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Chronique - 04/07/2024 - #Bugatti , #Ferrari , #Jaguar , #Lamborghini , #Mazda , #Peugeot , #Porsche , #Rimac , #Cadillac

Brain whirlwind

Par Jean-Philippe Thery

Brain whirlwind
Bugatti Tourbillon : je me vois bien au volant (Crédit : Bugatti)

Aujourd’hui, je me triture la tête à propos d’une voiture. Et je prends cher…

J’ai eu une amie qui adorait les voitures

Ça remonte à l’époque de la Ferrari Testarossa, en précisant toutefois à l’intention d’éventuels plaisantins qu’il n’est point ici question de la 250 TR gagnante du championnat des voitures de sport en 58, 60 et 61, mais bien de la version routière apparue 25 ans plus tard. Un modèle auquel Sophie voue aujourd’hui encore un véritable culte, même si elle a loupé le coche d’une cote au plus bas au milieu des années 2000, quand il se disait de la berlinette aux caractéristiques flancs en "râpe à fromage" qu’elle symbolisait "les excès des années 80". Je me suis toujours demandé ce que ça pouvait bien signifier, en dehors du fait que ceux qui parlaient ainsi imaginaient sans doute que les clients d’alors de la marque italienne sortaient tous d’un épisode de "Miami Vice".

Cela dit, Sophie a sans doute évité des factures d’entretien conséquente, le "Total Cost of Ownership" de ce genre d’auto se fichant pas mal des cours du marché. Et ça ne l’a pas empêchée de placer le fun en tête de liste de ses raisons d’achats automobiles, comme en témoignent une Mini Cooper S de la génération R50 suivie d’un exemplaire de la R56 en cabriolet, ou encore le coupé Peugeot RCZ revendu après une réfection complète des freins, dont le montant lui a permis de constater que l’après-vente des constructeurs tape parfois aussi fort qu’elle-même a coutume de le faire dans la pédale du milieu. Et c’est désormais une Mazda MX5 RF qui subit ses mauvais traitements, choix auquel j’ai participé en tant que consultant.

Il faut dire qu’avant l’âge des cartes grises, alors que nous circulions en voiture avec chauffeur des transports en commun Lyonnais, nos rêves à quatre roues ne manquaient déjà pas d’ambition. L’une de nos distractions favorites consistait en effet à constituer un garage imaginaire à l’aide des magazines -principalement Britons- dans lesquels je claquais l’essentiel de mon argent de poche. En l’absence de toute restriction budgétaire, nous nous étions fixés pour seule règle de ne choisir qu’une seule voiture par page, parmi celles où les vendeurs spécialisés faisaient étalage photographique de leur stock. C’est comme ça que nous nous sommes retrouvés à la tête d’une fabuleuse collection de Ferrari, Lambo, Jaguar ou Porsche sur lesquelles nous jetions notre dévolu à l’unisson ou pas, prouvant ainsi que le virtuel existait déjà à l’ère pré-Internet de la quadrichromie.

Evidemment, nous n’étions pas de ceux qui affirment d’un ton péremptoire que jamais ils ne "mettraient une telle somme dans une voiture", quand bien même ils en disposeraient, réflexion dont je dois bien admettre qu’elle me fait doucement rigoler. Non pas que je doute de leur honnêteté puisque même à la tête d’une fortune colossale, rien n’interdit d’adopter la "Warren Buffet Attitude", le milliardaire connu pour son mode de vie frugal -pour reprendre un terme en vogue- se trimballant en Cadillac XTS de 2014, quand bien même il se rend sur le tarmac ou l’attend son jet privé (ironiquement baptisé l’ "indispensable"). Mais force est de reconnaître que lorsqu’on est financièrement très à l’aise -je veux dire vraiment très à l’aise- on raisonne un peu différemment. Que représentent en effet les 400 ou 500.000 euros demandés par Ferrari ou Lamborghini en échange de certains de leurs modèles quand on a signé un chèque de plusieurs dizaines de millions de la même monnaie pour s’offrir un yacht ?

C’est néanmoins d’une toute autre échelle de tarif dont je compte vous entretenir aujourd’hui, puisque la vitrophanie que les concessionnaires Bugatti apposeront bientôt sur le pare-brise du dernier modèle en date de la marque affiche un prix public conseillé de 3,8 millions d’euros. Avant bien sûr, le passage par la case "personnalisation" à laquelle les 250 futurs propriétaires de la Tourbillon ne manqueront pas de rendre la visite que se doit d’effectuer tout propriétaire d’hypercar digne de ce nom. Une catégorie qui n’existait pas encore quand fantasmions par revue interposée, même si je doute que dans nos rêves de grandeur, l’étiquette prix ait constitué le moindre frein à nous envies.

Si je vous raconte tout ça, c’est que le lancement de la dernière-née de Molsheim a en quelque sorte ravivé le souvenir de cet espèce de Monopoly motorisé, tout en provoquant en moi un véritable tourbillon de méninges. En découvrant ses photos et caractéristiques sur les réseaux sociaux, je me suis en effet posé la question ô combien essentielle de savoir si-par je ne sais quel miracle- je devenais immensément riche, je me rendrais chez le concessionnaire le plus proche pour y signer un bon de commande. Bref, et pour faire dans l’anglicisme, je me suis offert un brain non pas storming, mais whirling.

Avant de répondre, il convient évidemment de jeter ne serait-ce qu’un bref coup d’œil au catalogue de la Tourbillon, dont la fiche technique comporte une énorme surprise. On attendait en effet de Mate Rimac, désormais propriétaire à 55% de la maison alsacienne, qu’il électrifie à 100% la remplaçante de la Chiron à l’instar des surpuissantes GT à batteries qui l’on fait connaître. Or, notre homme n’a semble-t-il pas obtenu le succès qui est le sien à seulement 36 ans sans écouter les desiderata de ses clients, dont on doute s’agissant de Bugatti qu’ils se soient contentés d’une Rimac revampée. C’est pourquoi le groupe motopropulseur hybride de la Tourbillon associe un V16 8.3L atmosphérique délivrant 1.000 chevaux à trois moteurs électriques sommant en kW l’équivalent de 800 équidés. Je vous laisse faire l’addition dont le résultat vous expliquera pourquoi l’engin ne nécessite que 2 secondes pour atteindre les 100 km/h, et à peine 23 de plus pour accrocher les 400 km/h, en chemin vers la vitesse de pointe électroniquement limitée à 440 km/h (il faut savoir raison garder).

Comme je ne suis pas du genre à copier les fiches techniques pour étoffer mon texte, je vous renvoie à Bugatti point com pour découvrir le reste -évidemment à l’avenant- même si je ne résiste pas au plaisir de mentionner les éléments de suspension en impression 3D. En revanche, je m’attarderai volontiers sur l’évocation horlogère à laquelle renvoie le petit nom de l’engin, même s’il s’agit d’une entreprise plutôt risquée pour un néophyte de mon espèce, surtout sachant qu’un tourbillon se définit comme "une complication horlogère, ajoutée au mécanisme d'échappement, destinée à améliorer la précision des montres mécaniques en contrebalançant les perturbations de l'isochronisme du résonateur dues à la gravité terrestre". Pour faire simple, une complication désigne tout ce qui ne concerne pas directement l’affichage des heures et des minutes, le tourbillon permettant aux montres mécaniques de gagner en précision en atténuant les effets de la pesanteur sur leur mécanisme. Enfin, je crois.

Quoiqu’il en soit, voilà qui ajoute une question à la question, puisque le bidule est d’une telle complexité qu’il coûte une véritable petite fortune à réaliser. Et même si ça ne constitue pas évidemment la seule explication, il n’en reste pas moins que certaines montres à tourbillon, à commencer par celles d’Abraham Louis Breguet qui fut le premier à développer le mécanisme à partir de 1795, s’échangent pour l’équivalent du salaire annuel d’un cadre. Et suivant la marque et le modèle, ça couvre la fourchette allant du débutant en sortie d’école de commerce aux membres de CODIR et dirigeants de grosses PME/ETI. Rien que d’en parler, j’entends d’ici ceux qui affirment que "jamais au grand jamais, ils ne mettraient un tel prix dans une montre".

Moi si.

Mais tant qu’à dépenser, je m’offrirais d’abord le combiné instrumentation au design horloger de la Tourbillon et la voiture qui va autour, ne serait-ce que pour apprécier la superbe cinématique des aiguilles à l’accélération, quand la petite accompagne les violentes montées en régime du moteur thermique, et que sa grande sœur indiquant la vitesse essaye de lui courir après. Si, je vous assure, la perspective de ces brefs moments-là constituerait un élément essentiel de ma motivation d’achat.

Pourtant, je vous promets avoir véritablement cherché de bonnes raisons de ne pas convoiter celle que certains considèreront à n’en pas douter comme le summum de la déraison sur quatre roues. C’est ainsi que je me suis demandé si j’assumerais de m’afficher à son bord, ou de vivre avec l’immense frustration de ne pouvoir exploiter sur route ouverte qu’une infime partie de son incroyable potentiel. Objections balayées d’un revers de la main lorsque je me suis rappelé que résidant en Allemagne, les 60% d’autobahn sans limitations de vitesse y pourvoiraient au moins en partie.

Alors que voulez-vous, je n’ai su résister ni à la tentation du cher ni au désir de l’objet, en me disant que quelle que soit l’opinion qu’on nourrit à leur encontre, les Bugatti modernes représentent depuis la Veyron une forme d’automobile au superlatif porté au carré. Parce que je le peux, que je le vaux bien, que je n’imagine pas quitter cette planète sans avoir fait l’expérience de ressentir ce que peuvent produire les 1.800 chevaux situés dans mon dos, et pour toutes les raisons qu’il me plaira d’inventer dans une tentative désespérée de rationalisation du discours. Enfin, tout ça évidemment de façon très virtuelle, sur des pages dont la seule différence avec celles que nous consultions Sophie et moi il y a quelques années, est qu’elles s’affichent désormais sur un écran.

Il n’empêche, il faudra tout de même que je lui demande ce qu’elle pense de la Tourbillon…

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Réactions

Merci pour cet article comme d'habitude très bien écrit.
J'ai vu le fonctionnement horloger des fameux compteurs dans le reportage de Auto-moto : il est vrai que c'est assez magique !

... Apparemment, certains auraient bien vu Madame Zelensky à son volant, aussi ...(C.F. : notamment, l'article de Xavier Champagne sur la fake, ici même, hier).
Çà tourbillonne (?)
;0)

Merveilleux article, je me suis régalé.
J'ai tellement aimé le tout petit paragraphe : "Moi si"

Sinon, il faudra que je demande à Bugatti s'il est possible de mettre "une boule" pour mes carioles -oui, j'en ai deux comme dirait papa- pour mes visites quasi quotidiennes à la déchèterie. Avec toutes ces périodes de pluie et d'ensoleillement successives, ça tond, ça taille, ça désherbe, fouya misère.
Quel succès j'aurais !

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