2e forme!
Astuce: essayer de mettre la phrase au pluriel:
- si la forme au pluriel est correcte avec « furent » alors il ne faut pas d’accent au singulier => « fut »
- si c’est avec « fussent » que la phrase sonne correctement au pluriel, alors écrire l’auxiliaire « fût » avec accent au singulier!
Un correcteur automatique aura du mal à ne pas tomber dans le panneau: programmeurs a vos algorithmes!
Alors qu’est-ce qui sonne juste ici?  « Furent des époques » ou « Fussent des époques » C’est là que l’auteur de l’article doit s’interroger sur ce qui fut ou ce qui fût. S’il veut compter une action qui se déroula effectivement dans le passé => emploi indicatif donc passé simple donc pas d’accent! S’il veut exprimer une hypothèse éventuelle, une supposition, un doute sur ce qui aurait pu advenir dans le passé, alors pas d’hésitation, c’est le subjonctif à l’imparfait donc avec « fût » ou plus-que-parfait avec « fût été » ou par ex. « fût pris » etc., forme idem au conditionnel passé 2e forme. Par ex., dans la phrase « S’il en avait eu les moyens matériels, il fût amené à prendre cette sage décision » ou « ..il aurait été amené à.. ». Mais « Comme il en eut bien les moyens, il fut amené à prendre cette sage décision ».. Comme quoi en français il y a toujours une échappatoire de style pour contourner une forme orthographique dont on doute. Mieux que de tirer à pile ou face!

Pour signaler une coquille orthographique dans la fin du 1r paragraphe du préambule: « Fût une époque où Détroit était surnommée "The Paris of the Midwest" (le Paris du "mid-ouest"). Le premier mot doit s’écrire sans accent: « Fut »
Ne pas confondre passé simple et imparfait du subjonctif ou plus-que- parfait et conditionnel passé 2e forme appelé aussi passé antérieur 2e forme!
Astuce: essayer de mettre la phrase au pluriel:
- si la forme au pluriel est correcte avec « furent » alors il ne faut pas d’accent au singulier => « fut »
- si c’est avec « fussent » que la phrase sonne correctement au pluriel, alors écrire l’auxiliaire « fût » avec accent au singulier!
Un correcteur automatique aura du mal à ne pas tomber dans le panneau: programmeurs a vos algorithmes!
Alors qu’est-ce qui sonne juste ici?  « Furent des époques » ou « Fussent des époques » C’est là que l’auteur de l’article doit s’interroger sur ce qui fut ou ce qui fût. S’il veut compter une action qui se déroula effectivement dans le passé => emploi indicatif donc passé simple donc pas d’accent! S’il veut exprimer une hypothèse éventuelle, une supposition, un doute sur ce qui aurait pu advenir dans le passé, alors pas d’hésitation, c’est le subjonctif à l’imparfait donc avec « fût » ou plus-que-parfait avec « fût été » ou par ex. « fût pris » etc., forme idem au conditionnel passé 2e forme. Par ex., dans la phrase « S’il en avait eu les moyens matériels, il fût amené à prendre cette sage décision » ou « ..il aurait été amené à.. ». Mais « Comme il en eut bien les moyens, il fut amené à prendre cette sage décision ».. Comme quoi en français il y a toujours une échappatoire de style pour contourner une forme orthographique dont on doute. Mieux que de tirer à pile ou face!

Je konseye jantiman à Gérard Martin de ne pa tro lire les commantères d'1 lecteur/comantateur acidu se ki pourè lui prokuré des mal de krane violan.

Ou au contraire, de corriger toutes ses fautes d'orthographe et de syntaxe, ce qui lui donnerait un travail à plein temps de 50 heures par semaine.

Cher Gérard, si vous poussez la correction encore plus loin, il ne faut pas écrire Détroit, mais Detroit.
J'ai les mêmes picotements dans les yeux quand je vois écrit "Général" Motors, Alfa "Roméo" ou "Mercédès" ! Ne parlons même pas de moteurs "diésels" !!!

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