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05/05/2021 - #Man

"Automobile Nation"

Par Xavier Horent, Délégué général du CNPA

"Automobile Nation"

Ce 26 avril dernier, un comité stratégique a réuni l’ensemble des représentants de la filière au plus haut niveau sous l’autorité de Bruno Le Maire, et de Luc Chatel, président de la Plate-Forme Automobile (PFA). Le ministre de l’économie et de la relance y a clairement fixé le cap stratégique : "La France doit rester une grande nation automobile."

Ce qui se joue va bien-au-delà du patrimoine d’une filière de premier plan. Cette marche forcée peut asphyxier les efforts entrepris et dévier. Un échec emporterait des conséquences tragiques, un tribut lourd sur un corps social fracturé et disqualifierait la parole publique.

Pour accompagner le changement, le plan de relance devra être un puissant levier au service d’une grande nation automobile et des mobilités. En conséquence, le respect de quelques principes est essentiel à sa réussite : appliquer rapidement le contrat de filière actualisé par l’avenant conclu le 26 avril ; définir une stratégie équilibrée pour éviter de tout miser sur l’électrique ; soutenir au niveau européen la création de "Zones Green Deal" ; prendre toute la mesure de la dimension systémique de la révolution en cours au niveau des services ; et inscrire le pragmatisme à l’ordre du jour sans rythme effréné, en passant toutes les réglementations au crible de la cohérence.

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Les historiens jugeront ces années 20 ; "folles" ou pleines de sagesse, impasse ou renaissance, il est aujourd’hui difficile de regarder par-delà l’écume des temps.

"Ce qu’il y a souvent de plus difficile à apprécier et à comprendre, écrivait Tocqueville, c’est ce qui se passe sous nos yeux". Et ce qui se passe, c’est bien une révolution. C’est la raison pour laquelle "Nation" et "Automobile" sont liées. Ce qui se joue va bien-au-delà du patrimoine d’une filière de premier plan. L’automobile incarne un puissant symbole, celui de la possibilité d’un "monde d’après" dont l’essentiel des promesses dépend d’une transformation globale de nos modèles économiques et de la redéfinition de notre pacte social.

Réussir une révolution copernicienne, au cœur des défis d’un siècle ouvert par une tragique pandémie, est un enjeu mondial. C’est aussi un enjeu à l’échelle des "États constructeurs", en particulier ceux à l’origine d’innovations de ruptures qui ont permis de bâtir un actif stratégique essentiel à la Nation. À l’aube d’un grand bouleversement des hiérarchies, plus rien n’est acquis mais rien n’est impossible. Si la France veut rester une nation automobile, elle devra parvenir à mobiliser ses forces vives de manière inédite autour d’un grand projet fédérateur avec un réalisme collectif à toute épreuve. 

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A l’ordre du jour du comité stratégique du 26 avril : l’avenir assombri du secteur de la fonderie - plus de 15.000 emplois directs - en France, contenu en deux chiffres : 135 kg de fonte pour fabriquer un véhicule thermique, contre 35 kg pour un véhicule électrique. Un troisième complète le contexte général : 91. C’est le niveau moyen de grammes d’émissions de CO2 par kilomètre du parc immatriculé en France en 2020, soit un record historique décroché en pleine crise sanitaire. 

Ces chiffres éclairent la part d’ombre et de lumière qui nuance toute révolution. Les trajectoires auxquelles ils renvoient illustrent les injonctions paradoxales et les champs de contraintes auxquels sont soumis les acteurs, d’un bout à l’autre de la filière, de la conception au recyclage - soit un Français sur dix en termes d’emploi. C’est toute l’ambivalence d’une "destruction créatrice" qui doit transcender une combinaison de transitions dont toutes les conséquences, positives et négatives, se révèleront inéluctablement au cours de cette décennie.

Fait inhabituel, le patron de la CGT, Philippe Martinez, était présent pour porter un message de réalisme social que beaucoup n’auraient pas renié. Car ce sera particulièrement difficile. Ce pari est à très hauts risques. Et il coûtera d’abord très cher. "Les coûts associés à cette transition sont très élevés, de l'ordre de plusieurs centaines de milliards d'euros cumulés sur une période de 20 ans" pour les collectivités publiques et les entreprises, notait en mars 2019 un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Les coûts liés à la mise en place de l'infrastructure nécessaire à la recharge des véhicules sont évalués entre 31 et 108 milliards d'euros, selon les scénarios du CEA et de l'IFPEN, sollicités par les parlementaires.

L’une des questions, qui n’est pas des moindres, sera aussi la conversion des recettes fiscales liées aux taxes sur les produits pétroliers, de l’ordre de 43 milliards d’euros par an. On imagine évidemment mal le budget public renoncer à une manne qui a doublé en 20 ans. 

Rien n’est donc acquis en dépit de l’exceptionnel savoir-faire implanté sur le sol national et de la providence d’un État qui n’est pas avare pour soutenir la filière - quand bien même il n’en est pas moins créatif avec toujours plus de réglementation et de fiscalité. Déjà championne des taxes à l’automobile, la France est hors catégorie en parvenant à les alourdir encore de près de 2,5 milliards d’euros en un an. Un rapport, publié ce mois-ci par Bercy, estimant toutefois que l’automobile ne serait pas assez taxée, préconise déjà des pistes pour y remédier… On a déclenché des révolutions pour moins que cela. 

L’Etat, lui aussi, devra réussir sa propre révolution, invariablement différée - pour l’instant.

La balance avantages / inconvénients et opportunités / risques est, disons-le, d’autant plus incertaine que les études d’impacts préalables sont forcément incomplètes : toute révolution a une part d’inconnu. Cette marche forcée peut de surcroît asphyxier les efforts entrepris et dévier du cap fixé. L’allègement d’un accablant sac à dos de 10 milliards d’euros d’impôts de production est une éclaircie mais il est encore loin de faire le printemps d’une réindustrialisation salvatrice et d’un nouveau pacte national autour de la filière automobile.

Il faut bien entendu aller beaucoup plus loin. Le temps l’exige, et sans un sursaut spectaculaire à tous niveaux, notamment culturel, la réindustrialisation du Pays restera un vœu pieux. Or, un échec emporterait des conséquences tragiques avec un effacement irréversible. Il aurait également un tribut particulièrement lourd sur un corps social déjà très fracturé, tout en disqualifiant la parole publique dans un domaine où les attentes sont immenses.

La concrétisation de cet axe stratégique prendra du temps car on ne regagnera pas 4 ou 5 points de part de l’industrie dans le PIB en claquant des doigts. Aucune décision d’éventuelles relocalisations de productions ne se prend du jour au lendemain. Le contexte reste très pressant, dans la mesure où les choix d’investissements de "gigafactories" de batteries se réalisent maintenant. Or, on en recense aujourd’hui 25 projets en Europe, contre un seul en France, à Douvrin. Et leurs possibles implantations ne compenseront pas à moyen terme la perte potentielle de 100.000 emplois industriels menacés dans un certain nombre de sites conventionnels en France d’ici 2030.

Dans cette révolution, n’oublions jamais l’effet multiplicateur d’un socle solide : un emploi créé dans l’industrie, c’est 4 à 5 emplois créés dans les services. Et, en cas de dissolution du tissu industriel, une question mérite d’être posée : au service de quel acteur devra se mettre le secteur des services ?...

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Nous avons franchi un point de bascule, et ce 26 avril en a été la traduction. Le tournant de l’électromobilité y a été exprimé de la manière la plus nette qui soit, et il s’agit désormais d’accélérer pour que la France reste dans la course tout en gérant au mieux les multiples dégâts collatéraux liés à une véritable tabula rasa. Les difficultés de la fonderie ne sont que l’une des conséquences du vote en 2018 par le Parlement européen des objectifs de baisse des émissions de CO2 à atteindre d’ici 2030. Decazeville, dans l’Aveyron, rejoint donc la cohorte formée par Béthune ou Rodez. La fonderie, le pneumatique, comme le diesel promettent des impacts politiques très sensibles au niveau local, dont les réalités sont forcément éloignées des stratégies élaborées au sein des cénacles parisiens.

À tous ceux qui dénoncent, sans doute légitimement, une certaine forme d’impuissance du politique, la manière dont la filière automobile a été conduite à opérer un virage historique depuis l’explosion du "dieselgate" apporte un solide démenti. Ce sont en effet nos élus, en France et en Europe, qui ont fixé le cap en connaissance de cause. C’est la loi de notre démocratie, et il n’est plus l’heure de commenter les débats de la convention citoyenne ni la manière dont les décisions ont été nouées. L’enjeu est de tout faire pour exercer un leadership humain et technique au cours de ce siècle des "nouvelles mobilités". 

Si la volonté politique est claire, nos élus devront apprécier l’ensemble des conséquences liées à leurs décisions stratégiques, en évitant de feindre de ne pas les avoir toutes voulues - y compris celles qui n’ont pas été suffisamment évaluées en amont. Et il faudra décliner collectivement un plan d’actions suffisamment convaincant pour embarquer positivement tous les Français sur la trajectoire d’un développement durable et tangible.

À défaut, ce serait une autre révolution. Potentiellement violente, elle signerait un échec plus grand encore : notre incapacité à travailler ensemble, au service d’une transition écologique réussie parce que profondément acceptée. Pour conjurer la perspective d’une sévère réplique de jaunisse, il ne faut pas sous-estimer combien la mobilité et tout ce qu’elle implique sont un élément majeur de stabilité de la nation et de la démocratie. 

"Quand on veut on peut, quand on peut on doit", rappelait Napoléon. Nos élus, et nous, les contribuables, devrons donc consentir à des efforts considérables. Nous devrons accompagner de manière proactive toute la diversité entrepreneuriale d’une filière qui est loin de se résumer au secteur industriel, en favorisant la diffusion de l’innovation comme la reconversion des compétences et des emplois. Impensable de se défausser : la politique n’a d’autre option que de rendre possibles les choix effectués, "quoi qu’il en coûte" ( ?).

Or, le contexte dans lequel évolue la filière est d’une complexité inouïe. Les meilleurs experts donnent parfois l’impression de s’y perdre eux-mêmes. Songez qu’elle doit en même temps réussir une transformation radicale et surmonter les effets d’une pandémie qui continue à déjouer les prévisions et à écraser une société à bout de souffle.

Si cette crise rend encore bien difficile toute projection, nous devons avoir l’optimisme chevillé au corps : il est possible que cette vague nous projette dans Trente Nouvelles Glorieuses. Mais soyons honnêtes, c’est aujourd’hui un véritable acte de foi. Car l’examen lucide des faits ne saurait faire l’impasse sur l’état du Pays : désindustrialisation structurelle, paupérisation croissante, finances publiques exsangues, niveau préoccupant de défiance, un barycentre industriel en Asie et des GAFAM toutes puissantes. Le tout dans une incertitude totale sur notre aptitude à surmonter la tempête économique et à saisir les changements massifs des modes de consommation. 

Sans en rajouter, le faut-il ?, le marché automobile français a fait en 2020 un grand bond en arrière de 50 ans. 2021, joker. 2022, nouveau joker. 2023 - 2024 : passe. 2025 : norme Euro 7. Avec une part de seulement 9 % dans la valeur ajoutée automobile produite en Europe, la France va décidément devoir abattre tous ses atouts avec un volontarisme public et privé à toute épreuve.

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Toutes les cartes sont rebattues. Bien malin qui peut prédire l’évolution des rapports de forces sur l’échiquier mondial où plusieurs parties particulièrement complexes se jouent de manière simultanée, ni les multiples conséquences qu’emporte une telle révolution sur la géographie automobile. Le COVID joue comme un révélateur et un accélérateur, pour le meilleur et pour le pire, ravivant un peu plus l’urgence d’une reconquête de souveraineté pointée à juste titre par Claude Cham, président de la FIEV.

Le dernier contrat stratégique de filière automobile avait été conclu en 2018, au terme d’un travail approfondi mené par la PFA avec l’État et l’ensemble des parties prenantes. Les acteurs étaient confrontés à un objectif de baisse de 38,5 % des émissions de CO2 d’ici 2030, un cap considéré alors comme très difficilement tenable si ce n’est inconcevable aux yeux de beaucoup.

Cet accord a été conclu il y a une éternité : c’était avant la crise sanitaire, mais aussi avant la loi d’Orientation sur les Mobilités, la loi Climat et Résilience, l’élargissement des Zones à Faibles Émissions (ZFE), le décollage électrique (notamment des hybrides) et la crise des semi-conducteurs. C’était avant que ne se dessine un "Green Deal" européen dont la finalité conduira à une révision des objectifs de baisse du CO2 entre 50 et 60 % d’ici 2030, et avant l’ouverture des discussions sur la norme Euro 7 applicable en 2025 - possible synonyme d’une excommunication du thermique.

La pression de cette nouvelle donne est totale, et se double d’une constante escalade réglementaire. Elle est nationale, européenne, mondiale, mais aussi locale avec l’irruption des métropoles dans l’édiction des normes en particulier avec les ZFE. Avec de tels objectifs à un horizon de moins de 10 ans, les acteurs n’ont aucune marge de manœuvre pour exécuter leur feuille de route et résoudre une équation où il s’agit d’équilibrer le quotidien du client, la rentabilité de l’investisseur, et l’intérêt général du citoyen !

9 pays européens - aujourd’hui sans aucune production automobile sur leurs territoires - demandent de s’engager sur une date d’arrêt (2030, 2035 ou 2040… ?) de fabrication des moteurs thermiques. Une échéance si proche que les industriels pourraient ne pas investir dans une nouvelle génération de moteurs conformes à la norme Euro 7, par crainte que la brièveté de sa durée de vie ne permette d’amortir tous les investissements associés. Comment les en blâmer ? Et quid du statut des véhicules hybrides, sources d’une rentabilité indispensable au financement d’une fuite en avant technologique dans un monde automobile hyperconcurrentiel où les barrières à l’entrée sont tombées ?

Les défis à relever sont d’une complexité très pressante, avec de possibles effets domino qui pourraient être rapidement hors de contrôle si l’on ne maîtrise pas la violence et le rythme de la transformation exigée : initialement de 5 à 10 ans, l’horizon de temps est passé à 2 ans, peut-être 3.

L’histoire enseigne que l’emballement est un risque inhérent à tout processus de nature révolutionnaire. Chaque transition ouvre une période marquée par l’instabilité, la confusion, la pression de forces contraires. La filière n’y échappe pas : d’un côté, l’allure imposée incitera les constructeurs à faire l’impasse sur l’Euro 7 en allant jusqu’au bout de la durée des moteurs Euro 6d et à se polariser sur des gammes électriques et/ou hydrogène ; de l’autre, il n’est pas assuré que les ménages et les entreprises choisiront le renouvellement de leurs parcs au lieu de privilégier leur prolongation compte tenu de leurs possibilités budgétaires mais aussi des difficultés à appréhender l’état du marché, des infrastructures ou des réglementations. Enfin, rien n’indique, pour le moment, que le bilan global en termes de RSE soit positif de manière probante.

Nous gagnerons, peut-être, à condition de commencer par surmonter d’étroits manichéismes. Les vrais réactionnaires, ce sont les empêcheurs de rêver à tout ce qui se ressemble à une innovation. L’implacable inquisition qui prospère à l’encontre de l’automobile coupable de tous les péchés capitaux est contre-productive. Les plus intégristes, souvent les plus bruyants mais auxquels une tribune est toujours offerte, ne font qu’adjurer les acteurs de la filière de se repentir en place publique. Ne voulant pas que la France reste une nation automobile, certaines surenchères confinent à une contre-révolution : celle de la décroissance. Or, ce serait hypothéquer le monde d’après espéré en rendant plus improbables les futures décisions d’investissements et la restauration d’emplois durables dans nos territoires.

Nous réussirons, peut-être, en regardant notre histoire économique en face. La somme de rapports qui ont brillamment disséqué le sujet automobile sous toutes ses coutures est impressionnante. Ils couvrent le champ des questionnements de notre économie et de notre société. Un chapitre est commun à leurs auteurs, c’est celui de la compétitivité. "Coûts" ou "hors-coûts", sans elle, il n’y a rien de possible. L’automobile est un étonnant récit national et en dit beaucoup sur nous-mêmes. Elle raconte à la fois le potentiel exceptionnel de nos ressources, et parfois notre inaptitude à les mobiliser avec lucidité au bon moment dans un cadre légal adapté. Ce sont toutes ces révolutions que nous n’avons pas eues le courage de mener, et qui conduisent aux impasses de près de 30 ans de politique de délocalisations.

S’il devait y avoir une quelconque repentance, elle serait donc nécessairement collective. Et il n’est jamais bon de revisiter l’histoire en essayant de la réinterpréter à l’aune des canons du jour. La France a le privilège de compter des champions nationaux de classe mondiale, et l’art de cultiver un état d’esprit de pionniers industriels et commerciaux implantés dans toutes nos régions.

Notre responsabilité est de transmettre cet héritage, et non de demander aux acteurs de battre leur coulpe. Car ceux-là sont du côté des solutions : demandons-leur plutôt comment réussir cette extraordinaire révolution en ce qu’elle peut porter de positif pour notre société. Ne pas le faire, comme l’a dit Luc Chatel, "c’est prendre le risque d’un déclassement industriel", et bien pire, de renoncer à être une nation automobile.

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Deux échéances majeures approchent : la présidence française de l’Union européenne en janvier prochain, et, bien entendu, l’élection présidentielle en mai. Au centre de la transformation de paradigmes extrêmement puissants, la question de la mobilité sera donc centrale en 2022.

Que faut-il retenir de cette réunion du 26 avril pour avancer, maintenant ?

-    Appliquer rapidement le contrat de filière actualisé par avenant ce 26 avril. Tout y est, de l’intensification du développement des bornes de recharge jusqu’au nécessaire principe de neutralité technologique, en passant par les emplois et la transformation des compétences. Ce contrat est extrêmement ambitieux, il faut désormais l’exécuter avec le plus d’agilité possible. Il s’agit aussi de persévérer sans naïveté dans la création de nouvelles coopérations entre les acteurs d’un écosystème élargi. C’est le capital le plus fragile et le plus essentiel car la filière souffre d’un excès culturel de cloisonnements et d’une vision publique très segmentée entre les ministères qui entravent la dynamique collective. C’est en soi une révolution, celle de la méthode.

-    Définir une stratégie équilibrée pour éviter l’erreur absolue de tout miser sur l’électrique. La considérer comme une "solution unique" fait frémir car tout monopole technologique n’est pas sans danger. Cette myopie étonnante à l’heure du sacro-saint principe de précaution serait une faute, dont souhaite manifestement s’absoudre l’Allemagne. Pourquoi tomber dans une stratégie trop exclusive que l’on reproche d’avoir eue hier à l’égard du diesel ? Aucune technologie de rupture n’étant encore mature, ne vaudrait-il pas mieux ouvrir l’éventail des solutions, la compétitivité de chacune dépendant de leurs usages et de leurs coûts publics respectifs ? L’hydrogène y aura sa place, mais les carburants de synthèse sans doute également. 
La seule religion automobile qui vaille, c’est l’innovation ; ayons la clairvoyance de n’en laisser aucune de côté, à moins de faire exploser tous nos moteurs et donc de rater l’objectif national.

-    Soutenir au niveau européen la création de Zones Green Deal, dont la novation est intégrée à l’avenant d’avril 2021. Face à un mouvement de régionalisation dans le monde, l’Europe doit affirmer sa volonté de puissance en menant, elle aussi, sa propre révolution à son terme. Elle doit en ce sens conférer une dimension économique au Green Deal. La transition écologique multipliant le risque que l’industrialisation des véhicules propres s’expatrie davantage, la création de telles zones franches encouragerait des investissements significatifs à travers une exonération des charges sociales et d’impôts : il faut viser une concentration de l’innovation et de l’emploi autour des véhicules "verts" en Europe, et en France.

-    Prendre toute la mesure de la nature systémique de la révolution des mobilités : à l’heure des datas, elle impacte toutes les chaînes de valeur, y compris au niveau des services de l’automobile dont il s’agit de préserver la valeur ajoutée mais aussi le volume considérable des emplois sur le sol national et européen. Comme l’a rappelé Francis Bartholomé, président du CNPA, "l’enjeu est d’entraîner une dynamique au sein d’un écosystème élargi et interdépendant". La réussite dépend étroitement de la capacité d’accélération de "l’aval" en matière de capacités d’investissement, de création de nouvelles offres, et de formation. Le secteur n’a fort heureusement pas attendu, avec la cofondation d’un OPCO Mobilités, la digitalisation des services, ou le lancement d’une verticale au sein de Station F. Il doit être une pièce d’autant plus enrichissante en s’intégrant aussi à de futures "Zones Green Deal" que la mutation d’un parc de 40 millions d’unités et des usages associés doit être assurée.
Enfin encouragée, cette dimension pourtant essentielle reste insuffisante faute de fonds de modernisation dédiés : les véhicules lourds de "France Relance" sont, pour le moment, conçus pour rouler avec des roues carrées ! Or, la synchronisation des acteurs et l’équilibre de leurs relations sont la condition d’une transformation qui sera d’autant plus solide qu’elle sera globale.

-    Inscrire le pragmatisme à l’ordre du jour : évitons de forcer encore l’allure, pour ne pas céder à la pression d’un emballement qui serait facteur de ruptures violentes. Un rythme effréné ne sera pas soutenable par la filière ni par la société dans son ensemble. "Transition ne veut pas dire précipitation", a dit Bruno Le Maire : il s’agit donc de garantir à la fois une stabilité et une prévisibilité des réglementations, que ce soit à l’échelle européenne, nationale et désormais locale. Sortons des dogmes de court terme : le dessein des ZFE à la française est une bombe à fragmentation sociale et territoriale. Mieux vaudrait s’inspirer des pratiques allemandes et cesser de penser que notre Pays - qui représente moins de 1 % des émissions mondiales de CO2 - doit imposer son messianisme. Toute vision excessive, qui serait privative de liberté et source d’exclusion sociale, nous mènerait sur un chemin de crête particulièrement dangereux. Le même réalisme doit prévaloir à tous les étages de nos administrations.

-    Passer toutes les réglementations au crible de la cohérence : allons-nous continuer à négocier les bonus et les primes à la conversion tous les six mois ?... L’assommoir de la fiscalité automobile, l’empilement des aides publiques, et la cacophonie des vignettes Crit’air ont fini par fragiliser le système en le rendant illisible. Fruit d’un État parfois aussi "profond" qu’impénétrable, il faut faire comme l’ENA : le supprimer et rebâtir une cohérence globale. Respectons l’engagement du Président de la République d’atteindre l’objectif d’un million de primes à la conversion sur le quinquennat, tout en favorisant à très court terme un indispensable rebond à l’instar de la relance efficace effectuée à l’été 2020. Le cap doit rester le renouvellement massif du parc et des usages sans oublier la dynamique centrale du marché du véhicule d’occasion récent, la promotion de toutes les mobilités, et la "domestication" du progrès technique dans tous les sens du terme.

Face aux épreuves de vérité, Churchill donnait ce conseil : "Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge." Pour accompagner le changement, le plan de relance devra être un puissant levier au service d’une grande nation automobile et des mobilités. La leçon du COVID, c’est une claque cuisante qui doit nous rendre humbles, résilients, et lucides pour réussir la révolution qui est sous nos yeux et qui, pour l’heure, nous dépasse tous.

Xavier Horent, 4 mai 2021

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Réactions

Churchill promettait aussi du sang et des larmes ,c’est ce que le VE va apporter,nous perdrons notre indépendance nationale et les ateliers se réduiront comme peau de chagrin,effrayant,même la CGT a les yeux ouverts et se fait traiter de collabo par les écolos !
Défendons le vilebrequin et le piston qui n’ont jamais été aussi propres!

Vous avez oublié la sueur !
;0)

En effet, mais la sueur sur un VE........

Excellent article de Xavier Horent. A lire, relire et méditer. Il a le mérite, entre autres, de placer le débat à son juste niveau : celui de la politique. Et des risques associés à tout excès. Il semble que certains gouvernants n'apprennent rien des échecs passés. La crise des "gilets jaunes" est pourtant proche et on ne peut plus Franco-Française. La question de la mobilité devra faire l'objet de profonds débats et j'espère de positionnements clairs, lors de la campagne électorale de 2022. Et ne devra(it) pas être reléguée, comme un sujet secondaire ou essentiellement local.

Si Alain, quand la batterie est à plat et qu'on pousse..
;0))

Coluche disait : "les discours en disent longs..."
Arrêtons les discours et agissons. Je ne vois que du YAKAFOCON.
Exemple concret chiffré donné dans l'article : on passe de 135 kg de pièce fondue à 35kg. Soit, mais déjà sur les 135 actuels, combien représente la quote-part de la production France ? Et si cette capacité de production était utilisé à 100% des 35kg nécessaires au VE, les emplois, mais surtout le tissu industriel et le savoir faire serait conservé. Au lieu de cela l'état actionnaire de Renault laisse ce dernier approvisionner ces pièces bien loin des préoccupations des gars de Decazeville ou de Bretagne. Les quelques centimes gagnés par pièce ne sont rien par rapport aux milliards perdus en pseudo aides sociales et divers pansements que l'on va mettre à droite ou à gauche.
Et de l'autre côté, nos fonctionnaires de Bruxelles vont achever le travail avec l'Euro 7. Ils n'interdisent pas le thermique, mais ce qu'ils demandent est techniquement irréalisable. A. Merkel est déjà monté au créneau. Mais je pense que c'est peine perdu, la commission est revancharde de s'est faite roulée dans la farine avec le coup du Diesel Gate, que l'Euro 7 aura été écrite sans les constructeurs. Par contre les ONG soit disant écologistes sont bien présentes et leur lobby de plus en plus puissant.

Merkel mesure l’étendue des dégâts de son accord avec les verts,à force de vouloir la paix .....on a la guerre,les syndicats Allemands avait tiré la sonnette d’alarme depuis longtemps.
Et pendant ce temps la l’Allemagne inaugure une nouvelle centrale à ......charbon!

Merci M. Horent pour cette analyse et laissée en libre accès sur notre site préféré Autoactu.com !
Quelques remarques de ma part à la lecture de ce texte qui a le mérite d’ouvrir à la réflexion…
« Car l’examen lucide des faits ne saurait faire l’impasse sur l’état du Pays : désindustrialisation structurelle, paupérisation croissante, finances publiques exsangues, niveau préoccupant de défiance, un barycentre industriel en Asie et des GAFAM toutes puissantes. Le tout dans une incertitude totale sur notre aptitude à surmonter la tempête économique et à saisir les changements massifs des modes de consommation. »
La France et les français sont en plein doute, c’est un secret de polichinelle. Et la crise sanitaire actuelle liée au Covid n’arrange rien en terme de visibilité. C’est inquiétant car comme on dit en physique, « la nature a horreur du vide », et l’humain aussi. Toutes les dérives pourraient être possibles, et il faut absolument éviter un désastre humain et social.
Il va falloir faire preuve d’imagination et de volonté pour surmonter l’après-guerre Covid. Il va y avoir beaucoup d’emplois détruits, mais aussi beaucoup de choses à reconstruire…
Dépêchons-nous de vacciner nos jeunes, ils en ont besoin pour reprendre une vie normale et nous aider à être les moteurs pour redresser le pays, aujourd’hui et demain.

« 9 pays européens - aujourd’hui sans aucune production automobile sur leurs territoires - demandent de s’engager sur une date d’arrêt (2030, 2035 ou 2040… ?) de fabrication des moteurs thermiques. Une échéance si proche que les industriels pourraient ne pas investir dans une nouvelle génération de moteurs conformes à la norme Euro 7, par crainte que la brièveté de sa durée de vie ne permette d’amortir tous les investissements associés. Comment les en blâmer ? Et quid du statut des véhicules hybrides, sources d’une rentabilité indispensable au financement d’une fuite en avant technologique dans un monde automobile hyperconcurrentiel où les barrières à l’entrée sont tombées ? »
C’est le cœur du problème : il n’y a me semble t’il aucune visibilité sur les futures normes de pollution qui vont, selon leur date d’application et leur niveau d’exigence, signer l’arrêt de mort du véhicule thermique.
Or, comme le précise par ailleurs M. Horent, nous ne pouvons pas nous astreindre à des technologies de traction monotype. Mais là où c’est le plus grave, c’est que le véhicule thermique est actuellement celui où les volumes sont les plus importants en terme de production pour les constructeurs. Ce doute quant aux futures normes et intenable et ne pourra pas perdurer… Il y a trop d’enjeux en terme d’emplois et industriels…
« "Coûts" ou "hors-coûts", sans elle, il n’y a rien de possible. L’automobile est un étonnant récit national et en dit beaucoup sur nous-mêmes. Elle raconte à la fois le potentiel exceptionnel de nos ressources, et parfois notre inaptitude à les mobiliser avec lucidité au bon moment dans un cadre légal adapté. Ce sont toutes ces révolutions que nous n’avons pas eues le courage de mener, et qui conduisent aux impasses de près de 30 ans de politique de délocalisations. »
C’est un véritable problème car les disparités salariales au sein de l’UE sont énormes. Un ouvrier roumain coûte moins de 200 € par mois et attise forcément la convoitise des entreprises de produire à moindre coût. En partant de ce postulat, que peut-on faire en France ? Se résoudre ou agir avec cette claque que nous nous prenons tous les jours (pour certains d’entre nous en tous cas). Donc produire à moindre coût, pas sur des produits disons plus basiques. Mais ce sont des métiers qui vont devoir changer si nous voulons continuer à vivre de notre travail…
« Decazeville, dans l’Aveyron, rejoint donc la cohorte formée par Béthune ou Rodez. La fonderie, le pneumatique, comme le diesel promettent des impacts politiques très sensibles au niveau local, dont les réalités sont forcément éloignées des stratégies élaborées au sein des cénacles parisiens. »
Donner à court terme de l’argent du contribuable à des entreprises dont le carnet de commande est vide, est- ce la solution ? Par contre aider des entreprises qui investissent et innovent pour se reconvertir tout en maintenant au maximum l’emploi.
« Définir une stratégie équilibrée pour éviter l’erreur absolue de tout miser sur l’électrique…./…Pourquoi tomber dans une stratégie trop exclusive que l’on reproche d’avoir eue hier à l’égard du diesel ? Aucune technologie de rupture n’étant encore mature, ne vaudrait-il pas mieux ouvrir l’éventail des solutions, la compétitivité de chacune dépendant de leurs usages et de leurs coûts publics respectifs ? L’hydrogène y aura sa place, mais les carburants de synthèse sans doute également.
La seule religion automobile qui vaille, c’est l’innovation ; ayons la clairvoyance de n’en laisser aucune de côté, à moins de faire exploser tous nos moteurs et donc de rater l’objectif national. »
Comme le dit le vieil adage : ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier...
« Mieux vaudrait s’inspirer des pratiques allemandes et cesser de penser que notre Pays - qui représente moins de 1 % des émissions mondiales de CO2 - doit imposer son messianisme. »
Mais nous nous faisons quand même régulièrement montrer du doigt par l’UE comme un champion de taux de pollution dans certaines de nos grandes métropoles… Mais nous agissons pour y remédier.

C'est le CCFA qui devrait écrire ce genre d'article ?
;0)

... Niveau CCFA ... La question de Lucos méritait d’être posée …
Avec Renault qui annonce le bridage de la vitesse de ses "automobiles" à 180 km/h et Tavares qui semble renoncer au lancement d’alertes pour rejoindre le camp des « pragmatiques » , ne parlons pas de Vw par « charité » … le ton est donné ?

Le secteur des fonderies orientées "ouatures", premiers sacrifiés de la transition énergétique en lien avec l'auto ...?
Comme il est envisagé un peu (beaucoup ?) dans cette abondante chronique … Espérons que le choix stratégique du « tout » VE fait par nos élus, en France et en Europe ne se révèle pas aussi (voire plus !) néfaste dans tous ses effets, demain matin, que le choix du « tout » Diesel, hier …

L’erreur est humaine, certes ! … persévérer reste « diabolique »
;0)

… Même si le classement du MIT est discuté, particulièrement, par les "pastèques" … en écho à la fin, notamment, du commentaire de Clerion : La France "4e pays le plus vert au monde" …
Quand même !
Sans tomber dans l'autosatisfaction et l'immobilisme, faudrait aussi arrêter avec "la haine de soi" sur le sujet du "climat" comme sur d'autres …
;0)

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