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28/07/2022

American Coffee

Par Jean-Philippe Thery

American Coffee
Elle a Bel Air cette Chevy, surtout en deux portes.

Aujourd’hui, je vous emmène prendre un verre de l’autre côté de l’Atlantique, à base de café et d’un mélange d’acides désoxyribonucléiques…

Vous l’avez peut-être déjà vue.

En 2016, une agence de voyage en ligne organisa une campagne sous forme d’étude intitulée “The DNA travel“, consistant à soumettre 67 volontaires à un test ADN, afin de leur faire découvrir leurs origines ethniques. Pour 16 d’entre eux -probablement les plus photogéniques- l’expérience eut droit aux honneurs de la caméra, donnant lieu à plusieurs vidéos que vous retrouverez facilement sur une certaine plateforme que je n’ai sans doute pas besoin de citer.

Mais avant qu’ils ne crachotent dans le tube, on demanda aux participants de s’exprimer sur leurs origines et leur vision du monde, avec à la clef un joli florilège de préjugés. Le groupe comprenait par exemple un Anglais persuadé d’appartenir au “best country in the world“, déclarant sans ambages “ne pas être fan des Allemands“ ou un Islandais n’hésitant pas à se proclamer “plus important que bien des gens“ en raison de ses origines. Et on n’est guère surpris que la jeune femme kurde émigrée au Danemark avoue son peu d’estime pour le peuple turc, ou plutôt son gouvernement s’empresse-t-elle de préciser dans une tentative manifeste de se raccrocher aux branches. Plus soft, la Française de service -résidente londonienne- n’imagine pas le résultat du test autrement que “boring“ puisque ne se connaissant pas d’autre ascendance que française. Même topo pour une Burundaise sûre de ses racines est-africaines ou pour le trentenaire “100% cubain“.

Et devinez quoi : Notre ami briton se découvre des origines allemandes -mais pas que- alors que pour l’homme venu du froid, l’Islande se rapproche soudain du continent européen lorsqu’il prend connaissance de ses antécédents espagnol, italien et grec. Surprise plus intense encore pour la jeune Kurde découvrant non seulement ses lointaines origines caucasienne et iranienne, mais également la présence d’un cousin iraquien dans le groupe des participants. Et alors que la jeune femme est-africaine apprend que sa famille était aussi un peu à l’ouest, le Cubain pure souche reste bouche bée devant les composantes du véritable cocktail ethnique constituant son patrimoine génétique, issu de diverses régions d’Europe et d’Afrique ainsi que des populations natives américaines.

Evidemment, les cyniques de service pointeront la débauche de bons sentiments destinée à faire larmoyer dans les chaumières, et les effets lacrymaux mis en œuvre par la production ne leur donneront pas forcément tort. Mais il n’en reste pas moins que malgré la mise en scène, l’expérience reste légitime et qu’elle nous rappelle qu’au-delà nos différences, nos origines communes devraient nous faire réfléchir à deux fois avant de guerroyer pour des motifs ethniques. Et sans doute ne peut-on donner tort à notre Française -qui se découvre plus british que nature, mais aussi italienne et grecque- lorsqu’elle affirme que ce genre de test devrait être obligatoire pour tous.

Cette histoire m’est revenue en tête samedi dernier, au 33202 de la Woodward avenue, à Birmingham. La ville du Michigan et non celle des Midlands ou de l’Alabama, puisque je suis de passage à Détroit. Et bien sûr, je ne pouvais rater le “Cars and Coffee“ organisé sur le parking du Pasteiner's Auto Zone Hobbies, échoppe particulièrement dangereuse pour les “têtes de pétrole“ de passage comme moi, puisqu’on y trouve moultes revues, livres, miniatures, maquettes et autres articles dédiés à l’Automobile. Inutile de me demander si j’ai sorti mon portefeuille, puisque je ne répondrai pas même en présence de mon avocat, au cas où pour une fois mon épouse aurait décidé de lire ma chronique hebdo.

Même si vous n’avez jamais participé à ce genre d’évènement, je ne vous ferai pas l’insulte de vous en exposer le principe, tant sa dénomination est auto-explicative. Et avant que vous ne me posiez la question, sachez qu’il y avait non seulement du café, mais aussi les délicieux scones préparés par Madame Pasteiner, belle-fille de Steve, designer renommé et fondateur de ce fantastique lieu de perdition established since 1988. Certes, le concept Cars and Coffee est né il y a un quart de siècle sur la côte ouest des Etats-Unis, mais il faut bien admettre qu’il “fait du sens“ à Detroit, véritable berceau de l’Automobile américaine.

Mais trêve de gourmandises, puisque l’essentiel se situe à l’extérieur. Et Bertrand Rakoto, envoyé permanent d’Autoactu outre-Atlantique, mais aussi mon amphitryon motorisé en ce début de séjour US, avait beau regretter un plateau un peu maigre en raison de la pluie qui ne se contenta pas que de menacer, on y trouvait tout de même de quoi satisfaire bien des curiosités. Tenez, quand avez-vous vu pour la dernière fois une Mazda RX7 de première génération, jaune et entièrement d’origine, accompagnée d’une de ses descendantes type RB méchamment préparée encadrant une Ferrari F12 ? A côté, une rare Chrysler Imperial Coupé de 1967 semblait attendre l’hélicoptère qui pourrait se poser sur la piste formée par un coffre horizontal et démesuré, alors que la peinture défraichie d’une Jaguar XJS n’empêchait pas cette dernière de s’afficher fièrement avec des jantes apocryphes. Evidemment, les Corvette s’exhibaient en différentes génération -y compris l’actuelle C8 à moteur central arrière- donnant la réplique à la Chevrolet Bel Air Coupé de 1957 mais aussi à une Autozam AZ1, adorable Kei-car dotée de portes papillon. Quant à la Honda Civic de 3e génération, elle ne semblait nullement complexée avec ses éléments de carrosserie aux couleurs dépareillées face à l’autre Impérial, une Four Doors Sedan de 1959, alors que l’altier cabriolet Mercedes 280 SE 3.5 côtoyait une Lotus Elise ou même un engin mono-biplace que je n’ai pas reconnu.

Croyez-moi, j’aurais pu poursuivre plus avant l’énumération de ce véritable inventaire mécanique à la Prévert si je ne craignais de devenir fastidieux. Et puis je ne doute pas que vous ayez capté le message véhiculé non seulement par les modèles mentionnés, mais aussi par les bipèdes présents venus montrer leur auto, admirer celle des autres ou les deux, et pour lesquels le snobisme qui semble régner sur certains évènements automobiles semble définitivement proscrit. Ne vous étonnez d’ailleurs pas si le samedi matin sur les parkings de ce genre, on voit tel designer ou cadre dirigeant de GM, Ford ou Stellantis tailler une bavette impromptue avec John Doe (le “Monsieur X“ version locale), ceux-ci ne limitant pas leurs contacts avec le public amateur d’autos aux résultats d’Etudes de marché.

Et la veille au soir, c’était pareil. Après avoir cruisé sagement sur Woodward avenue -pas question de verser dans le street racing même si les presque 500 chevaux de la Charger Scat Pack nous servant de monture ne demandaient qu’à s’exprimer- nous avons suivi une meute emmenée par une Toyota Supra sur le parking d’un restaurant où se retrouvaient des machines pour certaines en attente d’en découdre sur l’autoroute voisine. Là encore, il y en avait pour tous les goûts entre des Mustangs au V8 surmontée d’un énorme compresseur, de vraies ou fausses JDM (Japanese Domestic Market), une Ferrari 488 apparemment d’origine, et d’énormes pick-up surélevés au châssis éclairé. Sans oublier les deux roues allant des gars tatoués et sans casque en Harley à la bande de quatre potes venus sur leur petit Honda “Grom“ MSX 125 cm³. Bon, on est tout de même partis avant l’inévitable apparition du sheriff sans doute alerté par des voisins peu amateurs de “beurre-yaourt“ sauvage sur leur boulevard…

Voilà qui nous ramène aux questions d’ADN, auxquels les designers et marketeurs de l’automobile aiment volontiers se référer à propos d’un objet pourtant constitué de métal et plastique. Une notion qui pourrait d’ailleurs être mise à mal tant la crise d’approvisionnement de puces et composants venus du monde entier nous a rappelé à quel point la voiture d’aujourd’hui est construite dans un monde globalisé. Mais les clichés ont d’autant plus la vie dure qu’ils sont délibérément entretenus, entre le style à l’italienne, la Deutsche Qualität, la sécurité suédoise ou encore la technologie japonaise sur lesquels les constructeurs concernés ne manquent jamais de communiquer, même si tous se fournissent en Asie du Sud-Est pour construire leurs autos. Tiens, un peu comme les protagonistes de l’expérience mentionnée plus haut, qui n’ont rien perdu de leur identité en découvrant qu’eux aussi faisaient appel à des composants du monde entier.

Quoi qu’il en soit, nos amis d’outre-Atlantique m’ont démontré que leur café sait aussi se montrer fort en goût quand on le savoure sur les parkings et qu’il cultive le mélange des saveurs. Du coup, je me demande si je ne vais pas faire un test ADN. Mais en attendant, je reprendrais volontiers un des Scones de Miss Pasteiner…

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Réactions

Le "truc" semble être une Ariel Atom (ADN britannique) en version California street legal améliorée (avec un pare brise..)
;0)

J'ai gratté sur le net et il semble que ce soit une Ariel Atom 3S (ADN britannique pour la fabrication, ADN US pour la licence, ADN japonais pour le Honda 2.4)..
;0)

En effet, cela ressemble très fortement à une Ariel ATOM distribuée aux Etats-Unis dans sa variante 4 cylindres, à moins qu'il ne s'agisse d'une des rares V8 produites !
https://www.arielna.com/

Bravo pour le texte, jamais j'aurais un talent d'écriture pareil !!
J'ai parcouru une des nombreuses "concentres" à Dayton Beach...et il y a de tout...mais beaucoup plus moderne...plus une chapelle pour ceux qui prient...et bien sûr les gâteaux-café...et quand tu est un frenchy avec un anglais douteux, qu'es-ce qu'ils sont gentils quand tu dis que tu débarques du gay (!!!) Paris...et du Moulin Rouge plus tour Eiffel !!
Certains beaucoup plus réservés...ils n'ont même pas un passeport !! Il faut avoir les "congratulations" faciles et un appareil de photo !!
Les riches en Cadillac sont très réservés...et sont allés en Europe dès tout petits !!

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