30/03/2023 - #Renault , #Volkswagen Vp , #Bmw , #Chrysler , #Peugeot
Bonne ID au carré
Par Jean-Philippe Thery
VW nous partage ses ID depuis 2019. Mais la dernière en date pourrait bien être la meilleure d’entre elles.
Mine de rien (ou de lithium), je commence à accumuler une belle expérience en voitures électriques.
Evidemment, les 7 modèles à mon actif feront bien rigoler les essayeurs professionnels, même si ça me situe très au-dessus de la moyenne des automobilistes français, et plus encore des anti-VE qui se répandent en postages acrimonieux sur les réseaux prétendument sociaux, sans n´avoir mis la main sur le volant de l’un d’entre eux. Pour autant, je doute que ceux qui aujourd’hui testent les modèles à neutrons en long et en large -mais plus rarement en travers- aient connu comme moi leur baptême électrique à la fin du siècle dernier au Brésil.
A l’époque, et parce qu’il avait travaillé sur le sujet dans ses fonctions antérieures, le directeur plan produit de Renault récemment nommé au Brésil avait eu la bonne idée de faire venir à São-Paulo un des rares exemplaires de la Clio électrique afin de l’exhiber dans le cadre d’une exposition intitulée "França 2000", destinée à promouvoir auprès des brésiliens ce que l’industrie française produisait de meilleur. Je dois donc à Laurent (il se reconnaitra) ma première crise de "range anxiety" au retour d’un trajet dans la banlieue de São-Paulo, alors que l’œil rivée sur l’aiguille des kWh s’approchant dangereusement de l’horizontale, je tentais de rallier l’Avenida Faria Lima où siégeait Renault do Brasil. Même si je dois à l’honnêteté d’avouer le détour effectué par l’aéroport pour épater…je veux dire déposer une collègue.
Je me rappelle également les tribulations administratives que m’a valu l’auto, surtout après que Laurent -décidément peu avare en trouvailles géniales- avait demandé à la garder au-delà du délai initial (et raisonnable) pour le Salon de l’Auto, et afin de la faire essayer par des journalistes. Sans compter les négociations avec la régie de notre immeuble pour obtenir une prise au deuxième sous-sol du parking, ni la plaque électronique planquée dans le fond de ma valise au retour d’une mission de France, l’engin ayant grillé quelques transistors par incompatibilité avec les électrons locaux lors d’une séance de charge.
Cette histoire passionnante méritait d’autant plus d’être contée que Google n’en n’a guère gardé de trace, en dehors de l’article publié le 1er mars 1997 dans la "Folha de Londrina", 2e ville du Paraná avec son demi-million d’âmes, à près de 400 km de Curitiba où Renault a depuis construit son usine brésilienne. On y apprenait entre autres que les batteries Nickel-cadmium de 20 kWh de la petite Renault alimentaient un moteur de 21 kW, autorisant une vitesse maximale de 95 km/h une autonomie d’environ 80 km, et qu’elles étaient en grande partie responsables des 26.300 dollars que coûtait alors l’auto. Mais promis, y assurait le patron dans l’interview accordée à la Folha, des batteries au lithium alors en phase de test allaient bientôt améliorer ses performances pour un coût réduit.
Tout ça m’est revenu en mémoire plus de 20 ans plus tard, quand j’ai testé ma deuxième électrique, une autre française expatriée au Brésil. Mais c’est à Rio de Janeiro que j’ai cette fois conduit la Peugeot e-208, le même jour que sa cousine thermique fabriquée localement. Un évènement que j’ai relaté dans un bref article intitulé "levei um choque" en portugais dans le texte, autrement dit "j’ai pris un choc". Mais pas celui auquel je m’attendais avais-je pris soin de préciser immédiatement, puisque des deux versions de la petite lionne que j’avais testées, la plus intéressante n’était pas forcément celle que j’avais imaginée. De fait, j’ai découvert ce jour-là à ma grande surprise que j’étais prêt pour l’électrique, du moins pour les trajets urbains. Et c’est sans doute le cas de la plupart d’entre vous, y compris des "têtes de pétrole" les plus irréductible, pour qui la "musique" d’un trois ou quatre cylindres downsizé dans les embouteillages ne correspond pas exactement à l’idée qu’il se font du plaisir automobile. Et sans doute ceux-là conviendront-ils qu’en de telles circonstances, mieux vaut privilégier le silence aux accords de Beau de Rochas et se passer des passages de rapports, façon boite auto. Bref, le mieux serait sans doute de disposer de deux autos, dont une branchée.
En (très) résumé, ça me fait donc plus de deux décennies d’expérience sur les petites berlines électriques. Et autant vous dire que le spécialiste du sujet que je suis ainsi devenu s’est montré particulièrement attentif le 15 mars dernier, quand Volkswagen nous a présenté sa dernière idée en date, baptisée ID. 2all. Inutile de vérifier si j’ai correctement orthographié son nom, puisqu’il est désormais de bon ton au sein des services marketing des constructeurs automobiles de perturber le correcteur orthographique de Word. Même si notre traitement de texte préféré n’a pas de raison de se préoccuper puisque l’ID. 2all est un concept-car, et que sa vie utile durera ce que durent les conférences de presse. Une information qui ne manquera pas d’étonner ceux d’entre vous qui auront accordé un minimum d’attention à la photographie figurant en tête de cette chronique avant d’en entamer la lecture.
De fait, on se voit plutôt à son volant là tout de suite, qu’à l’admirer sur le stand d’un de ces salons automobiles ayant de toutes façons probablement disparu, à faire la belle sous les LEDS en tournant sur un podium motorisé. Parce que même si les experts de service remarqueront tel ou tel détail non homologable ou non industrialisable, il faut bien admettre que s’il existe un concept-car qui ne ressemble vraiment pas à un concept-car, c’est bien l’ID. 2all (quelqu’un se rappelle comment taper l’espace insécable sur Word svp ? C’est pour un ami). Et l’on pourra d’autant plus regretter cet apparent conservatisme, que contrairement à la Clio électrique ou la e-208 dont les soubassements à la génétique thermique ont dû être sérieusement adaptés pour recevoir des packs de batterie, l’ID2 Machin repose sur la MEB, qui fait ici montre de la versatilité permise par les plateformes purement électriques, puisqu’elle accueille son premier modèle en traction.
Moi, j’avais rêvé d’un monde où les designers profiteraient justement des possibilités offertes par ces soubassements plats en forme de skateboard, avec leur pack de batteries structurel et les roues jetées aux quatre coins pour réinventer les codes du langage stylistique automobile. J’avais imaginé des modèles aux formes totalement nouvelles, s’affranchissant totalement des codes habituels de la carrosserie automobile, grâce à une chaîne de traction sécable en plusieurs morceaux, et qu’on peut disposer à volonté ou presque. Bref je voulais une révolution, à l’image de ce que fut la Chrysler Airflow de 1934, qui si elle n’était pas électrique, n’en fut pas moins la première auto de grande série à recourir au “streamline“, ce style issu de l’Art Déco visant à vaincre la résistance de l’air par des lignes aérodynamiques.
Sauf que l’Airflow pour magnifique qu’elle nous puisse nous apparaitre aujourd’hui vira au flop commercial retentissant avec moins de 30.000 exemplaires produits en 3 ans, devenant également le symbole de que l’innovation peut susciter de rejet auprès du grand public pour qui la porte en premier. Et même s’il est peu probable que les responsables du projets ID2 qui planchent aujourd’hui sur la déclinaison série de l’ID. 2all prévue pour 2025 n’aient jamais songé à l’Airflow, ceux-ci empruntent visiblement le chemin inverse de celui choisi par les responsables de chez Chrysler à l’époque.
"Nous transférons l’ADN de nos icones dans le futur" déclare ainsi Andreas Mindt, à la tête du design de la marque. Et de fait, personne n’a besoin de lui pour réaliser combien les Polo et Golf actuelles et passées sont présentes dans le dessin de la nouvelle ID, ce qui constitue sans doute précisément son objectif. D’ailleurs, et sans doute pour avoir un truc un peu différent à raconter, le dossier de presse nous explique que l’ID. 2all reprend le dessin du montant de custode de la Golf de première génération -celle de 1974- nous rappelant évidemment sans le dire que BMW n’est pas le seul à utiliser le célèbre "Hofmeister Kink" apparu sur la 3.200 CS en 1961, nommé en référence à Wilhem qui dirigeait alors le style de la maison munichoise.
Il n’empêche, tout ça me paraît démontrer que cette ID-là va dans le bon sens. Parce que maintenant que nous approchons des 15% de voitures électriques à batterie vendues neuves en Europe, les constructeurs vont désornais devoir convaincre des clients sans doute moins tolérants avec les particularismes de la voiture électrique, qui ne considéreront pas forcément comme un jeu de planifier les arrêts aux bornes de recharge sur un trajet au long court. Quoi de mieux alors qu’une voiture "normale" à vocation urbaine, et donc destinée à évoluer dans ce qui constitue l’habitat naturel des autos de son espèce ? Une voiture dont le look évoque les modèles actuels et passés à succès de la marque, et dont le premier prix -promis sous les 25.000 euros hors aides gouvernementales- permettra d’offrir une véritable alternative mais en courant continu à la Polo, son équivalent thermique. Une voiture dont l’instrumentation digitale, s’affranchissant enfin du combiné riquiqui des ID3 et 4, exhibe le dessin de compteurs aussi analogiques que rassurants, pour qui n’a pas encore accepté la disparition des aiguilles.
Certes, le 2 de La future ID 2 pas all sera sans doute synonyme de deuxième voiture pour une proportion significative de ses acquéreurs. Mais qu’importe puisqu’elle amènera justement à s’électrifier ceux qui peuvent profiter de ses avantages sans subir ses inconvénients, avant que les progrès attendus des batteries comme des réseaux de chargement ne poursuivent le travail de conquête ? Normaliser l’électrique, voilà sans doute la grande mission confiée par Volkswagen à la petite ID2. Et à mesurer le chemin parcouru depuis la Clio des années 90, je me dis que ce modèle-là mérite véritablement de voire son numéro en exposant.
Parce que de mon point de vue, la future petite dernière de chez Volkswagen constitue une vraie bonne ID au carré.