21/12/2023 - #Land Rover , #Mclaren , #Ford
Another brick on the shelf
Par Jean-Philippe Thery
Aujourd’hui, je me lance dans la (re)construction. Celle d’un beau souvenir d’enfance livré en boite…
Je suis récemment tombé sur une vidéo de David Beckham.
Une "chute" purement électronique mais qui n’avait rien de fortuit considérant ce qui va suivre et le fait que les différents trucs auxquels nous sommes désormais tous connectés connaissant notre vie mieux que nous même, savaient bien que je ne pourrais m’abstenir de cliquer sur le lien qui a "popcorné" sur mon écran. C’est comme ça que je me suis retrouvé à visionner un extrait vieux de trois ans du "Tonight Show", où le célèbre milieu offensif était interviewé par le présentateur vedette de l’émission diffusée par NBC, un type forcément formidable puisque Jimmy Fallon est du 19 septembre. David lui confiait son faible pour les LEGO, révélé quelques temps auparavant par une vidéo domestique filmée et twittée par Madame Beckham. On y entend cette dernière se moquer de son époux, lequel mettait une touche finale à un Land-Rover Defender à deux heures du mat, puisqu’impuissante à convaincre son homme d’abandonner les parallélépipèdes en plastoc pour rejoindre le lit matrimonial, elle se venge bassement en pointant de la caméra la mention "à partir de 11 ans" stipulée sur l’emballage, sans oublier de préciser qu’il en avait alors 44.
Là, j’admets que l’ex Spice-Fille m’a quelque peu irrité. Quel besoin avait en effet Victoria de houspiller son mari en public, alors que sagement installé à domicile, celui-ci pratiquait son hobby favori sur la table de la salle à manger quand d’autres trainent dans les bars avec leurs amis ? Face à ce qui constituait manifestement un abus d’autorité doublé d’une forme de harcèlement immoral, je me suis senti dans l’obligation de faire montre d’un minimum de solidarité masculine à l’égard de David aux prises avec son Goliath en jupons. Il s’en est donc fallu de peu pour que je ne publie en ligne une pétition proposant d’inscrire dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme le droit de monter des véhicules en briques à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Et puis je me suis dit qu’après deux décennies de cohabitation, le couple Beckham n’avait sans doute pas besoin de moi, et que l’article 24 du fameux texte relatif au repos et aux loisirs couvrait sans doute les prérogatives de notre monteur de pièces im-briquées. J’ai donc fichu la paix à Victoria.
En revanche, l’engouement de son David de mari pout les briquettes danoises me l’a rendu d’autant plus sympathique que je suis moi aussi un grand fan de LEGO. Une assertion que les services comptables de la firme de Billund auraient néanmoins été il y a encore peu fondés à contester, puisque je n’avais jusqu’à une date récente pas déboursé la moindre couronne pour acquérir un de ses produits. Celle-ci est en revanche totalement justifiée par le souvenir du meilleur cadeau que je n’aie jamais reçu de mes parents pour Noël, autrement dit la boîte référence 653 de la toute récente série "Technical Set" lancée en 1977, simplement rebaptisée par la suite "LEGO Technic". Et quel que soit son référencement, le Père Noël ne s’était pas trompé de cheminée cette année-là, en y jetant les 601 pièces de bonheur permettant de construire la première voiture du genre.
Ou plutôt un châssis puisque l’engin était dépourvu de la moindre carrosserie, comme me l’a rappelé l’emballage cartonné dont j’ai évidemment retrouvé la photo en ligne. Et si l’objet paraît pour le moins rustique en 2023, c’était loin d’être le cas à l’époque. A la fin des seventies, les LEGO "Technic" ouvraient en effet les portes d’un univers nouveau, démultipliant la puissance ludique des traditionnelles petites briques en y ajoutant un tas de nouvelles pièces, entre axes, poutres percées, bagues et surtout engrenages. Sans oublier les roues qui nous rappellent que si vous êtes fan des questions genre "Trivial Pursuit", vous brillerez immanquablement lors du prochain dîner en famille -c’est pour bientôt- en posant sous forme de devinette la question de savoir qui est le plus grand fabricant au monde de pneumatiques. Allez je vous aide, les 700 millions d’unité qu’il produit chaque année ne viennent ni de Bridgestone, Michelin ou Continental, ni même de chez Goodyear…
Toujours est-il que j’en ai profité un max, de mon châssis en pièces détachées. Après l’avoir monté, puis démonté, puis monté et démonté les autres modèles figurant sur la notice, je me suis lancé dans la conception d’engins de mon invention que je gardais en état un certain temps, avant qu’une collision dans un mur suivant une sortie de route dans le couloir ne m’incite à la réalisation d’un nouveau projet. Dans l’album éponyme lancé en 1979 par -est-il besoin de le préciser- les Pink Floyd, le mur auquel il ajoute sans cesse une nouvelle brique symbolise métaphoriquement l’isolement dans lequel s’enferme Pink, personnage dont il raconte l’histoire. A me voir assis pendant des heures en train d’assembler en solitaire les pièces colorées éparpillées à même le sol, l’observateur de passage aurait cependant eu tort de s’imaginer que celles-ci provoquaient sur moi le même effet. Au contraire, plongé dans un monde qui me paraissait offrir des possibilités infinies, j’inventais constamment avant de défaire pour laisser place à la machine suivante. Et lors de ces longues séances d’intense bonheur créatif où je fichais une paix royale à mes parents, Léonard de Vinci n’était pas mon cousin.
Je dois d’ailleurs au contenu de la boite 653 une grande partie de ma compréhension initiale des choses de la mécanique. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes que le premier moteur à combustion interne (fictive) que j’eu l’occasion de voir en fonctionnement arborait des pistons carrés. Mais peu m’importait, puisque j’étais fasciné par leur mouvement incessant de va-et-vient à la recherche constante d’un point mort -fût-il haut ou bas- au gré des balades répétées sur le trajet menant de ma chambre au salon. En revanche, il me fut plus difficile d’appréhender le fonctionnement de la boite de vitesses, même si je repérais très vite quelle bloquait les roues arrière sur les deux rapports inférieurs, en raison du faible coefficient d’adhérence qu’offrait le parquet vitrifié. Ainsi fus-je initié aux joies du survirage, lorsque je prenais -littéralement- le volant miniature permettant par le bais de la colonne de direction et de ses différents renvois, d’actionner la mini-roue dentée se promenant sur la crémaillère.
S’ils me lisent, que les représentants français de LEGO se rassurent, puisque j’ai enfin mis la main au porte-monnaie pour m’acheter une boite, en guise de cadeau de Noël (pour moi : on n’est jamais mieux que servi que par soi-même). Sans doute mes chers lecteurs, qui m’ont vu arriver avec mes gros sabots scandinaves depuis le début de cette chronique, et qui attendent donc impatiemment de savoir sur quelle auto j’ai bien pu jeter mon dévolu, seront surpris d’apprendre que la référence 42107 est celle de la Ducati Panigale V4R. J’ai dû commander la belle moto italienne, après qu’elle eut disparu à la vitesse de son V4 à 90° "Desmodici Stradale" des étals marchands berlinois, le temps d’hésiter avec d’autres modèles. Mais aussitôt reçue, je me suis évidemment précipité sur la boite -joliment illustré- pour l’ouvrir, devant néanmoins pour ce faire procéder à un déchirement déchirant pour les maniaques de mon espèce. Puis j’ai étalé sur la table du salon les petits sachets de cellophane renfermant les différents lots de pièces. Ils s’y trouvent encore, puisque sachant que contrairement au gamin de 10 ans je la laisserai intacte une fois assemblée, je retarde le plaisir du montage et l’heure où la Panigale ira s’exposer sur une étagère. C’est ma Spice-Girl à moi qui va être contente…
Voilà expliquée une des raisons de mon choix, puisque l’empreinte plastique au sol de la Ducat’ est notoirement plus réduite que celle de la McLaren F1 (42141) sur laquelle j’ai pas mal lorgné avant de me décider. Mais si l’explication d’ordre pratique sera probablement réduite à néant durant les soldes de débuts d’année (elle est quand même chouette cette F1), il en existe une autre résidant dans la nature même des constructions en LEGO puisque plus que de véritables maquettes, celles-ci constituent avant tout des représentations voire des évocations de l’objet qu’elles incarnent à l’échelle. C’est pour ça que vous ne trouverez par exemple ni culasse ni couvre-culasse chez LEGO, chez qui il est impensable de ne pas montrer l’équipage mobile d’un moteur en mouvement, le spectacle ainsi offert valant bien une distribution. (Ça me fait penser que la McLaren -elle est décidément vraiment cool cette monoplace- dispose de pistons cylindriques). Et comme c’est également vrai pour les carrosseries, le psychorigide en moi ne pouvant se départir d’une certaine dose de réalisme, je trouve que malgré les nombreuses pièces spécifiques faisant de plus en plus appel aux courbes, les LEGO siéent mieux à certains engins que d’autres. Comme les motos, d’aspect plus "mécanique" par nature, ou les autos à la carrosserie tirée au cordeau, comme l’impressionnant pick-up Ford F-150 Raptor ou les deux versions du Defender, entre l’ancien et le moderne.
Le même Land Rover qui depuis une certaine vidéo, a rejoint les étagères de la collection de David, à qui je souhaite comme à Victoria, un joyeux Noël et une fin d’année constructive. Ainsi bien sûr qu’à mes fidèles lecteurs.
Bon, je vous laisse. J’ai un truc à faire…